a la fienne dans la Paroiffe de Drôme, à huit lieuës de la mer. Elles coulent l'une & l'autre du Midi au Septentrion. Celle d'Aure baigne les murailles de Bayeux du côté de l'Orient, & celle de Drôme paffe à une demi-lieuë de cette Ville, du côté du Couchant. Elles fe joignent enfuite dans la Paroiffe de Maifons; puis formant deux cours, vont fe perdre à trois quarts de lieuë de la mer, dans une prairie qui eft au pied d'un côteau, lequel a environ deux cens toifes de long; & c'est ici ce qu'on appelle la Foffe du Soucy. L'eau commence à fe perdre fenfiblement environ à cent cinquante toifes loin du côteau ; & un Obfervateur exact dit dans des Memoires manufcrits, que quand l'eau eft baffe on remarque qu'elle diminue vifiblement dans fon lit, & fe perd comme dans un fable, fans qu'on puiffe remarquer aucune ouverture lorsqu'on defféche les lits de ces deux rivieres, en retenant les eaux par les éclufes des moulins qui font au-deffus. Il n'en eft pas de même lorfque ces rivieres font au bout de leur cours; car l'une fe termine à une foffe où l'eau tombe en tournant doucement; mais l'autre au contraire fe perd dans des pierres, entre lefquelles on voit fondre l'eau avec beaucoup de bruit. Ces deux rivieres ayant ainfi difparu, coulent fous terre jufqu'à Port en Beffin, où l'on les voit renaître par petits ruiffeaux qui coulent fur le fable, & par plufieurs bouillons ou petites gerbes d'eau que l'on remarque lorfqu'il eft baffe cau. Si l'on faifoit un havre à Port en Beffin, ce qui feroit fort aifé, on pourroit fe fervir utilement de l'eau de ces deux rivieres pour nettoyer le baffin de ce petit Port.

Il y a auffi dans cette Province un petit ruiffeau appellé Vitouard, qui prend fa fource au village de Roz, & fe perd dans la mer à Douvre, Seigneurie de baffe Normandie proche de la Délivrande. On dit de ce ruiffeau ce que l'on a dit du Jourdain, c'est-à-dire que fon débordement est une marque

de

de la ftérilité de l'année. Le favant M. Huet remarque que Giraldus Cambrenfis a connu ce torrent; mais qu'il s'eft trompé en ce qu'il a dit que le débordement eft un figne de fertilité.

On trouve dans cette Province plufieurs petits Ports, dont les plus confiderables font Dieppe, le Havre, Honfleur, Cherbourg & Grandville. A ceux-là quelques Ecrivains ajoûtent la Hogue Saint Waaft dans le Cotentin; mais ce n'eft pas un port; ce n'eft qu'une rade défendue de quelques Ifles.

Le Gouvernement Ecclefiaftique de la Normandie.

LA A Normandie comprend fix Evêchez fous la Métropole de Rouen. L'on compte dans ces fept Diocefes quatre-vingt Abbayes, & quatre mille deux cens quatre-vingt neuf Paroiffes.

§. I. L'ARCHEVESCHE' DE ROUEN eft un des plus beaux qui foient en France. Il vaut cinquante mille livres de revenu, & fon Diocese comprend treize cens Paroiffes. Saint Nicaife eft reconnu pour le premier Evêque de cette Ville. Il occupoit ce Siege vers l'an 250. & faint Romain environ l'an 631. Pierre Roger Archevêque de Roüen en 1330. fut élevé au Souverain Pontificat fous le nom de Clement VI. Depuis ce tems-là il y a eu douze Archevêques de cette Ville qui ont été Cardinaux. De ce nombre il y en a eu un de la Maifon de Luxembourg un de celle d'Eftouteville, deux de celle d'Amboife, un de celle de Joyeuse, & trois de l'augufte Maifon de Bourbon.

Le Chapitre de l'Eglife Cathédrale eft compofé de dix Dignitez & de cinquante Chanoines, dont les Prébendes font d'un revenu different depuis huit cens livres jufqu'à deux mille. C'est à ce Chapitre qu'appartient le droit de délivrer un criminel A 6

tous

tous les ans le jour de l'Afcenfion, après que ce criminel a levé la Fierte, c'est-à-dire la Châffe de faint Romain. La tradition populaire raporte l'origine de ce privilege au Roi Dagobert, qui l'accorda à faint Ouën. Elle veut que du tems de faint Romain Evêque de Rouen il y eut un horrible Dragon qui défoloit le païs, & dévoroit les hommes & les animaux: que faint Romain demanda à la Juftice un ou deux criminels condamnez à mort, avec lefquels il délivra le pais de ce Monftre: qu'en confideration de ce grand miracle le Roi Dagobert accorda à faint Ouën fucceffeur de faint Romain à l'Evêché de Rouen, le privilege de délivrer tous les ans un prifonnier & qu'en memoire de cette délivrance on porte en proceffion le jour de l'Afcenfion la figure de ce Dragon que l'on nomme la Gargouille. L'an 1699. les Officiers du Bailliage & Siege Préfidial de Rouen préfenterent une Requête au Roi, dans laquelle ils prétendirent faire voir trois chofes : 1. que le Dragon ou Gargouille portée à Rouen aux Proceffions des Rogations, & du jour de l'Afcenfion, n'eft pas la figure d'un animal taé miraculeufement par faint Romain, mais une ancienne cérémonie de l'Eglife: 2. que le privilege de délivrer un prifonnier le jour de l'Afcenfion doit fon origine à la piété des Ducs de Normandie, & non pas au prétendu miracle de la Gargouille: 3. que ce privilege ne doit pas s'étendre aux crimes appellez Cas Préfidiaux, & ne doit avoir lieu que pour des homicides malheureux commis dans la Province. Ils prouverent la fauffeté du miracle par le filence des Auteurs contemporains, & de ceux des fiècles fuivans. Saint Ouën n'en dit pas un mot dans la vie de faint Eloi, ni dans fon Livre De Anima Dagoberti. Il n'eft nullement croyable qu'il eût oublié un fait de cette importance qui regardoit le Roi Dagobert, & faint Ouën lui-même. Sigisbert dans fa Chronique, Jonas dans fes Vies, Béde, Ufuard, Vincent de Beauvais, Baronius, ni la Vie

