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LES FLEURS.

Que votre éclat est peu durable,

Que

Charmantes fleurs, l'honneur de nos jardins!
Souvent un jour commence et finit vos destins;
Et le sort le plus favorable

Ne vous laisse briller que deux ou trois matins !
Ah! consolez-vous-en, jonquilles, tubéreuses;
Vous vivez peu de jours, mais vous vivez heureuses.
Les médisans ni les jaloux

Ne gênent point l'innocente tendresse

Que le printemps fait naître entre Zéphire et vous.
Jamais trop de délicatesse

Ne mêle d'amertume à vos plus doux plaisirs.
Que pour d'autres que vous il pousse des soupirs,
Que loin de vous il folâtre sans cesse ;
Vous ne ressentez point la mortelle tristesse
Qui dévore les tendres cœurs,

Lorsque, plein d'une ardeur extrême,
On voit l'ingrat objet qu'on aime

Manquer d'empressement, ou s'engager ailleurs.
Pour plaire, vous n'avez seulement qu'à paraître ;
Plus heureuses que nous, vous mourez pour renaître.

Id. et Egl.

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Tristes réflexions! inutiles souhaits!

Quand une fois nous cessons d'être,

Aimables fleurs, c'est pour jamais.

Un redoutable instant nous détruit sans réserve,
On ne voit au-delà qu'un obscur avenir;
A peine de nos noms un léger souvenir
Parmi les hommes se conserve.

Nous entrons pour toujours dans un profoud repos
D'où nous a tiré la nature;

Dans cette freuse nuit, qui confond les héros
Avec le lâche et le parjure,

Et dont les fiers destins, par de cruelles lois,
Ne laissent sortir qu'une fois.

Mais, hélas, pour vouloir revivre,
La vie est-elle un bien si doux ?

Quand nous l'aimons tant, songeons-nous

De combien de chagrins sa perte nous délivre? Elle n'est qu'un amas de craintes, de douleurs, De travaux, de soucis, de peines.

Pour qui connaît les misères humaines,

ourir n'est pas le plus grand des malheurs,
Cependant, agréables fleurs,

Par des liens honteux attachés à la vie,
Elle fait seule tous nos soins,

Et nous ne vous portons envie

Que par où nous devons vous envier le moins.

M.me DESHOULières,

LES FLEURS.

ENFIN, je vous retrouve, aimable solitude,
Bosquets mystérieux, grottes, réduits charmans;
Je fuis, j'échappe au monde, à son inquiétude;
Je viens vous consacrer de rapides momens.
Soyez mes seuls abris et mes seuls confidens;
Embellissez pour moi les heures de l'étude.

A qui voudrais-je offrir mes vœux et mon encens?
Serait-ce à l'Amitié ? mais, hélas ! on publie

Que l'amitié n'est qu'un vain nom.

Serait-ce à cet enfant qui, d'une main hardie,
Menace la sagesse et bannit la raison?

Non; dût-il se venger, dût-il troubler ma vie,
L'Amour n'aura de moi ni soupir ni chanson.
Hâtons-nous; il est temps de gagner la prairie.

La diligente Aurore, au teint frais et vermeil,
A versé dans nos champs ses lärmes amoureuses,
Et sur un char de feu j'aperçois le Soleil
Qui dore des rochers les cimes orgueilleuses.
La Nature s'éveille et reprend ses couleurs.

Sur son sein rafraîchi vous naissez, tendres fleurs ;

Dans les plis d'un bouton, vos grâces resserrées,
Croissent avec le jour.... quels parfums! quel éclat!
D'un vert, ami des yeux, vos tiges sont parées;
De l'écharpe d'Iris, vos feuilles diaprées

Ont le fragile émail, le tissu délicat ;

Comme elle, au dieu du jour vous devez la naissance; Comme elle, vous brillez d'un rayon emprunté; Comme elle, vous n'avez qu'un moment d'existence... Et tel est, parmi nous, le sort de la beauté !

Jaloux de se montrer à mon œil enchanté,
Le muguet, le pavot, la superbe amaranthe,
La renoncule éblouissante,

Me charment tour à tour par leur variété.
Cessez de vous cacher, timides violettes,
Sous cet humble gazon, qui vous dérobe "aux yeux':
Ah! malgré vous un parfum précieux,

A l'odorat charmé, décèle vos retraites.
Pourquoi, modestes fleurs, voiler vos agrémens?
Avez-vous craint pour vos charmes naissans,
Et le souffle impur de l'Envie,
Et le venin de ses serpens?

L'homme seul ressent leur furie.
Violette, sortez de votre obscurité;
Ab! venez effacer la tulipe brillante;
Qu'importe son éclat? vous êtes plus touchante;
Elle peint la richesse, et vous la volupté.
Que j'aime de ces lieux le calme, le silence!

Des humains je fuis la présence....
Ils n'ont pas, belles fleurs, votre simplicité.
N'ayant point leurs défauts, vous ignorez leur peine :
Le crime et la douleur n'approchent point de vous;
Vous ne ressentez point les douleurs de la haine....
Ah! combien votre sort est doux !

A vivre deux matins, par le sort condamnées,
N'accusez point le ciel, roses trop fortunées;
N'enviez rien aux mortels insensés ;

Las! bien souvent de nos longues années
Nous calculons les jours, et vous en jouissez !
Vous, myrtes dangereux, l'honneur de ce parterre,
Qu'ombragent à l'envi vos festons immortels,
Vous, qu'Amour de sa main cultive dans Cythère,
Vous, dont la tige meurtrière

A fourni son carquois des traits les plus cruels;
Vous enfin, de tous temps consacrés à sa mère,
Qui décorez son dais, parfumez ses autels,
Et couronnez, dans les bras du mystère,
Le front efféminé des aveugles mortels;
Coupables arbrisseaux, craignez seuls ma colère....
Disparaissez !... mille autres, en ce jour,
Partageront mes soins et mon amour.

Leur innocence doit me plaire.

Le frais jasmin, dont la blancheur
Par le lis à peine effacée,

Est l'image de la candeur,

Reviendra peindre à ma pensée

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