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ration qui était une conséquence nécessaire de notre alliance avec l'Espagne. Si la reine dona Maria eût été précipitée du trône, sa chute n'eût-elle pas singulièrement ébranlé le gouvernement de la reine Isabelle ?

Ce débat, sur le caractère de notre intervention en Portugal, avait fourni à M. le ministre des affaires étrangères l'occasion de montrer la France et l'Angleterre agissant de concert pour l'ordre et les institutions constitutionnelles. Il était bien entendu qu'en Portugal, l'Angleterre, la France et l'Espagne ne prenaient pas l'absolutisme sous leur patronage, et que les trois puissances étaient intervenues pour y établir une liberté régulière.

M. Guizot avait reconnu que le gouvernement de Juillet ne pouvait accomplir une autre mission. Là, en effet, est la force morale de la France. Tous les peuples constitutionnels, tous ceux qui veulent conquérir des institutions libérales par des voies pacifiques et légitimes, sont alliés naturels. Rien ne serait plus contraire aux véritables intérêts de la France que d'avoir au-dehors des apparences de complicité avec des tendances absolutistes ou contre-révolutionnaires. C'est ce dont parut convaincue la majorité, qui n'entendit pas sans satisfaction M. Guizot protester que l'intervention en Portugal ne s'était exercée qu'au profit du régime constitutionnel.

Outre les raisons générales qui découlaient pour elle du traité de 1834, la France avait eu, pour signer le protocole, des motifs plus particuliers, plus conformes aux intérêts de sa politique. Sans doute, son cabinet était animé des meilleurs sentiments pour le gouvernement de la reine de Portugal; mais les affaires de ce pays n'ayant point pour lui une importance directe, il ne cherchait pas à y lutter d'influence avec la GrandeBretagne. La prépondérance anglaise s'exerce sans rivale à Lisbonne, elle y est séculaire, et le cabinet de Saint-James l'a conquise en rattachant les intérêts du Portugal aux siens par les liens les plus étroits. Quant à la France, ce qui devait la préoccuper surtout, c'est qu'un mouvement qui menaçait le

trône de la fille de don Pédro pouvait devenir inquiétant pour celui d'Isabelle II. Les deux jeunes reines sont montées sur le trône en vertu du même principe, et le traité qui leur a garanti l'assistance de la France et de l'Angleterre pour la conservation de leur couronne a exclu les deux prétendants qui la leur disputaient. L'un de ces prétendants ne pouvait s'appuyer sur une insurrection victorieuse, sans que l'autre fût disposé à faire des tentatives semblables.

La France, alliée d'Isabelle II, ne pouvait donc voir avec indifférence la situation du Portugal, et elle dut acquiescer à la demande d'intervention formée par le ministre de dona Maria à Londres.

Le mouvement inattendu qui porta toute l'Italie vers les réformes, et qui mit aux prises le principe de la nationalité péninsulaire avec celui de l'influence autrichienne, ne pouvait trouver indifférent le gouvernement français.

La mission politique que la France s'est imposée à l'égard de l'Italie, c'est une mission toute favorable au développement normal de la liberté naissante. Là, pas plus qu'en Espagne, le gouvernement français ne veut exercer un ascendant marqué, une prépondérance excessive.

Si la France avait reconnu que les traités qui depuis plus de trente ans règlent l'économie de l'Europe doivent être respectés, elle avait en même temps posé avec fermeté le principe du respect de l'indépendance des souverainetés. Les réformes sages et modérés trouveraient chez elle, son gouvernement le décla rait par ses agents et par ses notes diplomatiques, un constant et sincère appui. Ainsi, dès le principe, Pie IX put compter sur l'adhésion morale du gouvernement français. Ainsi, lorsque éclata l'incident de Ferrare, le cabinet des Tuileries exprima sa sympathie pour les sentiments de dignité courageuse qui avaient dicté les protestations de la cour de Rome. Ainsi encore, l'entrée aux affaires du cardinal Ferretti eut toute son approbation.

Sans doute, la diplomatie française n'avait pas, au delà des Alpes, pris position contre l'influence autrichienne; mais il ne

fallait pas oublier que la France a signé l'acte principal et les traités additionnels du congrès de Vienne, et qu'elle ne peut aider à la destruction de ces traités sans manquer à ses engagements formels. Que ces traités pussent être révisés lorsqu'ils seraient devenus contraires aux intérêts nouveaux de l'Italie, c'est ce qui se pouvait concevoir, c'est ce que la France pouvait désirer. C'était là une grave question qui sortirait peut-être bientôt des événements qui semblaient devoir renouveler la nationalité péninsulaire. Mais aucune intervention secrète, aucune démarche cachée de la diplomatie française pour amener la destruction violente des traités qui, jusqu'à ce jour, garantissent la paix du monde, ne devait entrer dans la pensée d'un gouvernement soucieux de remplir ses promesses et de continuer, à la face de l'Europe, le noble rôle qu'il s'est imposé.

Toute la politique de la France à l'égard de l'Italie pouvait, au reste, se résumer dans ces paroles prononcées, le 3 août, à la Chambre des pairs, par M. Guizot.

