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CHAPITRE VII.

SUISSE. Situation générale des partis. Note de l'ambassadeur français. Ouverture de la diète. Discussion sur le sonderbund.

Dissolution

Protesta

de la ligue. - Préparatifs de lutte. - Question des jésuites. tion du sonderbund. - Armements fédéraux. - Cantons neutres. trée d'armes. - Dernière tentative de conciliation. -Déclaration et mani

En

feste de la ligue. Déclaration de guerre. État des forces respectives.

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- Es

- Invasion du canton de Fribourg. - Capitulation de Fribourg. — Excès commis par l'armée fédérale. Invasion du canton de Lucerne. carmouches. Reddition de Lucerne. - Fin de la lutte. Tentative de médiation de la France. Rôle de l'Angleterre. Réponse de la diète.

SUISSE.

On sait quelle est la dissidence fondamentale établie depuis longtemps entre les partis dans la confédération helvétique. Le pacte fédéral est loin de répondre aujourd'hui à tous les besoins qui se sont développés sous son empire. La nécessité de le modifier est admise par le plus grand nombre; mais dans quel sens se fera cette modification? c'est là le point de partage des opinions. Les uns veulent une constitution militaire, un pouvoir plus central et plus fort: c'est le parti radical; les autres, tout en admettant que le pacte ancien soit susceptible d'améliorations, veulent maintenir le système fédératif, hors duquel ils n'aperçoivent que dangers et ruine.

On l'a vu, le parti radical avait enfin obtenu dans la diète une majorité en faveur de ses vues: il s'apprêtait à les réaliser; mais les sept cantons dissidents soute.aient, avec une grande apparence de raison, que, d'après la constitution, le système fédéral ne pouvait être dissous et modifié que du consentement de tous les États associés. Leur ligue n'avait d'autre but que de ne pas se laisser imposer par la violence des modifications qu'ils repoussaient.

Ann. hist. pour 1847.

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Une pareille alliance, bien que toute défensive, était-elle légale ? Rien dans la constitution ne l'interdisait, et les radi caux eux-mêmes, lorsqu'ils n'étaient encore qu'en minorité, en avaient donné l'exemple.

En vue des éventualités que rendait imminentes la prochaine réunion de la diète, l'ambassadeur français à Berne remit à M. Ochsenbein une lettre qui, en France, provoqua, comme on l'a vu plus haut, des interpellations à la Chambre des députés. L'opposition accusait M. Guizot de violer le principe de nonintervention, de se faire l'auxiliaire de l'Autriche, de trahir les intérêts de la liberté. Le ministre répondit avec fermeté et nelteté qu'il respectait profondément l'indépendance de la Suisse, que la France n'avait pas cessé de vouloir maintenir devant elle ce rocher de glaces et de braves gens, que c'était là sa politique traditionnelle, que la Suisse avait le droit de réviser son pacte comme elle l'avait déjà fait; mais que sa situation n'était pas tout à fait semblable à celle des autres États de l'Europe.

« La constitution de la Suisse, ajouta M. Guizot, a été reconnue, sanctionnée et garantie par les gouvernements étrangers; à certaines conditions, les puissances ont conféré à la Suisse le privilége de la neutralité, et cette précieuse garantie lui a été accordée telle qu'elle est, composée de vingt-deux États agissant avec une égale souveraineté. »>

S'il arrivait que cet état de choses fût modifié, que cette organisation fût radicalement changée, la France aurait le droit de dire que les traités faits en vue de la constitution actuelle n'exis tent plus. A plus forte raison, pourrait-elle le soutenir si des changements radicaux, altérant dans son principe la constitution fédérale, arrivaient par la guerre civile. Tel était le sens du document émané de l'ambassadeur français il n'y avait là qu'un avertissement loyal, un conseil d'amitié et de bon voisinage.

L'ouverture de la diète suisse eut lieu à Berne, le 5 juillet. Le président, M. Ochsenbein, prononça, à cette occasion, un

discours dans lequel on remarquait un passage énergique. M. Ochsenbein repoussait la pensée d'une intervention française au cas où la diète voterait quelques modifications à l'organisation intérieure de la Suisse.

C'était là une réponse à la note présentée, quelques semaines auparavant, par M. de Bois le-Comte. Il restait à constater par un vote solennel la majorité de la diète sur la question des cantons séparatistes.

Le débat sur le sonderbund fut clos, le 20 juillet, après une discussion longue et animée. Le parti radical obtint la majorité. Il fut résolu par douze États et deux demi-États: 1o de déclarer le sonderbund dissous; 2o de rendre cette décision obligatoire pour tous les cantons de la ligue. Une protestation des sept cantons fut insérée au procès-verbal.

Dès lors la lutte était engagée. Les sept cantons se préparérent activement à la soutenir.

Dissoudre par un décret le sonderbund avait été facile à la majorité de la diète; mais il fallait exécuter le décret. Les sept cantons furent donc avertis, par un arrêté, en date du 11 août, qu'ils eussent à faire cesser tous préparatifs militaires et extraordinaires. Les États confédérés devraient retenir tout convoi d'armes et de munitions destiné aux cantons de la ligue séparée.

