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» Mais le berger pour qui ton cœur soupire

» Me surpasse en légèreté.

Quand je vois, à regret, périr ces fleurs nouvelles » Qu'un même jour voit naître et voit mourir,

» Je les entends qui se disent entr'elles :

» Doris sur notre sort doit-elle s'attendrir?

» Nous passons, il est vrai, d'une vitesse extrême; » Mais son destin est-il plus doux ? » L'amour du volage qu'elle aime, » N'est pas plus durable que nous ».

Fille de la brillante Flore,

Et vous, Zéphire qu'elle adore, Répétez-moi souvent ces utiles discours.

Contre un penchant fatal, soutenez ma tendresse :
J'ai besoin de votre secours.

Tircis n'a rien perdu de ces grâces touchantes,
De ces manières séduisantes,

De cet air, de ces traits si propres à charmer;
Mais c'en est fait, je ne veux plus aimer!

A ces mots, Doris trop émue,
Honteuse d'en avoir tant dit,
Moins par raison que par dépit,

En soupirant se tut, baissa la vue.

Pour dissiper son trouble et calmer ses transports,

Elle voulut, par de nouveaux efforts,

Appeler sa raison au secours de sa gloire.

Sa raison se perdit, et ce fut sans retour.
Les combats qu'on livre à l'Amour
Ne font qu'illustrer sa victoire.

***

THÉMIRE ET SILVARETTE.

THÉMIRE.

QUEL mélange charmant de fleurs et de verdure! Que ce bois est épais! que cette source est pure! Et qu'un cœur, affranchi des troubles de l'amour, Doit goûter de plaisir dans cet heureux séjour!

SILVARETTE.

De votre sentiment, dieux ! que le mien diffère!
Car enfin, sans amour, qu'y peut-on venir faire?
Rien, par soi-même, ici ne m'offre un doux emploi.
Tircis seul met un prix à tout ce que j'y voi.

Si j'en aime les fleurs, c'est qu'en nos jours de fête
Mon berger galamment en sait orner ma tête.
Au bord de ce ruisseau si j'aime à me mirer,
C'est pour y voir ces yeux qui le font soupirer.
Si j'erre avec plaisir dans ces détours champêtres,
C'est pour y voir nos noms gravés sur tous les hêtres.

Voilà pourquoi mon cœur y trouve des appas;
Si j'étais insensible, on ne m'y verrait pas.
THÉMIRE.

Quoi! l'amour a séduit la fière Silvarette ?
Que je plains le troupeau soumis à sa houlette!
Bientôt nous le verrons amaigri, négligé,
Apprendre à nos hameaux 'que l'Amour est vengé.

SILVARETTE.

J'ai pour lui, comme vous, craint l'indolence extrême
Que pour
tous ses devoirs on se sent quand on aime.
Mais Tircis, attentif à m'épargner des soins,
De mon heureux troupeau prévient tous les besoins.
Lorsqu'un triste devoir me retient au village,
Entre nos vieux pasteurs tout son temps se partage;
Il apprend toujours d'eux quelque secret nouveau,
Pour guérir, conserver, engraisser un troupeau:
Le mien seul est l'objet de cette utile étude.
Quand du sien, à mon tour, j'ai quelque inquiétude ;
« J'en ai, m'assure-t-il, plus de soin que jamais:
» Je fais sur lui l'essai des plus rares secrets. »
A ces empressemens puis-je ne me pas plaire?
L'Amour sait rendre heureux et moutons et bergère.
THÉMIRE.

Qu'on le voit aisément, bergère, à vos discours!
Vous n'avez jusqu'ici passé que d'heureux jours;
Vous ignorez encor, dans l'ivresse où vous êtes,
Les soucis dévorans, les craintes inquiètes

Qui suivent tôt ou tard les plaisirs dangereux
Que se promet un cœur plein de ses premiers feux.
Vous apprendrez bientôt, aux dépens de vos charmes,
A pousser des soupirs, à répandre des larmes:
Ces attraits enchanteurs, par la rose embellis,
Peut-être, dès demain, n'auront plus que des lis.

SILVARETTE.

Le sort de ma beauté faiblement m'embarrasse.
Mais sur quoi fondez-vous cette vaine menace?
Si souvent la beauté fait naître un tendre amour,
Un tendre amour souvent l'embellit à son tour.
Tant que nous l'avons vue ingrate, inexorable,
Célimène était belle et n'était point aimable:
Depuis qu'elle ressent d'amoureuses ardeurs,
Ses moindres actions lui gagnent tous les cœurs.
Mille exemples fameux prouvent ce que j'avance:
Au reste, en mes attraits j'ai peu de confiance;
Pour fixer mon amant, je compte beaucoup moins
Sur ces fragiles dons que sur mes tendres soins.
C'est par mes sentimens, par ma délicatesse,
Que je veux de Tircis augmenter la tendresse.
J'y réussis: un jour qu'il lisait dans mon cœur,
Il s'écria, charmé de ma parfaite ardeur:

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Que mon sort est heureux, adorable bergère!

» Tes grâces, ta beauté sont de trop pour me plaire !»>

THÉMIRE.

Je ne le vois que trop; aucun raisonnement

Ne peut vous retirer de votre aveuglement;

Id. et Egl.

26

Mais qu'opposerez-vous à mon expérience?

J'aime... que dis-je? hélas ! j'aimais avec constance Philène, ce pasteur pour exemple cité

Quand il s'agit d'adresse et de fidélité.

En quoi, dites, en quoi le cède-t-il au vôtre?
Eh bien! depuis deux ans nous nous aimions l'un l'autre:
Je croyais, comme vous, durant mes jours heureux,
Qu'on ignorait les pleurs dans l'empire amoureux :
Mais hier nos pasteurs, à l'ombre d'un vieux hêtre,
Formèrent sur le soir une danse champêtre :

Ce fut le terme, hélas! de mon heureux destin;
Philène, à mes côtés, de Cloris prit la main.
Par son air satisfait, par son malin sourire,
La coquette Cloris aigrissait mon martyre:
Je quittai l'assemblée, et, depuis ce moment,
Je rêve, je languis, je pleure incessamment.
Voilà ce que l'amour prépare aux tendres âmes :
Peut-on trop détester ses tyranniques flammes?

SILVARETTE.

Ah! loin de l'outrager, rendez grâce à ce dieu; Philène vous adore, il vous cherche en tout lieu. Que de plaisirs naîtront de sa feinte inconstance !

THÉMIRE.

Ne flattez point mon cœur d'une vaine espérance. Philène, croyez-moi, brûle d'un feu nouveau; On est tel qu'on paraît dans ce simple hameau.

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