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Gependant elle l'a conservé, comme renfermant une déclaration solennelle qu'il est encore utile de proclamer.

LE CONSUL CAMBACÉRES dit que cet article peut être supprimé, parce qu'il est évident que le Code civil ne considère le mariage que sous ses rapports civils.

L'article est retranché.

M. BIGOT-PRÉAMENEU demande qu'on conserve le second des articles que les rédacteurs du projet de Code civil avaient proposés, attendu qu'il exclut l'idée que le mariage qui n'est consacré que par le culte est aussi reconnu par la loi. LE CONSUL CAMBACÉRÈS propose de renvoyer cette disposition au chapitre des Nullités.

Cette proposition est adoptée.

Le chapitre II, intitulé, des Qualités et Conditions requises pour pouvoir contracter mariage, est soumis à la discussion. L'article 2 porte :

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L'homine ne peut se marier avant l'âge de quinze ans révolus, et la femme avant celui de treize ans aussi ré« volus. »

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M. REAL dit que notre ancien droit français, conforme au droit romain, fixait la puberté à quatorze ans pour les hommes, et à douze pour les femmes. Les auteurs du projet ont suivi les dispositions de la loi de 1792, conformes aux constitutions de l'empereur Léon. Mais puisqu'on consacre une innovation, faut-il se borner à exiger une seule année de plus? Pourquoi ne pas exiger que la femme ne puisse se marier avant quinze ans, et l'homme avant dix-huit? Des motifs puisés dans l'ordre moral aussi bien que dans l'ordre physique, approuveraient cette innovation. Celle qui est proposée est sans utilité..

En fixant la puberté présumée à douze ans et à quatorze ans, ou à treize et à quinze, les Romains, les empereurs Justinien et Léon, faisaient une chose raisonnable, et obeissaient à la nature, qui, dans les climats brûlans de l'Italie et de la Grèce, de Rome et de Constantinople, donne une pu

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berté très-précoce. Devons-nous suivre en ce point leurs lois, nous, habitans de pays froids ou tempérés, où la nature est plus tardive? On serait plus près de la nature et de la raison, en fixant la puberté présumée pour l'homme à dix-huit ans, et pour la femme à quinze. C'est le vœu des tribunaux de Paris, de Bourges, de Lyon, et d'un des membres de la commission du tribunal de cassation.

M. MALEVILLE appuie cette proposition. Il observe que des époux trop jeunes n'ont pas la maturité d'esprit et l'expérience nécessaires pour conduire leur maison et élever des enfans; que, d'ailleurs, ces enfans sont ordinairement d'une constitution faible, et que la femme elle-même, dont le corps n'est pas encore formé, est en danger de périr aux premières couches.

La loi qui fixait la nubilité à douze ans pour les filles, et à quatorze pour les mâles, a été originairement portée pour Athènes, plus méridionale que Paris d'environ six degrés : elle n'aurait jamais dû être reçue en France; mais elle lui serait surtout nuisible, maintenant qu'elle a considérablement reculé ses limités au nord. En Prusse, les hommes ne peuvent se marier avant dix-huit ans, et les filles avant qua— torze ans accomplis.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que la question de l'âge ne doit être envisagée que sous le rapport du consentement réfléchi que les personnes qui se marient doivent donner à leur mariage. Les suites physiques du mariage sont trop incertaines pour devenir les bases de la loi.

M. MALEVILLE observe qu'en effet c'est le consentement des parens qui forme le mariage, lorsque les époux n'ont pas assez de discernement pour donner un consentement réfléchi; mais que cette considération n'est pas la seule qu'il faille envisager dans la question actuelle ; qu'il importe certainement à l'Etat que les mariages lui donnent des enfans robustes et bien conformés, et que les parens de ceux-ci aient la capacité nécessaire pour les conserver et en diriger la conduite.

M. BERLIER dit que l'article proposé est en harmonie avec les usages reçus; que la puberté, à laquelle on a toujours attaché la capacité du mariage, est ici à considérer principalement; qu'il s'agit d'une simple faculté dont, comme par le passé, l'on n'usera sans doute que bien rarement; qu'il est pourtant des individus chez lesquels les développemens de la nature précèdent ceux de la raison ou d'un discernement parfait, et qu'il importe de laisser aux familles le soin d'en prévenir ou d'en réparer les effets prématurés; qu'enfin, le consentement des parens, condition sans laquelle le mariage du mineur est invalide, offre une garantie suffisante contre les abus qu'on paraît craindre.

LE PREMIER CONSUL dit (*) que, s'il ne serait pas avantageux que la génération toute entière se mariât à treize et à quatorze ans, il ne faut donc pas l'y autoriser par une règle générale; mais qu'il est préférable d'ériger en règle ce qui est conforme à l'intérêt public, et de ne permettre que par une exception, dont l'autorité publique serait juge, ce qui ne sert que l'intérêt particulier.

