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Après une discussion où les sentiments les plus nobles furent manifestés en faveur de l'affranchissement des classes inférieures, sur lesquelles pesait le joug de la servitude, le métropolite, chef de l'Église, malgré l'opposition que ce projet de loi rencontrait dans le clergé, déposa le premier son vote en adressant une allocution aux boyards réunis pour les engager à suivre son exemple. En effet, il restait encore 10,000 familles, environ 48,000 individus, appartenant à des particuliers réduits à l'état de servitude.

Les autres articles du projet de loi voté par l'assemblée générale portent que les bohémiens émancipés ne payeront qu'un impôt personnel de 33 piastres (12 francs), qui sera déposé dans une caisse particulière et destiné uniquement au rachat des bohémiens serfs des particuliers.

L'hospodar, prince Bibesco, sanctionna dès le lendemain le projet de loi et adressa un rescrit à l'assemblée générale pour lui exprimer sa satisfaction. Il remerciait le métropolite et les membres de l'assemblée d'avoir voté une loi que l'esprit du siècle, disait-il, et les progrès de la civilisation réclamaient depuis si longtemps. Cette séance, ajoutait-il, fera époque dans les annales de la Valachie.

Une convention relative à une union douanière fut conclue et ratifiée entre la Valachie et la Moldavie. Il fut décidé, en conséquence, que les douanes de ces deux principautés seraient affermées pour six ans, à partir du 1er janvier 1848. L'adjudication eut lieu à Jassy, dans le courant de novembre, en présence de l'assemblée des états, et, sur ces bases, fut publié un nouveau tarif de douane.

SERBIE.

Cette province, seul boulevard qui reste à l'empire ottoman pour protéger ses frontières septentrionales, était de plus en plus menacée par la politique envahissante et habile de la Russie. L'ordre de choses fondé en 1843, malgré les efforts de la poli

tique moscovite, était sourdement miné par elle; des embûches continuelles étaient tendues au prince Alexandre. Le parti russe, peu nombreux, mais hardi, s'agitait dans l'ombre; il s'efforçait de disposer les esprits à demander le renvoi du pacha qui commandait à Belgrade; bien plus, il allait jusqu'à demander la retraite des Turcs de cette ville, prétendant que, pour les sujets ottomans, le droit d'habiter et même de posséder n'existait pas, aux termes des hatti-sherifs de 1830 et 1833.

Une réforme intérieure assez importante fut la création, sur le modèle de l'administration française, de deux conseils ou divans politico-administratifs. Le premier, intitulé Meglis-Huss, serait composé d'Ibrahim-Pacha, président; d'Obbas-Pacha, Achmet-Pacha et Burhan-Bey, et remplirait en quelque sorte les fonctions de conseil des ministres. Le second, intitulé MeglisUonum, aurait pour président Sherif-Pacha, et au nombre de ses membres on remarquait Hassan-Bey, Latif-Bey et BasiliosBey. Ce serait le conseil d'État de l'Égypte. Ces deux conseils se réuniraient en un seul pour examiner des questions de grande importance, et ils siégeraient sous la présidence de Mehemet-Ali.

GRÈCE.

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CHAPITRE VII.

Réunion de la chambre des députés. Nomination du président. Adresse. Différend entre la Grèce et la Turquie.

Rupture entre M. Colettis et M. Mussurus. — Intervention des puissances. Ultimatum de la Porte. Cessation des rapports diplomatiques. — Accusation de malversation portée contre le ministre des finances. Affaire des mercuriales.— Débats à ce sujet.- Fin de l'incident.- Discussion sur l'impôt foncier. Manœuvres parlementaires. - Question de cabinet. - Attitude des partis. Majorité insuffisante du ministère.- Dissolution des chambres.- Manifeste ministériel. - Modifications ministérielles. - Déficit financier.-Dette de 1832. — Réclamations de la Grande-Bretagne. Explications et propositions du ministère. - Mort de M. Colettis. Insurrections partielles. Conclusion du différend avec la Porte. Situation générale. — Traité de commerce avec les villes hanséatiques.

GRÈCE.

Réveil des factions.

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La chambre des députés se réunit, le 1er décembre 1846, pour procéder à la formation de son bureau. M. Rigas-Palamidès fut élu président, et les autres nominations furent aussi faites dans le sens ministériel et à une très-forte majorité.

Les débats sur l'adresse s'ouvrirent le 7 septembre. Cette adresse était entièrement favorable au cabinet; on y remarquait cette phrase:

La Grèce a mérité les sympathies des nations de l'Europe durant la guerre de l'indépendance, et elle continue à s'en rendre digne par les efforts qu'elle fait pour consolider ses institutions et par ses progrès dans les voies de la civilisation. Autant elle attache de prix à ses sympathies, autant elle est jalouse de son indépendance.»

