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Que te voilà fraîche et gentille!
Mais que faisais-tu dans ces lieux?
Est-ce le soin, de ta parure
Qui t'amène à cette onde pure?
Le voisinage des ruisseaux
Est délicieux pour les belles,

Pour les fleurs et les arbrisseaux.

AMARILLE.

Il plaît de même aux tourterelles,
Et j'y viens seulement pour elles.
De filets tissus avec art

J'ai garni l'une et l'autre rive,
Et je vais attendre à l'écart

Le moment que ma proie arrive.

AMINTE.

Eh quoi! c'est avec des réseaux
Que tu fais la guerre aux oiseaux ?
Innocente! il est, pour les prendre,
Un secret que je veux t'apprendre.

AMARILLE.

Tu rendras mes désirs contens;
Les filets coûtent bien du temps,

Quand il faut les tendre et détendre.

AMINTE.

Ecoute et tes mains suffiront
Pour réussir dans cette chasse.

Observe l'instant et la place
Où deux oiseaux se baiseront;

Et quand, d'une amoureuse, étreinte,
Leurs petits becs se mêleront,

Cours aussitôt......

AMARILLE.

Tu ris, Aminte:

Et les oiseaux s'envoleront.

AMINTE.

Amarille, que cette crainte
Montre bien que, jusqu'à ce jour,
Ton cœur a peu connu l'amour,
Et le charme de ses caresses!
Si tu savais ce qu'un baiser,
Aux êtres qu'il daigne embraser,
Cause de douceurs et d'ivresses!
Comme, dans ce ravissement
La vie est toute suspendue
Entre la maîtresse et l'amant,
Tantôt prise, tantôt rendue;
Mais faible, mais sans mouvement,
Ou du moins semblable à ces songes

Qui sollicitent nos ressorts

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Par de doux et rians mensonges,
Sans pourtant agiter le corps!

AMARILLE.

Ce que tu dis là, je l'ignore :

Mais les oiseaux, comme je croi,

Id. et Egl,

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Ne sont pas plus savans que moi,
Et le ressentent moins encore.

AMINTE.

Les oiseaux aiment comme nous :
Et le dieu qui lance ses coups
Sur les bergers et les bergères,
Perce aussi leurs plumes légères.
Ces chants si variés, si doux,
Que l'écho se plaît à redire,
C'est l'Amour qui les leur inspire.
Qu'ils sont heureux dans leurs désirs,
Eux, dont le chant est le langage,
Et qui n'ont de voix en partage
Que la voix même des plaisirs!
Mais n'as-tu donc, dans ces campagnes,
Remarqué les tendres apprêts

D'oiseaux caressant leurs compagnes ?

AMARILLE.

J'en ai vu plusieurs d'assez près :
Et je n'étais point, ce me semble,
Un objet pour eux redouté;

Comme si le bien d'être ensemble
Leur tenait lieu de sûreté.

AMINTE.

Amarille, as-tu bien pris garde
De quel œil ce couple amoureux

Tourne, s'approche, se regarde,
Et comme il excite ses feux,

Par les coups de bec qu'il se darde?
Qui ne dirait, à leurs efforts,
Au trémoussement de leurs ailes,
Qu'ils poussent leur vie au-dehors,
Et qu'elle doit changer de corps
Dans ces secousses mutuelles?
L'Amour en est le maître alors;
Comme il aime à la reproduire,
Sans doute il la fait s'exhaler:

Ils n'ont plus d'yeux pour se conduire ;
Ils n'ont plus d'ailes pour voler.

AMARILLE.

Tu crois que ces êtres agiles
Sont sans force, sont immobiles?

AMINTE.

Dans l'excès de la volupté,
Leur force se perd et s'égare;
C'est l'ivresse qui les sépare,
Plutôt que la satiété :

Mais aux baisers qui l'ont fait naître,
Leur trouble survit quelque temps:
Ils goûtent, pendant des instans,
La renaissance de leur être.
On les voit frémir, essayer

Si leurs organes sont flexibles,

Et mollement les déployer
Par des mouvemens insensibles,
Comme un papillon ranimé
Par le printemps qui le provoque,
S'essaie au sortir de la coque

Où l'hiver l'avait renfermé.

AMARILLE.

Aminte, ton récit m'enchante;
Mais ces objets m'ont échappé.
Que, de leur image touchante,
Mon cœur est vivement frappé!
Ah! puisse bientôt leur rencontre....

AMINTE.

Pour voir tout ce qu'elle a de beau,
Il faut que l'Amour te la montre
A la lueur de son flambeau :

Nous ne pouvons rien sans sa flamme;
Et le bandeau qu'il porte exprès,
Nous dit que c'est des yeux de l'âme
Qu'on doit contempler ses secrets.

AMARILLE.

Mais où s'apprend cette science?

AMINTE.

Par-tout où de son joug charmant
On fait l'heureuse expérience.

Nous nous instruisons en aimant.

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