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ment fon arrogance, en forte qu'après avoir témoigné fon étonnement, fur ce que des aveu gles s'imaginaffent avoir affez d'efprit pour une administration femblable; il envoya luy ofter tous fes biens, & luy donna ordre de fe retirer dans un quartier de fon Palais. Sefié II. un peu aprés fon avenement à la Couronne, luy donna fa grace, & luy rendit fa liberté & fes biens fans aucune diminution.

Le plus confiderable de tous ceux qui dans ces commencemens retournerent de la prison à la Cour, fut Haly-Kouli- Kaan qui eftoit prisonnier à Cashin, & qui par une hardieffe étonnante s'étant échappé à fes gardes, se vint jetter aux pieds du Roy. Voicy comme la chofe fe paffa.

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A la nouvelle qu'il apprit de la mort d'Habas, il conceut une grande efperance de recouvrer fa liberté, & il méditoit en luy

mefme les moyens les plus propres pour s'échapper & fe rendre à Ifpahan. Il vouloit demander sa grace luy-mefme, parce qu'il ne croyoit pas qu'il y euft aucun des Grands de la Cour qui luy vouluft affez de bien pour parler en fa faveur: il y en avoit pourtant un, qui eftoit le Géneral des Efclaves. Celuy-cy se reffouvenant de l'ancienne amitié qui avoit efté entre eux, fe hazarda trois ou quatre fois dans la privauté que le Roy luy permettoit d'avoir auprés de fa perfonne, de luy reprefenter l'infortune de Haly Kouli-Kaan: mais comme il vit que le Prince ne répondoit rien là-deffus, il envoya à ce Seigneur une lettre où il luy mandoit l'état des affaires, & qu'il luy confeilloit de venir en perfonne fe jetter aux pieds du Prince: que dans la douceur de ce nouveau regne il ne pouvoit pas courir grand' for

tune.

Ces

Ces lettres confirmerent d'autant plus Haly.Kouli-Kaan dans la refolution qu'il avoit déja prife, qu'il fe voyoit appuyé audeffus de ce qu'il penfoit; il ré crit au Géneral des Efclaves, luy rend graces de la bonté qu'il avoit pour luy, le fupplie de la luy continuer, & de fe donner le foin de luy faire tenir des chevaux en tels lieux & en tel temps. Puis il donna ordre à quelques-uns de fes plus fidelles domestiques de fe tenir prefts aux endroits & aux jours qu'il leur defigna: & lors que le temps fut venu qu'il avoit refolu de partir, il demanda permiffion au Capitaine de ceux qui le gardoient, d'aller à la chasse. Comme on la luy avoit déja accordée plufieurs fois, & mefme celle d'aller en d'autres lieux, felon le befoin qui s'en eftoit offert; le Capitaine la luy accorda fans difficulté. Dés qu'il l'eut receuë, il fortit accompagné de quatre de

fes plus confidens, tous montez à l'avantage & bien armez. Il battit quelque temps la campagne, faifant femblant de chaffer, & engageant adroitement fes gardes toûjours du cofté d'Ifpahan: puis fur la fin du jour, voyant que leurs chevaux eftoient haraffez, comme s'il eust voulu s'égayer, il picque avec les fiens, & s'éloigne d'eux. Ceux-cy d'abord n'entrerent en défiance de rien, & ne s'apperceurent de fon deffein qu'alors qu'ils le virent bien loin, Allant toûjours fans retourner fur fes pas. De le fuivre, & encore moins de l'atteindre, cela eftoit impoffible: leurs chevaux eftoient outrez d'avoir couru çà & là quatre heures durant, & davantage. Ce hardy prifonnier picqua avec une diligence incroyable, jufques à crever les chevaux, & arriva d' Ifpahan avec tous fes gens qu'il avoit trouvez à leur rendez-vous au nombre de cinquante, & s'en

va droit à la porte du Roy. Comme il approchoit du lieu où fa Majefté eftoit affife, le General des Efclaves le rencontre. II demeura fort furpris de le voir là bien plustoft qu'il ne l'attendoit: Neanmoins fans faire femblant d'avoir aucune intelligence avec luy, il luy demande ce qu'il vouloit, & quel deffein le faifoit venir. Il répondit qu'il venoit mettre fa tefte aux pieds du Roy. Cela eft bien, dit le General des Efclaves, je m'en vay en demander la permisfion pour vous au Roy. Haly-KouliKaan au lieu d'attendre la réponfe de fa Majesté, suit le General des Efclaves jusques auprés du lieu où elle eftoit; de forte qu'il pût entendre, que dés qu'elle eut oüy prononcer fon nom, & qu'il eftoit venu, elle répondit tout haut: koch-gheldy, fafa-gheldy: qu'il foit le bienvenu, & qu'il arrive à la bonne heure ; & auffi-toft commanda de le faire entrer, &

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