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cens Quintaux. Le Chef des Armeniens fit refponse que dans tout le Bourg, il n'y en avoit pas tant, & que d'en faire venir

d'ailleurs, il n'y avoit point d'ap-. parence, puifque avec les frais de voiture, elle leur reviendroit à un Abbaffis, & un quart chaque poids d'onze livres trois quarts, & que neanmoins le Roy entendoit qu'on ne vendift ce poids qu'un Abbaffis feulement. En quoy il y auroit la cinquième partie de perte pour eux. Ce Compte eftoit jufte, & le Generaliffime le fçavoit bien, & qu'ils perdroient du moins dix mille livres, fur ce qu'il leur faifoit demander de farines, c'est auffi ce qu'il pretendoit, il voulut que cette fomme qu'ils avoient refufé de luy prefter, leur tournaft en pure perte. Ce Seigneur là deffus, ne fe contentant pas de leurs raifons, leur envoye dire. qu'ils euffent à fournir ce nom

, que

bre de farine, qui leur avoit efté ordonné leur habitation eftoit des defpendances d'Ifpaban, & qu'ils eftoient obligez auffi bien que les autres de fecourir la Capitalle dans la neceffité où elle fe trouvoit. Que c'eftoit un ordre exprés de fa Majefté, les Armeniens quoy qu'on leur puft dire, ils n'en voulurent rien faire. Ils foufte-. noient qu'ils n'eftoient point obligez à cette furcharge, que par le traitté qu'ils avoient fait avec le Roy, ils eftoient exempts de tous impofts & de tous nouveaux Droits en payant à fà Ma. jefté chaque année quatre cens Tomans, qui font environ vingt mille livres, & que quand mefine Y auroit une veritable famine dans la Ville (ce qui n'eftoit Dieu mercy)l'on n'auroit pas lieu de rien exiger d'eux au deffüs de: cette fomme:

il

pas

Ils avoient raison; mais leur

partie avoit la force. Il eftoit refolu de les pouffer à-bout, & ne traitoit pas moins que de faire arrester prifonniers les principaux d'entre eux. Comme ils en eurent receu avis, ils envoyerent toutes leurs femmes au nombre de plus de trois cens à la porte du Haran ou du Palais des femmes, pour attendre là le Roy & luy demander juftice. Elles prirent le temps que fa Majefté y eftoit, & elles fe rangerent devant la porte contre les murailles. Il faut remarquer que c'eft en ce lieu où ceux qui veulent demander justice ou obtenir quelque grace, le vien. nent faire; & que les gardes n'oferoient fous peine de la vie empefcher perfonne de s'y presenter & d'implorer à haute voix la justice du Prince. Elles menerent un fi grand bruit, qu'on l'entendit jufques au dedans du Palais; & fa Majefté en ayant fceu la caufe, leur envoya commandement

de fe retirer, & qu'on donneroit ordre à leur affaire.

Le Generaliffime ne laiffa pas de preffer ces Armeniens & de les menacer de prifon, à quoy ils ne trouverent point d'autre remede que de renvoyer les jours fuivans pour une feconde fois leurs femmes au Palais & au mefme endroit. Ces femmes commencerent à y faire le mefme bruit que les premiers jours; & entendant dire que fa Majefté alloit fortir par la porte du Palais qui donne dans l'allée Royale, elles coururent en foule de ce costé-là, avec tant d'emportement qu'une troupe d'elles vint jufques à toucher au cheval du Roy. Les Sophis & valets de pied qui marchent devant & alentour, leur criant hyeri, c'est à dire garre, les écarterent à-peine. Car ces femmes enragées commencerent à leur jetter des pierres, & une d'entre elles eut bien l'audace de mettre la main

fur la bride du cheval du Roy. Sa Majefté déja bien étonnée de ce tumulte, le fut encore davantage de cette action. Pour fa jeu neffe & fon peu d'experience, il ne fçavoit comment il en devoit ufer: il ne faifoit feulement que dire qu'on les chaffaft, qu'elles s'en allaffent, & qu'il leur rendroit juftice. Avec tout cela il eut affez de peine à se débarrasser de. ces démoniaques.

En mefme temps les Armeniens avoient fait prefenter d'un autre cofté par un Eunuque à la Mere du Roy, une requefte comme eftant fous fa protection; parce que leur bourg eft une des places qui luy eft affignée pour fon appanage. Cette Princeffe la receut, & promit de faire office pour eux. En effet, dés que le Monarque fon fils fut rentré chez elle, elle le fupplia de vouloir remettre à ces pauvres Armeniens cette furcharge, veu que par les conceffions

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