Mais aussi deviens plus heureuse. La moitié des troupeaux confiés à tes soins, La cabane, et les champs que cette onde environne Ils sont à toi; je te les donne : Ne les refuse point; je ne veux que l'honneur Puisse un époux digne de ta tendresse Mettre le comble à ton bonheur! Oui, je triomphe de moi-même, BLIN DE SAINMORE. LA PROMESSE TROP BIEN GARDÉE. DAPHNIS ET PHILIS. Au sein d'un doux sommeil, Daphnis, sous un feuillage Du midi bravait les fureurs, Lorsqu'il sentit un nuage de fleurs Qui par flocons légers volait sur son visage. Il ouvre un peu les yeux, et sur l'herbe, à deux pas, Il aperçoit Philis qui lui tendait les bras. S'il voulut s'y jeter, c'est chose vaine à dire ; Et tu verras si je sais me venger. Il eut beau se débattre, il y perdit sa peine. Que ta joue en sera rouge comme une rose. - Oui dà! si c'est ainsi, tenez, mon cher Daphnis, Riez, pleurez, mettez-vous en colère; Point ne vous délîrai que ne m'ayez promis De ne point m'embrasser pendant une heure entière. -Philis, comment veux-tu?...Philis s'obstine.-Eh bien Soit, pas un seul baiser. Philis alors s'empresse De rompre ses nœuds. Le moyen, Disait-elle tout bas, qu'il tienne sa promesse! Répondit-il. Philis sourit, Non toutefois sans un secret dépit. Elle attend; mais bientôt d'un air d'impatience: -Y penses-tu? Qu'importe? allons, plus de vengeance. BERQUIN. L'INNOCENCE DE L'AMOUR. LUCINDE ET ZERBIN. ZERBIN. Oma chère Lucinde! écoute: Je crains de m'abuser: est-ce toi que je voi? LUCINDE. Tu ne t'abuses pas; oui, Zerbin, oui, c'est moi. ZERBIN. J'ai beau te regarder, j'en doute; Mes yeux peuvent m'en imposer : LUCINDE.. Zerbin, nous sommes au village; Ce n'est pas ici comme aux champs: Sais-tu bien que ces lieux sont pleins d'esprits méchans Qui font passer pour crime un simple badinage? ZERBIN. Peut-on être fâché que nous soyons heureux? LUCINDE. On dit que c'est l'honneur qui nous défend ces jeux. ZERBIN. L'honneur a tort de les défendre. Va, ma chère Lucinde, il n'y faut plus penser; LUCINDE. Volontiers... Mais, ô ciel! qu'est-ce donc qui t'agite? ZERBIN. C'est un mal inconnu qui fait que je palpite. LUCINDE. Hélas! Zerbin, ce mal est-il bien douloureux? Id. et Egl. 5 ZERBIN. Je suis comme un enfant à qui tout fait envie; LUCINDE. Je te le demande à toi-même. ZERBIN. Tu dois mieux le savoir; j'ai moins d'esprit que toi. LUCINDE. Pourtant je n'en sais rien. ZERBIN. Ma surprise est extrême! Je suis ravi quand je te voi; Cependant je frissonne en t'abordant... Pourquoi? LUCINDE. Et d'où vient suis-je triste, inquiète, abattue, Parais-tu, je rougis, et je baisse la vue... |