Un souverain, le chef de l'Église, semble reconnaître l'esprit nouveau, les besoins nouveaux, la nécessité de satisfaire les intérêts nouveaux. Le représentant de l'autorité souveraine entrant dans une telle voie, c'est le plus beau spectacle qui ait encore été donné au monde! On ne saurait craindre qu'il oublie les conditions des principes d'ordre et d'autorité. Je le dis donc, tous les gouvernements commettraient une faute énorme, s'ils ne le soutenaient pas de toutes leurs forces dans la tâche difficile qu'il a entreprise. Il n'est pas seulement de l'intérêt de telle ou telle nation, mais toutes les nations européennes, d'apporter leur appui évident et clair à la tâche sublime dont je parle en ce moment. Elles doivent y être d'autant plus encouragées, que l'entreprise se présente avec une grande chance de succès. »

Une puissance avec laquelle le gouvernement de Juillet n'avait eu, jusqu'à ce jour, que des rapports de pure nécessité, la Russie commençait à entrer dans ceite sphère d'influence pacifique qui a remplacé pour la France une gloire plus éclatante et plus dangereuse. La négociation proposée à la banque de France par l'empereur fut une marque significative de ce changement heureux dans les rapports des deux nations. Sans doute, il eût été prématuré de considérer la démarche de S. M. l'empereur de Russie comme l'indice d'une alliance prochaine entre les cabinets de

Paris et de Saint-Pétersbourg, mais ce qu'on ne pouvait méconnaître, c'était que la politique russe avait changé favorablement à l'égard de la France. Depuis un an, un traité de commerce avait été proposé et sanctionné; plusieurs de nos grands fonctionnaires avaient été, chose nouvelle, décorés d'ordres moscovites; le grand-duc Constantin avait été envoyé pour visiter plusieurs ports de France et d'Algérie ; le gouvernement russe avait refusé de s'associer à la politique de lord Palmerston dans la question espagnole; enfin, il venait de témoigner, par un placement important, de sa confiance dans la solidité financière de notre pays. En même temps que l'empereur voyait la France d'un autre œil, il sentait peu à peu l'Allemagne lui échapper; il ne pouvait plus compter, comme autrefois, sur une étroite solidarité avec la monarchie prussienne, dont la situation allait se trouver de plus en plus modifiée par le progrès des idées libérales en Allemagne. Tout contribuait donc à expliquer la nouvelle attitude de l'empereur à notre égard.

La France échangea avec le gouvernement des Deux-Siciles la ratification d'un acte destiné à compléter les clauses du traité de commerce et de navigation, conclu à Naples le 14 juin 1845, et dont l'exécution simultanée dans les deux États avait commencé le 15 juillet de la même année.

La convention signée à Paris entre la France et Naples, le 28 février 1817, avait stipulé en notre faveur des avantages assez considérables pour l'ensemble de notre commerce; mais les altérations successivement apportées au tarif des douanes siciliennes en eurent, au bout de quelques années, affaibli et entièrement annulé la valeur. Vainement nos ambassadeurs avaient protesté contre des modifications qui, en fait, élevaient au double et même au triple le montant des droits qu'acquittaient, dans le royaume des Deux-Siciles, les produits du sol ou de l'industrie de la France; on répondait toujours à ces plaintes que le gouvernement napolitain, en accordant au commerce français une réduction générale de 10 pour 100 sur le

montant des droits de douanes, n'avait pu s'obliger å ne jamais modifier le taux primitif de ses droits. La France avait donc fait, en 1843, un acte réellement profitable aux intérêts qu'elle a mission de protéger en renonçant à des priviléges devenus complétement illusoires dans l'application, afin de s'assurer en échange la jouissance de notables adoucissements de tarif pour des produits spéciaux de notre industrie manufacturière.

Ces avantages, concédés à la France par le traité du 14 juin et la déclaration du 18 octobre 1845, consistaient dans une réduction d'un tiers, de moitié, ou même des deux tiers, des droits inscrits au tarif napolitain sur divers produits des manufactures françaises, et spécialement de l'industrie parisienne.

Ces réductions nous étaient acquises pour une durée de dix ans au moins, sans préjudice, durant cette période, d'un dégrèvement d'un dixième sur les droits portés au tarif pour tous les produits français importés dans les Deux-Siciles.

En même temps que le cabinet de Naples négociait le traité qui renfermait ces concessions, il préparait avec d'autres puissances, notamment avec l'Angleterre, l'Autriche, la Russie, les États-Unis, des traités qui, mis à exécution, leur conféraient, sous condition de réciprocité, le traitement national en ce qui concerne les droits de navigation. Pareilles stipulations avaient été proposées aux négociateurs français, mais comme elles ne faisaient pas droit aux vives instances de notre commerce contre la surtaxe imposée à la sortie des limites napolitaines par navires étrangers, ces stipulations avaient été écartées, d'un commun accord, du traité français. Cependant une telle résolution n'avait pas été prise sans regret entre les deux cabinets, et de chaque côté on conservait le désir de pouvoir s'entendre en ce qui touchait les charges afférentes aux pavillons respectifs. Il fallait surtout assurer à nos expéditeurs dans les ports de Naples un équivalent des immunités que la franchise de Marseille assure aux nombreux navires napolitains qui abordent dans ce port. L'occasion naturelle de reprendre la question Ann. hist. pour 1847.

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