Images de page
PDF
ePub

comment pourra-t-il en infpirer à ceux pour qui ces mêmes projets font enveloppés du plus ténébreux Mystere?

L'anéantissement que Votre Majefté vient de porter de ces Emplois inconftitutionnels (*) enfuite des réclamations unanimes qu'elle a reçue à cet égard, eft une preuve qu'elle s'empreffera de même à reconnoître & à redreffer les autres atteintes portées au Pacte inaugural qu'elle a juré.

Il est encore effentiel de porter à la connoiffance de Votre Majefté une autre innovation aux anciens ufages de cette Province, dont il eft réfulté une foule d'abus & les fuites les plus funeftes.

Elle confifte en ce qu'on a ôté à toutes les Adminiftrations du Pays, la direction & la furveillance des Ouvrages publics dans leurs départemens refpectifs, pour confier ce foin à quelques Ingénieurs qui fe font emparés de toute cette partie, à l'exclufion abfolue de ceux à qui par état elle eût dû être réservée.

Qu'en eft-il arrivé? Les Adminiftrations intéreffées à ménager leur crédit & à ne pas dilapider mal-àpropos les Finances publiques, ne donnoient jamais les mains à des ouvrages inutiles. Ayant une connoiffance parfaite du local, & étant à même dẹ juger mieux que perfonne de l'utilité & de la néceffité d'un ouvrage quelconque, elles n'en entreprenoient pas qui ne fût néceffaire. Alors elles le dirigeoient avec toute l'économie poffible. Elles veilloient à ce qu'il fût folidement conftruit, & ne né

(*) Les Intendances font auffi heureufement profcrites par une Capitulation spéciale des Villes de Gand & de Bruges, conclue avec le Duc de Malborough & les Députés de la République de Hollande au nom de Sa Majefté Catholique Charles III, & réitérée à Bruxelles le 7 Janvier 1709. Article 12.

A

gligeoient rien pour le porter à toute la perfection poffible. Les Ingénieurs au contraire, s'inquiétant fort peu de ce que pourroit coûter une dépense dont ils ne devoient rien fupporter, n'ont pour but que d'augmenter leurs vacations & leurs falaires, en conftruifant le plus grand nombre d'ouvrages poffibles, utiles ou inutiles; ils n'ont aucun intérêt à conftruire des ouvrages folides. En un mot, toute leur conduite ne peut qu'infpirer le foupçon & la défiance. Depuis que la Province a été livrée en proie à leur ignorance & leurs vexations, ils n'ont paru avoir d'autre objet que de s'en partager les dé pouilles. Il en eft fur-tout un parmi eux, qui par fes méprifes & vexations a rendu fon nom fameux, non-feulement en Flandre, mais dans toutes les Provinces Belgiques. Il n'eft perfonne qui ne le reconnoiffe à cette indication; mais comme malgré les plaintes les plus graves & les plus réelles qu'ont por tées à fa charge diverfes Adminiftrations de notre Province, elles n'ont pu obtenir aucun redreffement de la part du Gouvernement des Pays-Bas, nous avons lieu de craindre que la faveur & l'intrigue ne foient parvenus à intercepter ces Représentations, & que le véritable état des chofes ne foit demeuré inconnu à Votre Majesté seule. C'eft pourquoi nous ne balançons pas un moment, Sire, à vous décla rer ouvertement , que le Colonel de Brou eft cet homme, qui a fi étrangement abufé chez nous de la confiance du Gouvernement & fur qui tombent principalement les griefs que nous allons dénoncer à la Juftice de Votre Majefté, par un Mémoire ci-joint No. 3.

D'après cet Expofé véridique nous ofons elpérer, Sire, qu'en remettant la direction des ouvrages publics, comme ci-devant, entre les mains des Adminiftrateurs refpectifs, vous voudrez bien retirer la

confiance que vous aviez accordée à cet égard à des gens qui n'en ont que trop abusé.

Nous ne pouvons encore nous difpenfer de remontrer à Votre Majefté, que tandis que par fa Lettre écrite aux Etats des différentes Provinces des Pays-Bas le lendemain de la mort, de fon Augufte Mere, elle a daigné nous prévenir qu'elle recevroit favorablement & feroit examiner avec attention les Représentations que nous croirions devoir lui adreffer, tandis que Votre Majefté, pendant fon féjour dans nos Provinces, recevoit avec bonté les Requêtes même de fes moindres Sujets, il 'paroît cependant que le Trône eft devenu inacceffible fur-tout d'après ce que quelques Adminiftrations de la Flandre ont éprouvé en fe rendant auprès de votre Gouvernement des Pays-Bas pour des caules urgentes. On a non-feulement refufé, dans l'Hôtel du Miniftre, d'écouter les Députés de ces Administrations, mais ils ont même été repouffés, rebutés avec une dureté inouïe & l'affectation d'un mépris auffi outrageant que défefpérant, en leur interdifant même de s'adreffer à Leurs Alteffes Royales.

