qu'il avoit déclaré ne fe trouvoit pas; le General se resolut de s'en éclaircir. Il envoye deux cavaliers aprés la caravane, & leur met entre les mains un commandement du Roy pour se faifir de ces porteurs de lettres & de portraits. Ces deux cavaliers au bout d'un mois atteignirent la caravane; & ayant reconnu les Dervichs aux enfeignes que l'Esclave en avoit données, les ramenerent prisonniers à Ifpahan.

Lors qu'ils furent presentez au General d'armée, il leur confronta l'Esclave, & l'interrogea s'il connoiffoit ces pauvres gens & fi c'estoient là ces porteurs de lettres & de portraits. Il affeura que c'eftoient eux, & commença à les preffer de telle forte qu'il les fit chanceller en leurs répon fes. Là-deffus ce Seigneur fait fouiller leurs habits, & découdre tous leurs haillons, où l'on trouve comme l'Efclave l'avoit declaré,

claré, les portraits & les lettres coufuës en divers endroits. Le tout porté au Roy, sa Majesté ayant veu le contenu des lettres tel que nous l'avons rapporté, fe mit fi fort en colere que de rage elle vouloit faire tuer une partie des Multani Indiens, & chaffer l'autre de ses Eftats, quoy qu'ils foient au nombre de plus de vingt mille. Le Generaliffime & le premier Miniftre essayerent de l'appaifer, & luy remontrerent qu'il ne falloit punir que les coupables: cependant on ne les découvroit point, & les Dervichs quelques tourmens qu'on leur fift fouffrir & quelque torture qu'on leur appliquaft n'en déclaroient rien. Ils difoient toûjours qu'ils ne les connoiffoient point, qu'ils ne fçavoient point leur nom, & qu'ils n'avoient jamais efté chez eux, qu'ils avoient receu ce qu'on avoit trouvé dans leurs hardes chez le Peintre, & que les Indiens Cc

qui le leur avoient apporté, ne leur avoient jamais dit leur nom ni leur logis.

Comme les lettres ne les nommoient point non plus, ce Seigneur ne fçavoit par où fe prendre pour en connoiftre quelque chofe: il avoit fait arrefter les principaux au nombre de plus de deux cens; mais au bout de quinze jours on les relascha, à la referve de trois qui payerent pour les coupables du moins fi ce n'eftoient pas eux qui le fuffent, ( car cela n'a jamais esté bien averé, & l'on n'en avoit que des indices affez foibles) à caufe de cette incertitude on fe contenta de la confifcation de partie de leurs biens tels qu'on les put découvrir, qui fe trouverent monter à de grandes fommes, defquelles toutefois par pitié l'on ne prit que huit mille Tomans, qui font quatre cens mille livres, & le refte leur fut laiffé fur ce qu'ils

remontroient que ce qui paroiffoit estre à eux, appartenoit à des Marchands qui demeuroient aux Indes. Pour les trois porteurs de lettres & de portraits, auffibien que le Peintre, ils receurent des coups de bafton en grand nombre; & l'on ne les relafcha point que quand les pieds leur furent devenus auffi gros que la tefte à force de bâtonnades. En ce temps-là Cha-navazKaan Prince Gouverneur de Georgie envoya fon fils à la Cour de Perfe pour prier le Roy de luy donner la charge de Daroga ou Grand-Prevost d'Ifpahan qui luy appartenoit fuivant les conventions paffées entre les Rois de Perfe & les Princes de Georgie. Sa Majesté eut affez de peine à luy accorder fa demande que cette place eftoit remplie : neanmoins les Miniftres recom noiffans combien fa prétention estoit jufte, en parlerent au Roy Cc ij

, parce

de fi bonne forte, qu'enfin il l'en investit, ordonnant à Kelk. HalyBek de s'en défaire, qu'on recompenfa d'un autre employ auffi confiderable.

Pour entendre cecy, il faut remarquer que lors que le grand

Habas fe rendit maistre de la Georgie, (ce qu'il fit autant par adreffe que par force ) par les leurres dont il attrapa ce pauvre Temuraz Kaan qui en fut le dernier Roy,il luy propofa de grands avantages, pourvu qu'il vouluft fe foûmettre à fon empire & reconnoiftre fa domination: & en tre autres, que la charge de Grand-Prevolt d'Ispahan appar. tiendroit à l'avenir à un des enfans du Prince de Georgie: & que ce droit feroit tranfmis à fes defcendans à perpetuité. On luy a tenu parole jufques à maintenant, & le fils du Prince de Georgie exerce toûjours cette charge.

Une troifiéme place fut enco