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Vous instruit cent fois mieux que tout l'art des romans.
Plus votre ardeur vieillit, plus vous la trouvez belle.
Malgré l'effort des ans, vos cœurs sont enflammés,
Et pour une autre tourterelle

Vous ne quittez jamais celle que vous aimez.
Si les amans et les amantes

Avaient, pour s'envoler, des ailes comme vous,
On verrait encor parmi nous

Plus d'inconstans et d'inconstantes.
C'est vous que l'on doit appeler

De vrais modèles de tendresse:

Vous avez seulement des ailes pour voler
Après le cher objet qui vous charme sans cesse.

Dans votre commerce amoureux,

La défiante jalousie

Ne répandit jamais le poison dangereux

Qui parmi nous brise les nœuds
De l'amitié la plus unie.

Si vous paraissez quelquefois
Disputer et hausser la voix,

Je n'y découvre rien que la louable envie
De deux amans ambitieux

Du prix de s'entr'aimer le mieux;
Et de pareils débats toute aigreur est bannie.
Vous fréquentez les mêmes lieux,

Vous ne cherchez jamais une autre compagnie ;
Vous buvez au même ruisseau,

Vous vous perchez toujours sur le même rameau.

Quand vos paupières sont forcées

De céder aux pavots que le sommeil répand,

Vous craignez de vous perdre; et vos plumes pressées Paraissent être entrelacées.

Que votre langage est charmant! Qu'il a je ne sais quoi d'aimable et de galant! Que vos accens plaintifs sont poussés d'un air tendre! Ce n'est qu'aux cœurs comme le mien Que Vénus a permis d'entendre

Et de goûter votre entretien.

Après avoir cueilli des douceurs infinies,
Dans vos embrassemens savourés à longs traits,

Si vos forces sout affaiblies,

Votre amitié ne l'est jamais.

Ah! quand vous vous plaignez, c'est un regret extrême
Qui vous fait l'une à l'autre adresser ce discours :
Faut-il, mon petit cœur, toujours aimer de même,
Sans pouvoir cependant se caresser toujours!
Depuis le lever de l'aurore

Vous savez vous donner, jusques à son retour,
Différentes marques d'amour.

Recommencez vos jeux, recommencez encore
Hôtes légers des bois; il n'est rien sous les cieux
Qui puisse tant flatter et mon cœur et mes yeux.
Mais si le berger que j'adore

N'avait plus aujourd'hui pour moi le même cœur ;
Si l'Amour avait fait éclore

Dans son âme changée une nouvelle ardeur!

Tourmens affreux! douleurs cruelles!
Soupçons persuasifs! doutes impérieux !
Cessez, hélas! cessez, constantes tourterelles ;
N'offrez pas désormais ces plaisirs à mes yeux,
S'ils leur doivent coûter des larmes éternelles.

Du beau sexe français, ô la gloire et l'honneur!
DESHOULIÈRES, dont le génie

Sut chanter des amans la douce maladie,
Et des héros guerriers célébrer la valeur,
Du Pinde où tu jouis d'une meilleure vie,
Regarde ici bas, et reçoi

L'idylle que je te dédie;

C'est à ton goût que je la doi.

Si je puis aujourd'hui mériter ton suffrage,
Phébus et les neuf Soeurs s'unissant avec toi,
Avoûront ce galant ouvrage.

M.LLE MALCRAIS DE LA VIGNE.

LA FONTAINE DE VAUCLUSE.

Ce n'est pas seulement sur des rives fertiles
Que la nature plaît à notre œil enchanté ;
Dans les climats les plus stériles

Elle nous force encor d'admirer sa beauté :
Tempé nous attendrit; Vaucluse nous étonne;
Vaucluse, horrible asile où Flore ni Pomone

N'ont jamais prodigué leurs touchantes faveurs,
Où jamais de ses dons la terre ne couronne
L'espérance des laboureurs.

Ici de toutes parts elle n'offre à la vue

Que les monts escarpés qui bordent ces déserts,
Et qui, se cachant dans la nue,

Les séparent de l'univers.

Sous la voûte d'un roc, dont la masse tranquille
Oppose à l'aquilon un rempart immobile
Dans un majestueux repos,

Habite de ces bords la naïade sauvage:

Son front n'est point orné de flexibles roseaux,

Et la pureté de ses eaux

Est le seul ornement qui pare son rivage.
J'ai vu ses flots tumultueux

S'échapper de son urne en torrens écumeux;
J'ai vu ses ondes jaillissantes,

Se brisant à grand bruit sur des rochers affreux,
Précipiter leur cours vers des plaines riantes,
Qu'un ciel plus favorable éclaire de ses feux.
L'écho gémit au loin : Philomèle craintive
Fuit, et n'ose sur cette rive

Faire entendre ses doux accens.

L'oiseau seul de Pallas, dans les cavernes sombres, Confond pendant la nuit, avec l'horreur des ombres, L'horreur de ses lugubres chants.

Déesse de ces bords, ma timide ignorance

N'ose lever sur vous des regards indiscrets ;

Je ne veux point sonder les abîmes secrets

Où de l'astre du jour vous bravez la puissance (1)
Lorsque sa brûlante influence

Dessèche votre lit, ainsi que nos guérets.

Je ne demande point par quel heureux mystère
Chaque printemps vous voit plus belle que jamais,
Tandis qu'au départ de Cérès

Vous nous offrez à peine une onde salutaire (2):
Expliquez-moi plutôt les nouveaux sentimens
Qui calment l'horreur de mes sens.
Quoi! ces tristes déserts, ces arides montagnes,
L'aspect affreux de ces campagnes,

Devraient-ils inspirer de si doux mouvemens?
Ah! sans doute l'aurore y fait briller encore
Un rayon de ce feu que ressentit pour Laure
Le plus fidèle des amans.

Pétrarque auprès de vous soupira son martyre;
Pétrarque y chantait sur sa lyre

Sa flamme et ses tendres souhaits;
Et tandis que les cris d'une amante trahie,
Ou la voix de la perfidie

Fatiguent nos coteaux, remplissent nos forêts,
Du sein de vos grottes profondes

L'écho ne répondit jamais

(1) Au milieu du bassin de la fontaine il y a un gouffre dont on n'a jamais pu trouver le fond.

(2) La fontaine est très-abondante en avril, et presque à sec en septembre.

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