Hé! lorfque dès à préfent on ferme fans pitié l'oreille aux plaintes des opprimés, que deviendrions-nous, Sire, fi l'abolition de la députation des Etats qui feroit une fuite néceflaire de l'un des Diplômes furpris à la religion de Votre Majefté, pouvoit fubfifter. Ce premier pas fait, bientôt les Etats eux-mêmes feront enveloppés dans la catastrophe, & la chûte abfolue de cette Conftitution fage & inaltérable, qui fait notre fûreté, fuivroit de près la destruction des fondemens facrés fur lefquels elle repofe. Dès-lors il ne feroit plus de barriere qui pût empêcher, qu'un Defpotifme affreux ne vînt s'établir fur les ruines de notre Liberté & de nos Loix. Cette perspective effrayante ne tarderoit pas

à fe réali ́er, & toute la Nation fe verroit précipitée fous peu dans le plus épouvantable abime.

De quel fruit en effet pourroit être pour elle un Repréfentant idéal, fantastique, tel que celui propolé par le Diplôme de Votre Majefté ?

Quelle espece de confiance cet être imaginaire pourroit-il en aucun tems infpirer au Peuple qu'on voudroit lui faire reprétenter? Eloigné de fa Province, comment pourroit-il en diriger fes intérêts & pourvoir à la fûreté des Créanciers de l'Etat St aux intérêts du Peuple?

N'étant plus lié à fes Commettans par aucune confidération effentielle, intéreffé plutôt à captiver la bienveillance du Gouvernement, afin de lui être encore agréable, & d'être centinué après le terme triennal échu, n'aura-t-on pas tout lieu de craindre, que souvent il ne se trouve dans le cas de trahir fon devoir, & de facrifier le bien-être de fa Province à la faveur de la Cour?

Mais heureufement un systême auffi deftru&tif de nos Loix fondamentales ne peut avoir lieu. Le College des Députés des Etats chargé d'administrer en leur nom les affaires courantes & ordinaires de la Province, n'eft pas moins conftitutionnel que l'exiftence même des Etats. En effet, les Membres qui les compofent ne pouvant fe tenir tous affemblés pour gérer les affaires publiques, il eft naturel & évident qu'ils ont le droit de tranfmettre leur pouvoir à ceux d'entr'eux, qu'il leur plaît librement de choifir à cet effet.

La députation des Etats étant une fuite naturelle & néceffaire de l'exiftence de ees mêmes Etats, l'une eft auffi incontestablement conftitutionnelle que l'autre, & le Serment inaugural de Votre Majesté les a mis à l'abri de toute innovation.

Au furplus, les Députés n'étant que les Repré

fentans des Etats mêmes, il eft conforme à la raifon & à la justice, que les différens Ordres, qui ont droit d'y intervenir, aient auffi celui de choifir parmi eux les Mandataires, par lesquels ils veulent être représentés dans ce Comité, fans aucune dépendance du Gouvernement.

Il eft manifefte encore, que les Etats & tout ce qui en dépend, font effentiellement attachés au Pays qu'ils repréfentent, hors duquel ni eux, ni par conféquent leurs Députés, ne peuvent être tranfportés pour aller dans une Province étrangere délibérer fans connoiffance fur leurs affaires internes.

Un College de Députés réfidant dans la Province, & compofé de cette maniere, représente véritablement les divers Ordres des Etats, dont il est le Mandataire, il eft à tous égards conftitutionnel & digne de la confiance du Public; mais le vou, le but & le fond de la Conftitution s'oppoferont toujours à ce que le pouvoir des divers Ordres de l'Etat, & la direction de toutes les affaires provinciales foient remis entre les mains d'un feul homme absent, constamment dominé par une influence étrangere.

Indépendamment de ces confidérations, la députation des Etats de Flandre eft au nombre de ces Droits, Privileges, Coutumes & Ufages de la Province, dont Votre Majefté a juré le maintien & l'observation.

[ocr errors]

Le Traité, que nous avons conclu avec le Duc de Malborough & les Députés des Etats-Généraux, réclamé ci deffus, & en vertu duquel cette Province eft paffée fous l'augufte Domination de Votre Majefté, porte expreffément, que Sa Majefté Catholique Charles III, agrée & approuve la Direction de la Province, Chef-Colleges, Pays, Willes, Chatellenies, Métiers fubalternes & Villages, & généra

« PrécédentContinuer »