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Tous les deux, par hasard, nous ouvrîmes la danse. Dieu! de quel pied léger... Mais écoutons... J'entends... Un grand bruit....

IRIS.

Que serait-ce?

ÉGLÉ.

Il redouble, il approche.

IRIS.

O Nymphes! sauvez-nous!

ÉGLÉ.

Prenons nos vêtemens;

Enfuyons-nous vers cette roche.

L'une et l'autre soudain fuit comme un passereau
Qu'un vorace épervier poursuit à tire d'ailes:
Et ce n'était qu'un faon, aussi timide qu'elles,
Qui venait se baigner dans le même ruisseau.

BERQUIN.

LE RUBAN.

LUCETTE, MYRTIL.

LUCETTE à part.

Le voilà, le perfide!... ah ! que je suis émue !

MIRTIL à part.

L'infidèle soupire... et je soupire aussi !

LUCETTE.

J'ai bien regret d'être venue;

Je ne m'attendais pas à te trouver ici :
Mais je vais m'en aller, pour éviter ta vue;
Une autre fois je chercherai
Mon ruban qui s'est égaré.

MIRTIL.

Ah, cruelle! es-tu donc fâchée
D'être encore une fois condamnée à me voir?

LUCETTE cherchant son ruban.

Ce n'est pas qu'au ruban je sois bien attachée: Pour te le rendre, ingrat, j'aurais voulu l'avoir; C'est un don qu'autrefois m'avait fait ta tendresse;

J'en ornais mes cheveux ; je le portais pour toi...
Quand tu le trouveras, pour gage de ta foi,
Tu peux l'offrir à ta maîtresse.

MIRTIL Suivant Lucette, qui va çà et là le corps penché.

Mon ruban ne te plaisait pas :

Tu n'en veux recevoir que d'une main plus chère: Ceux de Lamon,sans doute, ont pour vous plus d'appas: il est riche... il a droit de vous plaire...

Je suis

pauvre ;

S'arrêtant devant elle, et croisant les bras.

.

Hélas! si tu m'aimais, quel serait mon destin!
Nul mortel ne m'eût fait envie ;
Et voilà que dans le chagrin

Je vais finir ma triste vie!

L'éclat d'un jour pur et serein

Pour mes yeux n'aura plus de charmes;

Je gémirai dès le matin;

Et le soleil à son déclin

Me retrouvera dans les larmes !

Se promenant d'un air accablé.

Tout ce qui m'environne irrite ma douleur:
Ici, sur mes genoux, reposait la cruelle :

Ici, mes plus beaux jours s'écoulaient auprès d'elle;
Ici, par cent baisers (ô comble de l'horreur!)
L'ingrate m'assurait d'une amour éternelle...

S'approchant de Lucette et la regardant:
Je t'entends soupirer! tu pleures, infidèle!...
Et tu ne pleures pas de me percer le cœur!

LUCETTE.

Va! c'est toi qui n'es qu'un trompeur; Laisse-moi... va trouver cette amante nouvelle Que peut séduire aussi ton langage imposteur... Hélas! à me tromper tu n'avais point de gloire; J'avais tant de plaisir à croire

Que de mes sentimens tu faisais ton bonheur!

MIRTIL se jetant aux pieds de Lucette. Quoi! tu peux te livrer à d'indignes alarmes! J'en jure par tes mains que je couvre de larmes: C'est toi seule que j'aime.....

LUCETTE.

Oses-tu l'assurer?

Tu m'aimes!... pleure, ingrat! après m'avoir trahie...
Tu m'aimes! toi qui fais le tourment de ma vie!
Que tu vas me désespérer!

En sanglotant.

Je ne pourrai survivre à cette perfidie;

Je sens que j'en mourrai... Quand je ne serai plus,

Tu pleureras alors ta malheureuse amie,

Et tes pleurs seront superflus.

1

MIRTIL se levant avec vivacité.

Qui, moi?... moi, je suis infidèle?

Non, je ne le suis pas.... C'est Lucette, c'est elle;
Lamon a su lui plaire; oui, parjure, c'est toi:
Ne l'épouses-tu pas, au mépris de ta foi?

LUCETTE.

Moi, j'épouse Lamon! qui te l'a dit?

MIRTIL.

Lui-même.

LUCETTE se précipitant au cou de Mirtil.

Ah! je respire! il nous trompait :

Ce méchant que je hais, et qui veut que je l'aime,
De nous brouiller sans doute avait fait le projet.
Si tu savais ce qu'il disait!

Hier, j'étais assise auprès de ma chaumière:
Je t'attendais, Mirtil, et tu n'arrivais pas;
Quelques larmes déjà coulaient de ma paupière;
Le cruel vint à moi... Pauvre Lucette, hélas !
Sais-tu que ton Mirtil aime une autre bergère ?...

Ah,

Lucette!...

MIRTIL.

LUCETTE.

A ces mots, je tombai dans ses bras, Et des ruisseaux de pleurs inondaient mon visage. Le trompeur ajouta : « Venge-toi d'un volage, » Lucette; épouse-moi; tes jours seron theureux:

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