M. ROEDERER dit que l'usage des dispenses, loin de sauver l'honneur des familles, le compromettrait. Plusieurs causes morales préviendront ordinairement l'abus qu'on peut faire de la faculté de former des mariages entre des individus trop jeunes. Les parens tendent naturellement à conserver le plus long-temps possible leur autorité; ils veulent que l'éducation de leurs enfans s'achève, ils diffèrent de les doter.

LE PREMIER CONSUL dit que, dans un pays où le divorce (*) Est-il à désirer que l'on puisse se marier à treize et à quinze ans?

- On répond; non; et on propose dix-huit ans pour les hommes et quatorze pour les femmes.

- Pourquoi mettre une aussi grande différence entre les hommes et les femmes ? est-ce pour remédier à quelques accidens? Mais l'intérêt est bien plus important. Je verrais moins d'inconvéniens à fixer l'âge à quinze ans pour les hommes qu'à treize pour les femmes; car, que peut-il sortir d'une fille de cet âge qui a neuf mois de grossesse à supporter? On cite les Juifs: à Jérusalem, une fille est nubile à dix ans, vieille à seize, et non touchable à vingt. (Paroles de Bonaparte, tirées des Mémoires sur le Consulat, pages 428 ét

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est reçu, on ne peut espérer la durée des mariages si on permet de les contracter presqu'au sortir de l'enfance. Même avant que le divorce fût usité en France, on mariait rarement des enfans de treize à quatorze ans ; ou si de grands intérêts déterminaient à former de telles unions, on séparait les époux jusqu'à ce qu'ils eussent atteint l'âge d'une maturité plus avancée. Il (*) serait bizarre que la loi autorisât des individus à se marier avant l'âge où elle permet de les entendre comme témoins, ou de leur infliger les peines destinées aux crimes commis avec un entier discernement.

M. ROEDERER Observe que l'extrême liberté du divorce sera probablement restreinte; et que, quand elle existerait, elle deviendrait pour beaucoup de familles un motif de ne pas consentir à des mariages prématurés; que, d'un autre côté, les principes religieux seront un frein contre les abus.

LE PREMIER CONSUL dit que ce système serait peut-être le plus sage, qui n'autoriserait le mariage qu'à vingt-un ans pour les hommes, et à quinze pour les filles.

M. TRONCHET dit que la loi pourra, sans inconvénient, différer le mariage jusqu'à ces âges, si, d'ailleurs, elle établit un moyen de faire des exceptions à la règle générale.

L'article est rejeté; et le Conseil adopte en principe que le mariage ne sera permis qu'à dix-huit ans aux hommes, et à quinze ans aux femmes, à moins qu'ils n'obtiennent des dispenses pour le contracter plus tôt.

L'article 3 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu : « Sont incapables de contracter mariage,

« 1°. L'interdit pour cause de démence ou de fureur;

« 2°. Les sourds-muets de naissance, à moins qu'il ne soit

(*) Vous ne donnez pas à des enfans de quinze ans la capacité de faire des contrats ordinaires; comment leur permettre de faire, à cet âge, le contrat le plus solennel? Il est à désirer que les hommes ne puissent se marier avant vingt ans, ni les filles avant dix-huit. Sans cela nous n'aurons pas une bonne race. » (Paroles de Bonaparte, tirées des Mémoires de Thibaudeau, pages 429.)

« constaté qu'ils sont capables de manifester leur volonté; 3. L'individu frappé d'une condamnation emportant « mort civile, même pendant la durée de temps qui lui est « accordée pour purger la contumace. »

LE PREMIER CONSUL demande pourquoi le mariage serait interdit au sourd-muet.

M. REAL répond qu'il est admis à se marier lorsqu'il est capable de donner un consentement.

M. DEFERMON observe que la section exclut, par une disposition générale, le sourd-muet de naissance, et ne l'admet que par exception, quoique tous les sourds-muets sachent exprimer leur volonté.

LE PREMIER CONSUL dit que le mariage étant un contrat, et tout contrat se formant par le consentement, on conçoit que celui qui ne peut exprimer son consentement ne peut pas se marier; mais le sourd-muet de naissance, en voyant son père et sa mère, a connu la société du mariage; il est toujours capable de manifester la volonté de vivre comme eux; et alors, pourquoi aggraver son malheur en ajoutant des privations à celles que lui a imposées la nature?

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que, puisque l'article n'a'pour objet que d'expliquer que les sourds-muets ne peuvent se marier que lorsqu'ils peuvent consentir, sa disposition se confond avec celle de l'article 4. On peut donc se borner à ce dernier.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) dit que l'article est devenu encore plus inutile, depuis que l'on a découvert l'art de faire expliquer les sourds-muets.

LE PREMIER CONSUL demande pourquoi la privation de l'ouïe et de la parole serait un empêchement au mariage plutôt que d'autres infirmités qui peuvent également y avoir rapport.

M. FOURCROY dit qu'il y aurait plus de motifs de déclarer incapables de mariage ceux qui sont atteints de maladies héréditaires ou de vices de conformation, à l'instar de quelques

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