Images de page
PDF
ePub

Et tes soins, quand le crime ourdirait quelque trame, Banniront la terreur qui pesait sur notre âme.

Issus des immortels, il verra dans les cieux
Les héros de son sang assis avec les dieux;
Et les dieux le verront maintenir sur la terre
La paix, ce fruit heureux des vertus de son père.
Aimable enfant! Cybèle, offrant des dons nouveaux,
Prévient en souriant nos vœux et nos travaux :
Sur ton berceau déjà croît la rose odorante;
Le lis y joint sa fleur à la fleur de l'acanthe;
Tu vas naître bientôt on verra dans nos champs
Errer près des agneaux les lions innocens;
L'aconit expirer sur sa tige perfide;

Dans ses poisons mourir la vipère livide;
Et nos fleurs de Saba vaincre les arbrisseaux ;
Et le lait sous nos mains couler en longs ruisseaux.

Lorsque tu pourras lire aux pages de l'histoire,
Par quels faits tes aïeux ont acquis tant de gloire,
Par-tout vont à flots d'or oudoyer les moissons;
La pourpre des raisins rougira les buissons,
Et le miel coulera de l'écorce des chênes.

Cependant parmi nous de nos antiques haines
Quelques levains encore aigriront les esprits ;
L'homme ira sur les flots braver encor Thétis,
Tourmentera les champs pour les rendre fertiles,
Et d'un mur protecteur enfermera les villes :
Sous un autre Typhis il faut que, vers Colchos,
Argo porte en ses flancs l'élite des héros;

Que du dieu Mars encor la fureur se déploie,
Et qu'Achille menace une seconde Troie.

Mais quand ton corps plus ferme aura pris sa vigueur,
L'homme n'enverra plus le pin navigateur
Échanger les produits d'une rive étrangère:

Tout sol produira tout; dès ce moment la terre
Verra sans les taureaux, le fer et les humains,
Cérès donner ses blés, et Bacchus ses raisins;
De l'art des Tyriens les laines tributaires
N'oseront plus briller de couleurs adultères ;
Et par-tout les béliers, les brebis, les agneaux,
D'or, de pourpre et d'azur, couvriront les coteaux.
Atropos, de concert avec les Destinées,

A dit: Filez, mes sœurs, ces trames fortunées.
Alors tu peux briguer les honneurs éternels,
Fils des dieux, noble enfant du roi des immortels!
Vois avec majesté se balancer le monde,
La vaste mer, le ciel, et la voûte profonde
Tressaillir dans l'espoir d'un siècle aimé des dieux.

Oh! si je puis, vainqueur du Temps injurieux,
Vivre assez pour chanter les exploits de ta vie,
Marcellus, ton poëte, excitera l'envie
Du fils de Calliope et du fils d'Apollon.

Oui, j'irai provoquer, fier de chanter ton nom,
Pan même, en Arcadie; et, s'il luttait de gloire,
Pan même, en Arcadie, avoûrait ma victoire.

Toi, cher enfant, des tiens commence le bonheur. Ah! pour la consoler de dix mois de langueur,

Fais voir, par un souris, que tu connais ta mère;
Qu'un doux souris réponde à celui de ton père:
On ne peut partager sans son auguste aveu,
Le lit d'une déesse et la table d'un dieu.

FIRMIN DIDOT.

L'INQUIÉTUDE.

En quel état me trouvé-je réduite

Pour obéir à mon devoir !

Je fuis Tircis ; mais que me sert ma fuite
Qu'à m'ôter seulement le plaisir de le voir ?
Que me sert-il de ne le pas entendre?

Je devine tous ses discours :

Et mon cœur me redit mille fois tous les jours
Ce qu'une fois il m'aurait dit de tendre.
Je m'imagine à tous momens
L'entendre m'exprimer les plus doux sentimens;
Et peut-être, hélas ! qu'à ma honte,

Quand de son entretien j'évite les appas,
Je m'engage à lui tenir compte

De cent mille douceurs qu'il ne me dirait pas.

M.me DE LIANCOUR.

Id. et Egl.

23

TITYRE ET MÉLIBÉE;

ÉGLOGUE TRADUITE DE VIRGILE.

MÉLIBÉE.

TITYRE, assis à l'ombre au pied de ce vieux hêtre,
Tu modules des airs sur ta flûte champêtre :
Nous, hélas! exilés de notre cher pays,

Nous fuyons, nous quittons nos toits, nos prés chéris;
Nous fuyons: cependant, tranquille, heureux de l'être,
Ici tu fais redire aux échos attendris

Le nom, le nom si doux de ton Amaryllis.

TITYRE.

Ce repos, ce bonheur un dieu me le procure.
Oui, c'est un dieu pour moi: son autel, je le jure...
Du sang de mes agneaux rougira tous les mois.
Puis-je assez l'honorer? Si, comme tu le vois,
Mes génisses, mes bœufs errent sur la verdure,
Si ma flûte, à mon gré, s'accorde avec ma voix,
C'est à lui, Mélibée, à lui que je le dois.

MÉLIBÉE.

Je n'en suis pas jaloux; mais ce bonheur m'étonne, Tant dans nos champs le trouble au loin nous environne!

Ces chèvres, que sans force à peine je conduis,
Je les mène en exil : à peine, hélas! je puis
Entrainer celle-ci, qui sur la roche nue,

Parmi des coudriers, a mis bas deux chevreaux,
D'un troupeau malheureux espérance perdue!
Aveugle que j'étais ! tout m'annonçait ces maux;
Des chênes à mes yeux frappés du feu céleste,
Et du cri des corbeaux le présage funeste.
Mais quel est-il ce dieu qui t'a fait ce repos?

TITYRE.

Quelle était mon erreur ! je croyais, je l'avoue,
Rome à-peu-près semblable à notre humble Mantoue,
Cette ville où souvent, habitans des hameaux,
Nous portons du laitage et de tendres agneaux;
Tels de jeunes chevreaux ressemblent à leur père,
Ou des chiens nouveaux-nés à la lice leur mère;
C'était aux grands objets comparer les petits.
Mais, élevant son front sur le monde soumis,
Rome l'emporte autant sur le reste des villes,
Que le cyprès altier sur les roseaux débiles.

MÉLIBÉE.

Quel motif t'amena dans ces fameux remparts?

TITYRE.

Ce fut la Liberté, qui, bien qu'un peu tardive,
Enfin jeta sur moi de propices regards :

Elle vit en pitié ma servitude oisive,

Du jour qu'Amaryllis, qui seule me captive,

« PrécédentContinuer »