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SUR

UNE FEUILLE D'IVOIRE SCULPTÉE

TROUVÉE A

TONGRES.

NOTICE

PAR M. CH.-M.-T. THYS,

MEMBRE CORRESPONDANT A TONGRES.

Le nom de diptyque a été donné, improprement il est vrai, par les archéologues modernes aux bas-reliefs sculptés dans l'ivoire dont on s'est servi pour orner les couvertures des livres '.

Les anciens appelaient diptyques, díπτʊɣa, les tablettes soit d'ivoire, soit de bois, soit de métal, composées de deux feuillets qui se repliaient l'un sur l'autre et dont l'intérieur, enduit de cire, servait à inscrire la date de la proclamation des lois, les noms des consuls et des magistrats ou

'L'ivoire, à cause de ses qualités, était déjà employé à l'ornementation sculptée du temps du roi-prophète. Voir Liber psalmorum, ps. XLIV. Paralipomenon, lib. II, cap. IX v. 17 et 21. Regum liber, III, cap. XXII, v. 39. Les Grecs en firent des statues. V. PAUSANIAS, Voyage en Grèce, livre V, chap. XIII. La sculpture chryséléphantine jouissait d'une immense faveur en Grèce, dit EMERIC DAVID, Histoire de la sculpture antique, et QUATREMÈRE DE QUINCY, Le Jupiter Olympien.

Commissaires rapporteurs: MM. G. HAGEMANS et A. PINCHART.

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les faits les plus remarquables. A l'époque romaine les diptyques furent principalement destinés à conserver le souvenir de l'élection des consuls et des questeurs '. De là leur vint le nom de diptyques consulaires, dont on se servit pour désigner des tablettes ordinairement ornées à l'extérieur de l'image d'un consul revêtu de la toge antique bordée du laticlave et portant soit une patère soit la mappa circensis et le scipio ou sceptre consulaire surmonté de la figure de l'empereur régnant '.

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Les nouveaux consuls distribuaient ces diptyques à leurs amis, à leurs parents, au sénat, aux villes et, lorsque l'empire romain eut adopté la religion chrétienne, aux évêques et aux églises.

Plus tard les diptyques eurent une autre destination; on se servit dans les églises des diptyques consulaires pour inscrire sur le côté lisse de la feuille d'ivoire, les noms des nouveaux baptisés, des bienfaiteurs du temple, des évêques et des saints".

Bientôt on sculpta de nouvelles plaques d'ivoire, composées de un, de deux, de trois et même de plusieurs feuil

Une loi du code Théodosien, (XI lib. XI), donnée l'an 384, interdisait à tout autre qu'aux consuls de donner des diptyques en ivoire.

2 On rencontre la patère au lieu de la mappa circensis dans les diptyques antérieurs au Ve siècle.

3 On appelait mappa circensis le voile que le eonsul lançait dans l'arène pour donner le signal des courses ou des jeux.

p. 447.

4 MILLIN, Dictionnaire des Beaux-Arts, t. I, WILTHEIM, Diptychon Leod, ex consulare factum episcopale. GORI, Thesaurus vet. diptych., t. I, p. 130.

PULSKI, Catalogue of the Fejervary ivories, p. 10 et suivantes.

5 Grâce à cette destination religieuse beaucoup de diptyques consulaires sont parvenus jusqu'à nous, entr'autres celui du consul Clementius appartenant à M. Mayer de Liverpool, celui d'Anastasius conservé à Berlin, celui de Justinianus faisant partie d'un évangéliaire conservé à la bibliothèque impériale de Paris, etc., etc.

lets qui servirent à parer l'autel ou l'ambon, à recouvrir les diptyques écrits, ou à orner les évangéliaires'.

Les artistes ivoiriers reproduisirent sur ces diptyques ecclésiastiques, soit les images du Christ, de la Vierge ou des Saints, soit des scènes tirées de la vie de l'HommeDieu et principalement la crucification*.

Parmi ceux qui servirent de couverture aux diptyques écrits, nous devons ranger celui que vient de découvrir dans l'église de N.-D. à Tongres M. l'architecte Génin, attaché depuis plus de vingt ans à la restauration de cette antique collégiale.

En effet au revers, sur la partie lisse, on voit les noms des huit évêques de Tongres qui résidèrent à Liége depuis l'année 840 jusqu'en 956 3.

Cette inscription, en lettres romaines minuscules, en recouvre une autre dont on aperçoit les traces malgré le grattage que l'ivoire a subi pour la faire disparaître '.

Lorsque l'usage de lire les noms inscrits sur les diptyques eut disparu, on se servit de la tablette sculptée

1 Albéron, archevêque de Reims en 969, se faisait lire pendant la messe les noms de ses prédécesseurs inscrits sur les diptyques. V. Folcuini, gesta abbatum Lobiensium, apud PERTZ, Monumenta Germ. hist., t. IX, p. 58.

MURATORI, Antiq. Ital. medii ævi, t. IV, p. 861, rapporte un document écrit par Beroldus, gardien de l'église de St.-Ambroise à Milan, vers 1130, mentionnant des diptyques d'ivoire dont la présentation faisait partie des cérémonies liturgiques de la messe.

2 Il est fait mention des diptyques dans la liturgie de saint Marc et dans celle de saint Denis l'Areopagite. C'étaient des tablettes sur lesquelles on inscrivait les noms dont le diacre donnait lecture aux fidèles. Voir Goar, evxoλóytov Sive rituale graecorum, p. 143. J.-B. THIERS, Dissertations ecclésiastiques sur les jubés, p. 74.

3 Voici les noms de ces évêques tels qu'ils s'y trouvent indiqués HARTGERI EPI, FRANCONIS EPI, STEPHANI EPI, RICHARII EPI, HUOGONIS EPI, FARABERTI EPI, BALDRICI Epi, EVERACLI EPI......

1 Ce procédé était également appliqué aux palimpsestes quand on voulait y mettre de nouveaux noms.

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