qu'on l'euft pris pour un Perfan rant il monftroit de grace & d'affabilité en toutes chofes, Sa Majesté ayant reconnu tant de belles qualitez, pouffa fi loin l'affection qu'elle avoit pour luy qu'elle luy donnoit place dans les Megeles ou affemblées Royales, où elle luy faifoit tenir le mefme rang qu'aux Grands de fon Empire,& luy affigna pour fon entretien des penfions qui n'eftoient pas medio cres. Pendant le temps de fon fejour à Ifpahan, où il avoit la liberté de fortir quand il luy plaifoit, accompagné de fon. Maistre de traitement & de fes gardes qu'on luy avoit donnez; L'on peut dire plus pour honorer fa personne que pour l'observer, parce que l'on ne fe défioit plus de luy. Il avoit toûjours neanmoins dans le cœur, fon païs naturel, fes parens, & la Couronne qui l'attendoient: La magnificence; la douceur, la beauté & les délices de la Perfe,ne luy pouvoient arracherce violent amour qu'il reffentoit pour les lieux de la naiffance; car s'il eftoit vray que cette terre qu'il regrettoit n'avoit rien que de fterile & que d'affreux, il eftoit encore vray que c'eftoit là où ilavoit premierement veu le jour, & que c'eftoit là auffi qu'il devoit changer la condition d'Efclave qu'il avoit alors en celle de Maiftre. Preffé de ce defir il ef. crit fecrettement au Roy d'Or quenge pere, & le fupplie de travailler à fa liberté. Celuy-cy en ayant étudié les moyens,prend l'occafion d'envoyer un Ambaffadeur en Perfe, lequel apporte à ce jeune Prince la refponce du Roy fon pere; Enfuitte le Prince & l'Ambaffadeur concerterent enfemble la maniere de fon évafion l'Ambaffadeur partit au bout de fix mois de la Cour : Et lors que le Prince jugea qu'il fon eftoit hors de deffus les terres de Perfe, & que le temps eftoit venu de fonger à fa fuite, il la conduifit de cette forte. Il feignit un jour d'estre fort indifpofé, & fit fçavoir fon indifpofition au Roy, Il adjoûta que nul remede ne le pouvoit bien remettre, qu'il les effayoit tous inulement, & que fuivant l'advis des Medecins, il croyoit ne pouvoir eftre guery que par les eaux chaudes qui font à trois journées d'If pahan, il obtint aifément la permiffion d'y aller ; Et l'Intendant du Gouverneur d'Ifpahan que l'exercice de fa charge empefchoit de fortir de la Ville,luy donna pour l'accompagner à fa place un des principaux domeftiques de fon Maistre avec une Escorte de quinze ou feize perfonnes. Dans le temps qui avoit esté arresté, parurent fous des arbres hors du Village, & proche des bains où le Prince faignoit de chercher la fanté. Quelques vingt Yus-beks gens de choix fort leftes, bien montez & bien armez,avec quelques chevaux de main. Le Prince les reconnut, & fans confulter davantage, laiffant là quelque petit nombre de Perfans qui fe trouvoient alors avec luy, il monte à cheval, & pique droit devant cette troupe; Il n'y eut que le conducteur Perfan qui le fuivit, ne fongeant à rien moins qu'à ce qu'il voyoit arriver, ne fçachant que juger de cette advanture: il n'avoit pas affez de monde, ny affez de temps pour en amaffer: Cependant il voyoit échaper ce grand depoft qui luy avoit efté commis, tout ce qu'il pouvoit faire en cette rencontre fi furprenante eftoit de le fuivre toûjours & d'effayer de le fléchir par les prieres: Monseigneur mon Prince, luy difoit-il, quelle eft ma faute, ma mauvaifefortune, & quel crime ay-je commis contre vous, que vous vouliez ainfi laifferma tefte en compromis fi je retourne à Ifpaham fans voftre perfonne? Que me peut-il arriver moins que de la perdre: Le Roy mefme ne fe contentera pas de ce fupplice, mais fans doute que dans L'excés de fon indignation, il me fera fendre l'eftomach; Ce Seigneur Yus-bek répondit brusquement à ce conducteur en ces termes; Ie fuis tres obligé au Roy de Perfe, mais je le dois eftre davantage à ma Patrie &à mes parens qui me rappellent; C'est mon pere qui m'envoye ces gens que tu vois pour me remettre en poffeffion de ma terre natalle, & dans l'efperance de la Couronne qu'il me deftine aprés fa mort, fi tu veux venir avec moy, je me revencheray par toutes fortes de bons offices de ceux que j'ay receus en Perfe, & je te feray un des grands demon Eftat, finon retourne-t'en à la bonne heure, &dis à ton Roy que je luy rends graces de tous fes bien faits, & que je |