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encore le langage du pays de Galles, et Tacite dit que la langue des Cimbres de la Germanie avaient une grande analogie avec celle des Bretons. Cambden a fait au sujet des deux langues de nos contrées et de l'Angleterre un travail de comparaison fort intéressant'. Il est du reste facile de constater, en lisant les anciennes lois saxonnes, que leur analogie avec le flamand est frappante.

Les deux peuples avaient des associations mystérieuses, appelées Gildes, que le christianisme a fait entrer dans une autre voie en les sanctifiant par des pratiques chrétiennes, tandis qu'elles n'étaient avant cela que le prétexte de cérémonies païennes. La gilde est une des institutions saxonnes qui se sont le mieux conservées des deux côtés du détroit. Londres a encore ses Livery Companies (compagnies à livrée) où les plus grands seigneurs, voire même les princes, se font inscrire, tout comme jadis en Flandre les nobles faisaient partie des métiers. Mais si la gilde anglaise est restée restreinte aux sociétés ouvrières, en Flandre elle s'est étendue à tout ce qui est association. Les confréries ecclésiastiques, fondées dans les églises, tout comme les serments d'arbalétriers et d'autres jeux portent toutes le nom de gildes 3.

La hanse teutonique, cette vaste association mercantile qui embrassait tout le monde commercial, n'était autre qu'une gilde qui exigeait de ses adeptes des épreuves aussi singulières qu'inexplicables'.

1 STRABON dans Cambden, Britannia; DUCHESNE, Hist. d'Angl; TACITE, Vita Agric.; CESAR, De Bell. Gall.

Sur les Gildes, consultez : TURNER. Hist of the Angl. Sac.; THIERRY, Consid. sur l'Hist. de France; MALLET, Hist. de la ligue hanséatique, et Hist. du Danemark; DUCANGE, Glossaire, au mot Gilda.

3 ALPH. WAUTERS, Esquisses sur les métiers de Bruxelles; DE VIGNE.

' MALLET, Hist. de la ligue hans.

Parmi nos chroniqueurs anciens aucun ne parle des gildes, tandis que les chroniques anglaises sont remplies de détails intéressants sur ce sujet '.

Les gildes étaient dans l'origine des associations politiques; elles existaient en Angleterre avant que les Saxons fussent réunis en bourgades. Leurs pratiques étaient réprouvées par la religion catholique; aussi lorsqu'un Saxon se convertissait, le prêtre exigeait-il qu'il renonçàt aux gildes.

La loi saxonne, qui obligeait chaque homme libre, freeman, àgé de 14 ans à se présenter devant le chef de gilde et à fournir des répondants de sa bonne conduite et de ses habitudes de paix, sous peine d'emprisonnement, donne ainsi la consécration à la gilde. On voyait généralement quelques familles établies dans le même voisinage se rendre solidaires les unes des autres, se garantir mutuellement leur sécurité pour livrer à l'autorité celui qui avait commis un délit et pour dédommager la partie lésée.

Tous les membres de ces associations étaient soumis à une rétribution qui se versait dans la bourse commune et servait, en vertu de la solidarité existant entre eux, à payer les satisfactions ou les indemnités résultant des délits commis par quelque membre de la gilde. De temps à autre ils se réunissaient à des repas, espèces d'agapes fraternelles qui avaient lieu à des époques déterminées. Ces réunions s'appelaient au VIIe siècle « gebeorscipe » gebuerschape ou tithing, parce qu'elles étaient formées

JOHN STOWE, Chron. de Lond.; TURNER cité; HUME, Hist. d'Angl., app. 1; HERBERT, Histor. of the twelv. livery comp.

. La gilde saxonne fut condamnée par le concile de Leptines en 743; voir dans KERVYN, Hist. de Flandre, p. 79. t. I, et la note p. 79 et suiv. des détails curieux sur la gilde.

3 Theada, tungini id est centenarii, Lex. Sal.

par la réunion de dix familles, ou encore fribough ou frithgild, réunion d'hommes libres 1.