de

de faint Romain que Rigaut a fait imprimer, n'en difent pas un feul mot. On lit dans cette Vie que faint Romain obtint de Dieu par fes priéres, que la Riviere de Seine qui s'étoit débordée, rentrat dans fon lit ordinaire. Un Poëte Grec, plufieurs fiècles après donna à ce débordement le nom d'Hydre, & c'eft peut-être ce qui a donné lieu à la fable du Dragon, ou Gargouille. Quoiqu'il en foit, il eft conftant qu'on n'a commencé à parler de ce miracle que fur la fin du quatorzième siècle, & ç'a toujours été avec des contradictions qui le rendent peu croyable. Tantôt le Dragon fut feulement chaffé par faint Romain; tantôt il fut tué dans la forêt de Rouvrai, emmené jufqu'au pont, & jetté dans la riviere; tantôt il fut dompté dans une caverne qui étoit auprès des murailles de la Ville, & fut emmené avec l'étole, & brûlé dans la place publique; tantôt le Saint avoit avec lui deux prifonniers, un voleur & un meurtrier, dont le voleur s'enfuit ; & tantôt avec un feulement. Dans quelques titres le privilege eft accordé à faint Romain, Archevêque de Rouen & Chancelier de France, par le Roi Clotaire II. l'an 520. Dans d'autres il a été accordé à faint Ouën par le Roi Dagobert, & dans un autre il a été apporté du Ciel au Chapitre par un Ange. A ces variations fuccedent les erreurs de Chronologie. Saint Romain n'étoit point Evêque de Rouen en 520. Il ne le fut qu'en 622. & le Roi Clotaire II. ne naquit qu'en 584. On ne trouve pas mieux fon compte à foutenir que ce privilege a été accordé à faint Ouën par le Roi Dagobert. Tous les Chronologiftes placent l'époque de la mort de ce Prince trois ans au moins avant que faint Ouën fût élu Evêque de Rouen. D'ailleurs ce faint Evêque n'en dit pas un feul mot dans fes Livres. Dans cette obfcurité, & au milieu de tant de contradictions il paroît que les Ducs de Normandie faifant leur féjour dans leur Capitale, avoient la pieufe coûtume d'accorder un prifonnier à l'Eglife de Rouen, lorsqu'ils A 7

aflif

affiftoient à la Cérémonie du jour de l'Afcenfion, pour imiter par cette délivrance réelle, la délivrance myfterieufe du Genre humain de la captivité du Démon par JESUS-CHRIST montant au Ciel. En effet on remarque que Richard I. Duc de Normandie & Roi d'Angleterre, ayant été détenu prifonnier en Autriche, il n'y eut point cette année-là de prifonnier délivré, & qu'à fon retour il en accorda deux l'année d'après en action de graces de la liberté qu'il avoit lui-même recouvrée. De cette coûtume volontaire de la part des Ducs, l'Eglife de Rouen fe prévalant des changemens arrivez en Normandie par l'invafion des Anglois, s'en eft fait un droit qui a été toleré par nos Rois, & confirmé même par Louis XII. & Henri IV. à condition de ne pouvoir ufer de ce privilege pour des criminels accufez de crimes de Leze-Majefté, hérefie, vol, viol, affaffinat, guet-à-pens fauffe monnoye. A ces reftrictions le Confeil d'Etat en ajoûta d'autres par fon Arrêt du mois de Mai de l'an 1699. en faifant défenses aux Chanoines d'élire d'autre prifonnier qu'un qui foit originaire de la Province, & qui y ait été décreté.

Outre le Chapitre de la Cathédrale, il y en a encore deux dans la Ville de Rouen celui de SaintGeorge, & celui de la Ronde. On en compte fept autres dans ce Diocese qui font ceux d'Andelis, d'Eco i, de Gournai, de Blainville, de Chalmenil, d'Yvetot, & de Saquenville.

L'Abbaye dé Saint-Ouen de Rouen eft de Benedictins réformez, & fut fondée par Clotaire I. vers la vingtième année de fon regne, fous l'invocation de faint Pierre. Elle prit enfuite le nom de faint Ouën, & jouït à présent de foixante mille livres de

revenu.

Fefcamp dans le païs de Caux eft du même Ordre, & une des plus riches & des plus confiderables qu'il y ait dans le Royaume. C'étoit anciennement une Abbaye de Religieufes, fondée par