La majorité acquise à M. Colettis était assez forte pour dominer la lutte parlementaire. Des embarras extérieurs, habilement exploités par les partis, vinrent l'affaiblir sans réussir à la dissoudre.

Un incident assez grave faillit compromettre sérieusement les bons rapports établis entre la Grèce et la Turquie.

En 1841, avaient éclaté en Thessalie des mouvements insurrectionnels dans lesquels un officier grec, M. Tzamis-Karatassos, semblait avoir trempé. Ayant à cœur de prouver à la Porte son désir de contribuer au maintien du bon ordre dans ses États limitrophes, le gouvernement grec fit interner cet officier dans la forteresse de Nauplie. De là il passa plus tard à Cerigo, où il demeura longtemps en exil. Il obtint ensuite la permission de rentrer en Grèce et de séjourner, sous surveillance, dans l'ile d'Égine. Eufin, ayant fourni des garanties suffisantes, il fut réintégré dans son grade. Depuis cette époque, la conduite de M. Tzamis-Karatassos fut exemplaire; il se trouva même dans le cas de rendre des services signalés et dont le roi, après les événements de 1843, le récompensa en le nommant un de ses aides de camp.

Au commencement de l'année, des affaires particulières ayant appelé M. Tzamis-Karatassos à Constantinople, il demanda et obtint de Sa Majesté un congé, en conséquence duquel il reçut un passeport qu'il présenta, le 24 janvier, au visa du ministre de Turquie. Ce visa fut refusé. M. Colettis fit remarquer que ce refus empruntait de la position de M. Tzamis-Karatassos une gravité toute particulière : cette observation resta sans réponse, malgré la promesse faite par l'envoyé de M. Mussurus, ministre de la Porte.

Le 25, il y avait bal privé à la cour, et M. Mussurus s'y trouvait. Le roi s'approcha de lui au cercle des diplomates, et lui dit qu'il aurait cru que le roi et sa garantie méritaient plus d'égards et de respect que lui, ministre de Turquie, n'en avait montré. M. Mussurus ne répondit pas un mot. Quelque temps après, il quitta le bal, ainsi que les employés de la légation

ottomane.

Le lendemain, M. Mussurus crut devoir exiger une réparation pour le procédé du roi à son égard: cette satisfaction ayant été refusée, il demanda ses passe-ports.

Mais déjà l'affaire était déférée à Constantinople. M. Colettis avait écrit une longue lettre à Ali-Effendi, ministre des affaires

étrangères, pour lui exposer les faits. Le divan, comme on devait s'y attendre, approuva la conduite de son envoyé, avant même de se concerter avec les représentants des grandes puissances. La Porte allait ab irato prendre une décision qui aurait infailliblement provoqué une rupture entre les deux gouvernements. Un bateau à vapeur turc allait être expédié à Athènes, avec injonction à M. Mussurus de quitter Athènes dans le cas où le roi se refuserait à lui écrire une lettre d'excuses.

Aussitôt le corps diplomatique se réunit chez l'ambassadeur de France, pour combiner une démarche collective auprès du divan. Le lendemain, l'anıbassadeur de France eut une conférence avec le grand-visir ; il proposait comme moyen terme une visite de M. Colettis à M. Mussurus: mais cette transaction fut repoussée. Le même jour, une autre conférence des représentants étrangers eut lieu chez le ministre d'Autriche, qui se rendit chez le grand-visir pour l'informer de la conclusion de cette réunion. Les efforts de la diplomatie tendaient à amener le divan à proposer au gouvernement turc un genre de réparation qui fût de nature à être accepté. Mais le divan ne tint pas compte de ces efforts, d'ailleurs peu unanimes. Un steamer ottoman fut donc expédié à Athènes avec des dépêches pour M. Mussurus et une lettre du ministre des affaires étrangères à M. Colettis. Cette lettre était un ultimatum conçu dans des termes assez secs; la Porte y donnait sa pleine approbation à la conduite de son ministre : le sultan, blessé de la sortie du roi Othon contre son représentant, désirait que M. Colettis écrivit de la part de Sa Majesté une lettre à M. Mussurus pour lui exprimer tous ses regrets pour ce manque d'égards. Si, contrairement aux espérances du divan, le roi Othon refusait la juste satisfaction demandée, le bateau à vapeur, qui ne devait rester que trois jours à Athènes, recevrait à son bord le représentant du sultan, et un délai serait accordé à M. Argyropoulos, ministre de la Grèce à Constantinople, pour mettre ordre aux affaires de la légation et se retirer.

M. Colettis refusa la satisfaction demandée en ces termes; Ann. hist. pour 1847.

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