A la suite de la transformation de ces anciennes gildes, s'établirent successivement toutes celles qui existèrent ensuite jusqu'à nos jours.

Nous sommes tenté de croire que cette antique institution a donné naissance à celle des voisinages encore en vigueur dans nos villes de Flandre, où chaque rue a son doyen, son bailli et ses divers fonctionnaires, élus par les voisins et chargés de maintenir l'ordre.

3

Les cérémonies des gildes, lorsqu'elles se rendaient en cortège ou en procession, étaient analogues en Flandre et en Angleterre ; les compagnies anglaises plus riches que celles du continent possédaient un matériel complet, destiné spécialement à ces exhibitions. Aujourd'hui une des rares cérémonies où figurent encore les gildes dans leurs anciens costumes, est le cortège de l'entrée à Londres du lordmaire; ce n'est plus qu'un pâle reflet de ces solennités qui faisaient l'admiration de nos pères et qu'aujourd'hui notre siècle de progrès taxe de ridicule.

Toutes ces associations ont été comblées de priviléges par les souverains, jusqu'à ce que la révolution française du siècle dernier, en bouleversant l'ordre existant, fit partager aux gildes le sort des institutions anciennes.

En Angleterre, le beau temps des gildes fut avant Charles II. Sous ce prince, les compagnies qu'on persécutait à cause de leurs priviléges résignèrent ceux-ci entre les

LEFILS, Les gildes de Londres, dans la Revue trimestrielle, ao 1863. Tacite, De mor. Germ.

2 Voir notre Notice sur les Voisinages de Gand, imprimée dans les Bull. de l'Acad. Roy. de Belg., 1868.

3 Voir une notice de M. Delepierre, consul belge à Londres, dans le Mess. des sciences hist. de Belg., 1845; JOHN STOWE, cité.

mains du pouvoir royal, s'en remettant complétement à sa discrétion. Leur existence est aujourd'hui aussi peu digne d'attention qu'en Flandre. Peu à peu on oubliera ces jeux du passé dont l'origine est intimement liée à l'histoire politique de deux peuples de même race.

On a pu voir par ce court aperçu que des analogies encore frappantes aujourd'hui trouvent leur raison d'être et leur origine dans l'histoire. Plus on remonte vers le berceau commun des peuples de la Bretagne et de la Belgique, plus deviennent sensibles ces antiques liens de race. Mais si aujourd'hui les anciens usages qui nous rappellent une origine commune tendent à se perdre par le frôlement des idées progressistes, des réjouissances toutes modernes et plus en rapport avec la civilisation se chargent de réunir, depuis quelques années, dans des luttes pacifiques les deux branches d'une même famille. Nous avons vu par la manière dont les Belges ont été reçus en Angleterre et les Anglais en Belgique que l'ancienne tradition de solidarité existante. entre les peuples des deux rives de la mer du Nord n'est pas perdue.

LA

FONTAINE DE QUENTIN MASSYS,

A ANVERS 1.

NOTICE

par M. H. SCHUERMANS,

Membre titulaire à Liége.

« Les Anversois sont un peuple à imagination grossière, >> qui ne s'est jamais occupé que d'opérations mercantiles, >> et qui, ne connaissant rien au-delà de ce qui est relatif >> au commerce, y rapporte toutes ses idées et regarde » comme parfaitement inutiles toutes les connaissances qui » y sont étrangères.... »

Assurément voilà des paroles bien dures à l'égard des habitants de la ville qui s'enorgueillit du titre de métropole de l'art flamand; et pourtant ces paroles trainent

1 V. une notice, avec gravures, sur ce monument, dans les Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, I, (1865), p. 638, notice due au savant historiographe d'Anvers, M. LOUIS TORFS.

L. TORFS, d'après TH. VAN LERIUS, loc. cit.

Commissaires rapporteurs: MM. le chevalier L. DE BURBURE et LE GRAND.

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