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L'HEURE DU BERGER.

Le plus beau pasteur du hameau

Aimait la plus fière des belles.
On croirait qu'un amant si beau
Devait peu trouver de cruelles :
Et cependant, sans être heureux,
Philinte plaisait à Glicère;
Elle répondait à ses feux,

Et n'en était pas moins sévère.
Un jour, dans la saison des fleurs,
Quand tout aime dans la nature,
Assise au bord d'une onde pure,
Dont le bruit charmait ses langueurs
Glicère se sentait émue,

Caressait plus souvent son chien,
Regardait sans fixer la vue,
Rêvait, et ne pensait à rien.
Dans ce moment, Testile passe ;
Il joue avec elle, et l'embrasse :
Philinte arrive, et son courroux
Éclate contre la bergère.

Elle répond d'un ton plus doux:

Ami! pourquoi cette colère ?
Le mal est fait que voulez-vous?
Mon cœur se trouvait sans défense,
A l'heure où Testile a paru.

Si vous étiez plus tôt venu,

Vous auriez eu la préférence.

LÉONARD.

LA BERGÈRE DÉLAISSÉE. (1)

DE

E mon berger volage
J'entends le flageolet;
De ce nouvel hommage
Je ne suis point l'objet :
Je l'entends qui fredonne
Pour une autre que moi;
Hélas! que j'étais bonne
De lui donner ma foi !

Ce n'est plus un mystère,
Quand tu vois ma douleur;

(1) En parlant de cette Pastorale, La Harpe dit : Je ne sais si l'on pourrait citer une chanson de ce siècle aussi tendre et aussi naïve que celle-ci.

Tu sais qu'une bergère

Ne connaît qu'un malheur :
L'ingrat que je préfère,
Tircis que j'aimais tant,
A qui je fus si chère,
Tircis est inconstant!

Autrefois l'infidèle
Faisait dire à l'écho,
Que j'étais la plus belle
Qui fût dans le hameau;
Que j'étais sa bergère;
Qu'il était mon berger;
Que je serais légère,
Sans qu'il devint léger.

J'avais su me défendre
Depuis plus de deux ans ;
On croit pouvoir se rendre
Après mille sermens :
Que ne sut-il

pas dire

Pour vaincre mes refus!
Devrais-je l'en instruire?
L'ingrat ne m'aime plus!

Un jour, c'était ma fête,
Il vint de grand matin
De fleurs orner ma tête;
Il plaignait son destin:

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Ses Jeux

demandaient grice,

Mon cœur y consentit:
Bientôt, plus téméraire,
Ce fut nouveau transport
Je me mis en colère,
Il m'apaisa d'abord.

Crainte de lui déplaire,
Je ne pus le gronder;
Un charme involontaire
Me força de céder :
Je crus son cœur sincère;
Il vit tout mon plaisir;
Hélas ! qu'avais-je à faire?
Me taire, et puis rougir.

Le Printemps, qui vit naître
De si belles ardeurs,

Les a vu disparaître
Aussitôt que les fleurs ;
Mais s'il ramène à Flore
Les inconstans Zéphirs,

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***

Ne pourrait-il encore

Ranimer ses désirs?

Dans ma douleur extrême,
Je voudrais me venger;
Que ne puis-je de même
Prendre un autre berger!
Mais non, pour l'Amour même
Je ne voudrais changer;
Hélas! lorsque l'on aime,
Peut-on se dégager ?

Qu'il porte à ma rivale
Un cœur qui m'appartient;
Cette beauté fatale

Dans ses nœuds le retient:
Qu'il soit tendre ou volage,
Qu'il soit ce qu'il voudra,
Jamais mon cœur plus sage
Pour lui ne changera.

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