Sous la garde de votre chien Vous devez beaucoup moins redouter la colère Des loups cruels et ravissans, Que, sous l'autorité d'une telle chimère, Nous ne devons craindre nos sens. Ne vaudrait-il pas mieux vivre, comme vous faites, Ne vaudrait-il pas mieux être, comme vous êtes, Ces prétendus trésors, dont on fait vanité, Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels; Nous voulons les rendre éternels, Sans songer qu'eux et nous passerons comme un songe. Il n'est dans će vaste univers Rien d'assuré, rien de solide: Des choses ici bas la fortune décide Selon ses caprices divers : Tout l'effort de notre prudence Ne peut nous dérober au moindre de ses coups. Paissez, moutons, paissez sans règle et sans science; Malgré la trompeuse apparence, Vous êtes plus heureux et plus sages que nous. M.me DESHOULIÈRES. REMARQUE. : Antoine Coutel, né à Paris en 1622, mort à Blois en 1693, publia un recueil de poésies de sa façon, ayant pour titre : Promenades de messire Antoine Coutel. Il y a apparence que madame Deshoulières s'était allé promener de ce côté-là; car son Idylle des Moutons est tirée presque mot à mot de ce recueil. Il n'y a d'autre différence entre l'ouvrage de Coutel et le sien, si ce n'est que l'un est en grands vers rangés par quatrains, et l'autre en vers libres à cela près, les pensées, les expressions, les tours, les rimes sont absolument semblables. On a voulu justifier madame Deshoulières sur ce larcin, en accusant l'auteur des Promenades d'être le vrai plagiaire; mais on oubliait que l'édition des poésies de Coutel a précédé de plusieurs années l'impression des premiers ouvrages de madame Deshoulières. D'ailleurs, il suffit d'être un peu connaisseur, pour juger que l'Idylle de Coutel a un caractère original. La voici, afin qu'on puisse la comparer avec celle de madame Deshoulières. LES MOUTONS. HÉLAS! petits moutons, que vous êtes heureux ! Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes; Sitôt qu'êtes aimés, vous êtes amoureux; Vous ne savez que c'est de répandre des larmes. Vous ne formez jamais d'inutiles désirs; Nous sommes malheureux, les ayant parmi nous; N'en soyez point jaloux, innocens animaux : Elle promet beaucoup, et fait beaucoup de bruit; Un Elle s'oppose à tout, et ne surmonte rien; Ne vaut-il donc pas mieux, dans votre liberté, A quoi bon les honneurs? à quoi bon de l'esprit ? Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels; Sans penser qu'eux et nous passerons comme un songe. Il n'est rien d'assuré dans ce vaste univers; Notre prudence est vaine au moindre de ses coups. LES TOURTERELLES, IDYLLE ADRESSÉE A MADAME DESHOULIÈRES. HÉLAS! constantes tourterelles, Que vos caresses et vos jeux Ont des attraits touchans pour un cœur amoureux! De vos transports secrets interprètes fidèles, Mais qu'aperçois-je! ô ciel! dans les ravissemens Vos becs entrelacés qui font un doux murmure, Ah! je me meurs moi-même; ah! que sens-je? ah! mon âme! Sans vous embarrasser dans d'inutiles peines, |