Cependant la cause apparente de la lutte qui allait s'engager recevait, dans la diète, une solution significative. A la majorité de deux États et deux demi-États l'expulsion des jésuites fut décrétée. Leur présence à Lucerne, disaient les considérants du décret, était incompatible avec la paix de la Suisse. Cette question n'était-elle pas du domaine de la souveraineté cantorale, et le décret ne violait-il pas la liberté confessionnelle ? Était-ce bien d'ailleurs aux chefs des corps francs à se faire les champions de l'ordre, et l'exécution de ce décret ne serait-elle pas la guerre civile?

Fallait-il donc s'étonner des préparatifs de défense faits par les sept cantons?

Toutefois, les cantons séparatistes crurent devoir expliquer leur conduite dans une protestation solennelle.

Cette protestation, portant la date du 22 juillet, était à la fois ferme et modérée, ses auteurs se retranchaient dans la légalité de la ligue. Il y était dit que :

Les résolutions qui avaient été adoptées par les hauts commeltants des députés des cantons de Lucerne, d'Ury, de Schwytz, d'Unterwalden, de Zug, de Fribourg et du Valais, n'étaient rien autre chose qu'une convention sur la manière de se prêter assistance, chose prévue et imposée aux cantons par l'article 4 du pacte fédéral. Des événements inouïs jusqu'alors avaient provoqué ces résolutions et avaient fait aux cantons un devoir de s'entendre plus spécialement sur la manière d'exécuter cette disposition du pacte fédéral, pour se garantir contre toute attaque qui pourrait avoir lieu contre leur territoire et contre le droit de souveraineté qui leur appartenait.

Ces résolutions étaient une alliance défensive commandée par le devoir de la propre conservation des cantons, et elles s'appuyaient sur l'article 4 du pacte.

Quand les appréhensions des cantons signataires de la conférence (les sept cantons) étaient encore justifiées par la situation actuelle des affaires fédérales, les députés de ces cantons avaient lieu de s'attendre qu'on leur donnerait des garanties suffisantes pour la reconnaissance pleine et entière, et pour la défense des droits de souveraineté qui appartenaient à ces cantons. Au lieu de cela, douze cantons et deux demi-cantons avaient déclaré la ligue conclue en vue de leur sécurité dissoute, et les sept cantons avaient été rendus responsables de l'observation de cette décision.

Les députés séparatistes se virent forcés de déclarer, au nom de leurs cantons, qu'ils ne reconnaissaient pas à une majorité de cantons de la fédération le droit de prendre une pareille décision, et qu'ils y voyaient une nouvelle attaque contre les droits qui leur sont garantis par le pacte fédéral de 1815, contre leur droit de souveraineté confirmé depuis; et, par consé

quent, ils ne reconnaissaient pas cette décision. Et, en se référant à la déclaration faite le 31 août 1846, forts du sentiment de la liberté et de l'indépendance achetées par le sang précieux de leurs pères, et conservées jusqu'ici par la grâce de Dieu, ils protestaient solennellement contre cette décision.

A cette protestation ils ajoutaient une autre déclaration tout aussi solennelle, savoir, que les sept cantons agiraient comme ils avaient agi jusque-là, et prouveraient dans l'avenir qu'ils ne désiraient et ne voulaient qu'observer le pacte dans toutes ses dispositions, ainsi que le serment qu'ils avaient fail.

Le 28 août, le conseil d'état de Lucerne fit réponse au vorort qu'il ne reconnaissait pas la validité des arrêtés de la diète, et qu'il y résisterait par tous les moyens en son pouvoir.

Le 22 septembre, le conseil de Zurich adopta, à la majorité de cent cinquante et une voix contre vingt et une, une proposition émanée du directoire cantonal, et tendant à faire la guerre au sonderbund. En conséquence, un crédit fut accordé au pouvoir exécutif, afin de compléter les dispositions militaires. Cependant, le contingent genevois était mis sur le pied de guerre, et le canton de Vaud décrétait un armement général des hommes de dix-huit à quarante ans. A Berne, le vorort poussait les préparatifs de guerre avec vivacité : les armements s'y faisaient sous les auspices de l'ancien chef des corps francs, M. Ochsen. bein.

Le 20 octobre, des représentants fédéraux furent envoyés par le vorort aux cantons catholiques, porteurs d'une proclamation qui les devait engager à réfléchir sur les conséquences de la résistance. Mais partout, dans les États du sonderbund, l'opinion publique, consultée dans les Landsgemeindes, était décidée pour la lutte, et il devenait inutile d'interroger encore une fois les populations, alors surtout que la diète n'offrait aucune proposition nouvelle. Les représentants durent donc se retirer.

Alors, dans une séance secrète de la diète, il fut décidé que 50,000 hommes seraient mis sur le pied fédéral et mobilisés.

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