feray toujours fon Goulom ou Efclave, que je m'estimeray toute ma vie fon obligé, & qu'avec le temps il connoiftra la verité de cette promeffe. Ayant achevé ces paroles, il pouffa fon cheval d'une fi grande viteffe,que le Conducteur Perfan l'euft bien-toft perdu de veuë; car s'il y a nation au monde legere à la course de cheval, ce font ces Yus-beks. Quand on l'eut appris à Ifpahan, on envoya aprés en grande diligence quantité de Cavaliers, mais ce fut inutilement, il avoit trop davantage fur eux, ils ne peurent l'atteindre, toute la Cour en demeura dans l'étonnement; Et fur tout le Roy qui ne croyoit qu'Abou-cl-Kazi ( c'eftoit le nom de ce Prince) fongeaft encore à la Tartarie, & qui s'eftoit perfuadé qu'il en avoit tout à fait perdu le fouvenir aprés dix ans de fejour qu'il avoit fait en fa Cour comme ce Prince Tarta pas re n'oublia point fon païs,il n'oublia pas non plus les obligations qu'il avoit à la Perfe & à fon Monarque; Car durant sa vie il favorifa toûjours ce Royaume, particulierement lors qu'il eut fuccedé à la Couronne de fon pere, ce qui fut de peu temps aprés, tant qu'il regna non feulement il eut foin de vivre en bonne intelgence avec Sefie premier & Habas fecond, mais il tint tellement en balance Subhaan-Kouli-Kaan Roy de Balke, nom qui fignifie Le Prince efclave du Loüable, par lequel ils entendent Dieu, & le Roy de Bokora appellé Abdulhazizé- Kaan, Prince ferviteur de la Majefté, fous-entendu Divine, les deux feuls qui fe jettoient quelquefois fur les frontieres de ce Royaume, qu'ils ne peurent rien entreprendre, Car fors que l'un ou l'autre vouloit aller exercer des brigandages dans la Perfe. Celuy-cy entroit dans leurs terres, terres, & les contraignoit par ce moyen de retourner au plus vifte chez eux; Ainfi les Provinces frontieres comme la Bactriane, la Margiane, la Drangiane, & les coftes de la mer Cafpie joüiffoiet d'une profonde paix. Habas gagné par cette conftante affection reconnut avec une conftance é gale la gratitude de ce Prince, & continua de luy payer toûjours en témoignage de l'eftime qu'il avoit pour luy cette groffe penfion qu'il avoit en Perse. Mais après qu'Abou-el-Kazi, eut par fa mort cedé la Couronne à fon fils Enouch-Kaan,c'est à dire, Seigneur de profit. Le Roy Habas fecond qui n'avoit pas pour luy l'eftime qu'il avoit euë pour fon pere ne ne creuft pas qu'il luy deust continuer cette penfion, qu'il ne donnoit à celuy-là que par amitié; Ce jeune Prince Enouch-Kaan qui regardoit cette penfion comme une forte de Tribut que le Hh Monarque Perfan donnoit au Roy de Karekme ou Orquenge pour l'empefcher de piller fes terres s'en voyant deformais fruftré, trouva que le plus prompt remede pour la recouvrer, ou du moins pour fe recompenfer de la perte qu'il en avoit faite, eftoit de porter la Guerre dans cét Empire, & d'en ravager les Provinces. Dans ce deffein il forme une ligue contre la Perfe avec les deux autres Kááns; & pour la mieux cimenter il efpouse la four du Prince fouverain de Balk, & donne la fienne pour femme au fouverain de Bokora, ces trois beau-fréres refolvent de donner tous ensemble fur le Royaume de Perfe. Il reftoit un fcrupule au Prince de Balk & de Bokora, qui estoit que le feu Roy d'Orquenge pere de celuy d'aujourd'huy eftoit Chia Mahometan felon le culte des Perfes, & non Sunni Maho metan felon le culte que les Tartares suivent auffi bien que les Turcs. Enouch káán toutefois faifoit profeffion ouverte d'avoir quitté la Creance de fon Pere & repris celle de son Pays. Mais ces deux Princes ne s'y fioient point & apprehendoient qu'il ne leur joüaft quelque mauvais tour, afin donc de s'affeurer mieux que ce Prince eftoit bon Sunni, qu'il procedoit fincerement, & que de tout fon cœur il fe declaroit ennemy de la Perfe, ils fouhaitterent que luy feul premierement commençast cette guerre & qu'il fondift avec ses Troupes dans ce Royaume, & ils convinrent que l'année d'apres tous trois donneroient ensemble & poufferoient leurs conqueftes plus avant. Le Prince d'Orquenge fuivant la refolution prise entre dans la Perse, mais il y trouva une forte refi. ftance. Habas fecond bien infor mé des complots de ces Royte |