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Tenez-moi lieu surtout d'amis et de maîtresse; Vous me tromperez moins; je vous aimerai mieux. Puisse de vos accents la douce mélodie

Détruire en mon cœur agité

Cette morne mélancolie

Où je ne suis que trop porté !

Mais je crains bien aussi que l'ennui ne vous gagne; Souvent je crois vous voir un peu moins de gaîté: Que vous manquerait-il? Serait-ce une compagne ?... Écoutez-moi, je parle avec sincérité :

Cette fausse félicité

Dont le pinceau de la nature

Trace, à nos sens séduits, la magique peinture,
Ne vaut pas la tranquillité

D'un cœur libre de toutes chaînes.
Mais, je le sais, dans l'âge des désirs
Nous ouvrons nos yeux aux plaisirs,
Et nous les fermons sur les peines.
Connaissez tout le prix d'une solide paix.
Mes chers petits oiseaux; ne me quittez jamais

Ah! qu'à vous posséder je goûterais de charmes, Si je me livrais moins à des soucis cuisans!

Il est encor des soupirs et des larmes Que m'arrachent pour vous d'affligeantes alarmes. On doit compter si peu sur des jours languissans! Je n'ai plus la santé, ce bien si désirable Qu'aux trésors du Pérou je trouvais préférable.

A chaque instant, hélas! tout peut finir pour moi.
Dans la nuit du trépas il me faudra descendre;
Et quelques pleurs, sans doute, arroseront ma cendré.
Mais quand du sort commun j'aurai subi la loi,
Qui daignera pourvoir à votre nourriture?
Quelle main vous présentera

Ces vases de cristal, que j'emplis d'une eau pure?
Dès l'aube du matin, qui vous caressera?
Peut-être vous irez errer à l'aventure;
Ou, suivant de vos cœurs la tendre impulsion,
Et toujours remplis de ma perte,
Peut-être viendrez-vous becqueter le gazon
Dont ma tombe sera couverte :

L'instinct souvent fait plus que la raison...
Mais éloignons toute fâcheuse idée;

C'est trop de noirs chagrins avoir l'âme obsédée.
Mes chers petits oiseaux, ne me quittez jamais !
Ah! combien de baisers, quels soins je vous promets!

GAUDET.

LE NID DE FAUVETTES.

JE

E le tiens, ce nid de fauvette!
Ils sont deux, trois, quatre petits!
Depuis si long-temps je vous guette!
Pauvres oiseaux! vous voilà pris.
Criez, sifflez, petits rebelles,
Débattez-vous; oh! c'est en vain :
Vous n'avez pas encor vos ailes;
Comment vous sauver de ma main?

Mais quoi! n'entends-je point leur mère
Qui pousse des cris douloureux?
Oui, je le vois, oui, c'est leur père
Qui vient voltiger autour d'eux.
Ah! pourrais-je causer leur peine,
Moi qui l'été dans les vallons
Venais m'endormir sous un chêne
Au bruit de leurs douces chansons!

Hélas! si du sein de ma mère
Un méchant venait me ravir,
Je le sens bien, dans sa misère
Elle n'aurait plus qu'à mourir....

Et je serais assez barbare

Pour vous arracher vos enfans!

Non, non, que rien ne vous sépare;
Non, les voici, je vous les rends.

Apprenez-leur dans le bocage
A voltiger auprès de vous;
Qu'ils écoutent votre ramage
Pour former des sons aussi doux.
Et moi, dans la saison prochaine,
Je reviendrai dans ces vallons
Dormir quelquefois sous un chêne
Au bruit de leurs jeunes chansons.

BERQUIN..

LA COLOMBE;

IMITATION DE CAVALCANTI.

Sous l'ombrage écarté d'un bosquet solitaire
J'aperçus l'autre jour une jeune bergère :
Elle avait de Vénus la fraîcheur et l'éclat ;
Son teint s'embellissait d'un modeste incarnat;
Elle foulait aux pieds l'herbe tendre et fleurie,
Où l'humide rosée, en perles arrondie,

Brillait pour rafraîchir la trace de ses pas.
Un jonc souple, ornement de ses doigts délicats,
Rassemblait ses troupeaux errans à l'aventure;
L'or de ses blonds cheveux lui servait de parure.
Elle chantait l'amour, la tendre volupté,

Et l'attrait du plaisir animait sa beauté.

« Bergère, êtes-vous seule ? Hélas! répondit-elle, J'erre seule en ce bois.- Quoi ! seule?-Qui; tous les jours J'y viens lorsque l'aurore aux travaux nous rappelle ; J'en sors lorsque la nuit recommence son cours.

L'AMANT.

Hélas! le sombre ennui doit vous suivre sans cesse : Sont-ce là les plaisirs de l'aimable jeunesse ?

LA BERGER E.

Je voudrais ignorer qu'il en est de plus doux.

L'AMANT.

L'ignorer! et pourquoi ? Parlez, expliquez-vous.

LA BERGERE.

Tous les jours la colombe, en ce bois gémissante,
Prolonge en sons plaintifs sa voix attendrissante :
Elle appelle un oiseau qui soudain lui répond,
Et leur joie innocente aussitôt se confond.
Ce spectacle touchant, que chaque jour répète,
Jette un trouble confus dans mon âme inquiète ;
Quand la colombe chante une douce langueur,
M'avertit en secret des besoins de mon cœur.

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