de Cofroës; parce que ce fut un Prince qui eftoit alors Gouver neur de la Province où ce village eft fitué, & qui se nommoit Cofroës, qui baftit cette maison de plaifance du temps de Sefie premier, ayeul du Roy qui regne aujourd'huy: Mais quelques an nées aprés fa Majefté la confifqua à fon profit avec tous les autres biens de ce Gouverneur > qu'il fit mourir auffi. Comme ce n'eft pas icy le lieu de m'eftendre fur ce fujet, je n'en diray rien da vantage.

Nous avons outre cela marqué le temps de cette funefte mort, & nous avons dit qu'elle arriva le 26. de la Lune qu'ils appellent Rabeia el aker de l'Egeré 1077. revenant au compte des Chrêtiens au 25. de Septembre 1666. fur les quatre heures du matin aux premiers rayons de l'Aurore, la mort fermant ainsi par fes tenebres eternelles les yeux de ce

grand Monarque au mefme moment que la lumiere ouvroit ceux de tous fes Subjets pour leurs befoins temporels.

Nous avons encore rapporté qu'une heure auparavant les Eunuques principaux ayans remarque dans les yeux du Prince les fignes d'une mort prochaine, trouverent à propos d'éloigner les femmes d'auprés de luy, de peur qu'à l'heure qu'il viendroit à rendre l'ame, elle ne fe laiffaffent emporter à la douleur, & ne dé couvriffent par leurs cris & leurs gemiffemens ce qu'il eftoit im portant de tenir fecret. C'eft pourquoy ils leur perfuaderent qu'il dormoit, & qu'elles devoient fe retirer pour le laiffer repofer plus paifiblement. C'estoit une fage conduite fi ces hommes qui paroiffoient fi prudens euffent eu affez de fermeté eux-mefmes; mais ils ne purent s'empefcher de jetter quelques foûpirs, quand ce

funeste moment arriva, qui firent connoiftre aux Dames ce qui fe paffoit: Elles commencerent auffi-toft à faire oüir leurs plaintes, & elles alloient mettre l'alarme dans le Camp Royal, fi ces mef mes Eunuques ne fuffent venus les conjurer de fufpendre leurs pleurs pour un peu de tems, qu'il y alloit du falut de l'Empire. Ces Princeffes defolées leur obeïrent autant qu'une douleur auffi preffante que celle qu'elles reffentoient le pouvoit permettre.

&

Je diray en paffant que ce qui rend en ces rencontres l'affliction de ces femmes fi grande, n'eft pas feulement la perte du Roy leur époux, c'est encore la perte de cét ombre de liberté, dont elles joüiffoient pendant sa vie ; car au mefme temps que le corps du Monarque eft mis dans le tom. beau, ces Princeffes font enfermées prefque toutes dans des lieux à la verité agreables, & où

elles ne manquent de rien; Mais à leur avis elles y manquent de tout, parce qu'elles font privées de la chofe du monde qu'elles defireroient le plus, qui est la frequentation des hommes, qui leur eft interdite avec tant de rigueur, que la veuë mefme ne leur en eft pas permife.

Les Eunuques ayans confulté entr'eux dans la crainte que des vifites precipitées à des heures extraordinaires ne donnaffent à penfer aux curieux, prirent refolution d'attendre que le jour fuft plus grand, & que le Soleil fuft levé, pour donner avis de cette mort aux deux premiers Miniftres d'Eftat. C'estoient deux grands hommes, qui fous le feu Roy avoient gouverné toutes les affaires avec une autorité prefque égalle. Ils deputerent à cet effet deux des principaux de leur compagnie, le Mehter, dont la charge en cette Cour là a du rapport

à celle de grand Chambellan parmy nous, auffi ce mot en Arabe fignifie le plus grand. L'autre Eunuque, qui fut deputé, fe nom. moit Aga-Kafour, homme déja fur l'âge, le premier de ceux qui avoient la garde du threfor, à qui feul le Roy avoit confié celle des pierreries.

Ceux-cy s'eftans presentez au logis des Miniftres, comme ve nans de la part de fa Majefté les obligerent de fortir de l'apparte. ment de leurs femmes, & alors ils les informerent également tous deux de la mort d'Habas fecond, & leur en firent un rapport affez exact: Qui eftoit, que le jour precedent vers le foir aprés que ces Miniftres fe furent retirez, ce Monarque avoit mangé de bon appetit des confitures que les fentmes luy avoient appreftées : en fuite de quoy il avoit parû fe porter mieux qu'à l'ordinaire, jufques fur les neuf heures du foir,