mefme de tout contre on ne pûst reconnoistre fur quel fonds eftoit cette précieuse broderie. Ce lieu eftoit éclairé par quatorze lampes toutes d'or maffif, non fufpenduës, mais pofées fur terre, commè nos flambeaux le font fur des tables ou fur des gueridons. Ces lampes, qui font d'or de ducat, font fi materielles, qu'il y en a telle qui pefera foixante marcs; & les ordinaires ne pesent pas moins de trente & quarante. De ces quatorze il y en avoit huit dans le Talaar du milieu, & trois dans chacune des deux autres falles, où eftoient encore huit flambeaux à deux branches aussi d'or maffif: lefquels flambeaux font de trois à quatre pieds de hauteur, & pefent encore plus que les lampes. que Le lieu pour le Couronnement ayant efté préparé de la forte nous venons de décrire, on apporta au milieu du Talaar les quatre pieces principales, & qu'on peut dire en quelque forte confacrées pour cette ceremonie. La premiere un fcourzy ou fiege qui fert de trône, c'est un petit tabouret quarré. Sa hauteur eft de trois pieds geometriques. Les piliers qui foûtiennent les angles s'appuyent fur autant de groffes pommes: & pour affûrer le fiege, il y a encore en haut & en bas pareil nombre de barres traverfantes: en un mot fa forme eft toute femblable à nos tabou rets. Le deffus tout uni fans aucune étoffe qui puiffe rendre le fiege plus mol, est de la mesme matiere que le refte, je veux dire d'or maffif affez épais; & les quatre piliers avec les quatre pommes font couvertes pardeffus l'or de petits rubis & de quelques émeraudes. Ce tabouret, hors les temps qu'il fert à cette ceremonie, fe garde avec grand foin dans le Trefor Royal qui eft au donjon de la fortereffe d'Ifpahan: il eft fi pefant, que quand on l'en tire, deux hommes à peine le peuvent porter: je l'y ay veu par un grand bonheur: je trouvay moyen d'entrer dans ce lieu-lá quelques jours aprés, lors que le Vazier ou Fermier Royal de la ville y venoit pour ouvrir tous les magazins & les cabinets; parce que le nouveau Roy y devoit amener le lendemain fa mere & fes femmes. La feconde piece un Taag, c'est à dire une Couronne, du moins ne trouvay-je point d'autre expreffion en François qui puiffe expliquer ce mot Perfien: comme difficilement les Perfes, s'ils vouloient traduire cn leur langue ce que nous appellons Couronne, pourroient-ils trouver une autre diction plus propre que celle-cy Taag, qui eft cette Couronne Perfienne & ce fameux bonnet que quelques faifeurs de relations appellent le bonnet de Sophy: je ne fçay pourquoy : j'en ay dit ailleurs fuffifamment mon avis. C'est un bonnet plat à peu prés comme les mortiers des Prefidens du Parlement: je dis à peu prés; parce qu'il n'est ni fi large, ni tout à fait fi haut: il s'étreffit un peu vers le bas, & porte en fon milieu une pointe qui femble fortir du dedans du bonnet, bien qu'elle n'y foit que coufuë de fort prés & tres-proprement. Cette pointe fe prolonge en haut un peu plus que la longueur d'un doigt, & fe diminüe vers le bout qui au deffus paroist un peu plus large. L'étoffe de ce bonnet que l'on avoit préparé pour le nouveau Roy, eftoit de fin drap d'or épais. Il eftoit lié alentour en façon de Dhul-bandt, ( qui eft ce que nos Ecrivains pour ne pas entendre les Langues nomment mal Turban) par une des plus. fines & legeres toiles de cotton qui fe faffe dans les Indes, tiffuë d'argent fur les bords à la largeur de deux doigts. La pointe du tuyau eftoit chargée d'une groffe applique de diamans, qui la couvroit toute, d'où fortoient de petites chaînes de pierreries qui cachoient entierement le refte du tour, & venoient tomber fur le bonnet, lequel eftoit auffi tout couvert de riches enseignes des plus belles pierreries de la Cou ronne. Tout alentour s'élevoient des aigrettes de pierreries qui ne cedoient point aux autres. En quelques-unes l'on voyoit de petites plumes de Heron & d'oifeau de Paradis. Le Dhul-bandt eftoit tout rempli de chaînes attachées aux aigrettes: & c'étoient des diamans, des rubis, des émeraudes & des topafes, qui formoient ces aigrettes & ces chaînes lefquelles couvroient tout le Dhul-bandt en tombant du haut en bas fur la toile de cotton, pour le |