Que te voilà fraîche et gentille! Mais que faisais-tu dans ces lieux? Est-ce le soin, de ta parure Qui t'amène à cette onde pure? Le voisinage des ruisseaux Est délicieux pour les belles,
Pour les fleurs et les arbrisseaux.
Il plaît de même aux tourterelles, Et j'y viens seulement pour elles. De filets tissus avec art
J'ai garni l'une et l'autre rive, Et je vais attendre à l'écart
Le moment que ma proie arrive.
Eh quoi! c'est avec des réseaux Que tu fais la guerre aux oiseaux ? Innocente! il est, pour les prendre, Un secret que je veux t'apprendre.
Tu rendras mes désirs contens; Les filets coûtent bien du temps,
Quand il faut les tendre et détendre.
Ecoute et tes mains suffiront Pour réussir dans cette chasse.
Observe l'instant et la place Où deux oiseaux se baiseront;
Et quand, d'une amoureuse, étreinte, Leurs petits becs se mêleront,
Cours aussitôt......
AMARILLE.
Tu ris, Aminte:
Et les oiseaux s'envoleront.
Amarille, que cette crainte Montre bien que, jusqu'à ce jour, Ton cœur a peu connu l'amour, Et le charme de ses caresses! Si tu savais ce qu'un baiser, Aux êtres qu'il daigne embraser, Cause de douceurs et d'ivresses! Comme, dans ce ravissement La vie est toute suspendue Entre la maîtresse et l'amant, Tantôt prise, tantôt rendue; Mais faible, mais sans mouvement, Ou du moins semblable à ces songes
Qui sollicitent nos ressorts
Par de doux et rians mensonges, Sans pourtant agiter le corps!
Ce que tu dis là, je l'ignore :
Mais les oiseaux, comme je croi,
Ne sont pas plus savans que moi, Et le ressentent moins encore.
Les oiseaux aiment comme nous : Et le dieu qui lance ses coups Sur les bergers et les bergères, Perce aussi leurs plumes légères. Ces chants si variés, si doux, Que l'écho se plaît à redire, C'est l'Amour qui les leur inspire. Qu'ils sont heureux dans leurs désirs, Eux, dont le chant est le langage, Et qui n'ont de voix en partage Que la voix même des plaisirs! Mais n'as-tu donc, dans ces campagnes, Remarqué les tendres apprêts
D'oiseaux caressant leurs compagnes ?
J'en ai vu plusieurs d'assez près : Et je n'étais point, ce me semble, Un objet pour eux redouté;
Comme si le bien d'être ensemble Leur tenait lieu de sûreté.
Amarille, as-tu bien pris garde De quel œil ce couple amoureux
Tourne, s'approche, se regarde, Et comme il excite ses feux,
Par les coups de bec qu'il se darde? Qui ne dirait, à leurs efforts, Au trémoussement de leurs ailes, Qu'ils poussent leur vie au-dehors, Et qu'elle doit changer de corps Dans ces secousses mutuelles? L'Amour en est le maître alors; Comme il aime à la reproduire, Sans doute il la fait s'exhaler:
Ils n'ont plus d'yeux pour se conduire ; Ils n'ont plus d'ailes pour voler.
Tu crois que ces êtres agiles Sont sans force, sont immobiles?
Dans l'excès de la volupté, Leur force se perd et s'égare; C'est l'ivresse qui les sépare, Plutôt que la satiété :
Mais aux baisers qui l'ont fait naître, Leur trouble survit quelque temps: Ils goûtent, pendant des instans, La renaissance de leur être. On les voit frémir, essayer
Si leurs organes sont flexibles,
Et mollement les déployer Par des mouvemens insensibles, Comme un papillon ranimé Par le printemps qui le provoque, S'essaie au sortir de la coque
Où l'hiver l'avait renfermé.
Aminte, ton récit m'enchante; Mais ces objets m'ont échappé. Que, de leur image touchante, Mon cœur est vivement frappé! Ah! puisse bientôt leur rencontre....
Pour voir tout ce qu'elle a de beau, Il faut que l'Amour te la montre A la lueur de son flambeau :
Nous ne pouvons rien sans sa flamme; Et le bandeau qu'il porte exprès, Nous dit que c'est des yeux de l'âme Qu'on doit contempler ses secrets.
Mais où s'apprend cette science?
Par-tout où de son joug charmant On fait l'heureuse expérience.
Nous nous instruisons en aimant.
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