Images de page
PDF
ePub

fteurs Turkmans les ont nommez en leur langue Sara-netchin. Sara fignifie Campagne & netchin ceux qui faffoient, venant du verbe netchinen c'eft à dire, s'affeoir, fe repofer, ainfi fara-netchin mot à mot fignifie ceux qui s'affeoient dans la Campagne. Nos anciens Hiftoriens & nos faifeurs de Relations qui ne fçavoient point les langues Orientales ou du moins qui n'en avoient qu'une tres mediocre connoiffance les appellent par tout Sarrazins, ce mot barbare nous eft venu fans doute d'autre part que d'un François, car il eut dit Sarachins, veu que nous autres n'avons point de peine de prononcer le chin des Afiatiques comme quelques peuples nos voi fins, & entre les autres les Anglois qui en font par tout un Zin, ce que quelqu'un d'eux a bien reconnu dans une Grammaire Perfane qu'il a compofée; il difpute de quelle façon il faut prononcer

le nom d'une Ville fameuse de Perfe; les naturels l'escrivent & le prononçent Chiras par un Chin, & les Anglois le prononcent Si ras par un Sad, Surquoy il conclut que ceux de fa nation faute d'avoir cette prononciation dans leur langue naturelle ne la peuvent exprimer dans la Persanne, & que les François y font plus heureux, parce que dans leur langue ils expriment Chi auffi bien que Si,& que l'une & l'autre prononciation leur eft naturelle.

Pour faire une relation bien exacte d'un païs, il faut que ceux qui s'en meflent en fçachent la langue, autrement ils commettent mille fautes que les perfonnes habilles ont de la peine à fupporter, il n'en faut point d'au tres preuves que les relations des voyages que nous avons euës en ce fiecle, je parle seulement de celles qui traitent de la Perfe; il y en a deux un peu plus tolerables,

celle de la Vallé, & celle d'Olearius, quoy que la premiere foit pleine de fautes, dont il y en a mesme que l'on peut dire monftrueuses, & que la derniere n'en foit pas exempte,fi eft-ce pourtant qu'elles valent mieux que les autres, parce que ces Auteurs avoient apris le Perfan; Je fuis de cette opinion, que quiconque donne fes voyages & les obfervations d'un païs dont il ignore la langue, ne donnera jamais rien d'achevé.

Je croy que cette petite digref fion ne déplaira pas aux curieux; Pour revenir à noftre sujet, cette peuplade de Turk-mans eftoit auparavant tributaire des Kalmak, mais depuis environ trente ans ils s'eftoient refugiez en Perfe, & foumis à la domination des Prin ces qui la commandoient, pour éviter les mauvais traitemens que les Kalmak leur faifoient,& trouver une region qui fuft moins sterile, & qui fuft plus favorable à

[ocr errors]

la nourriture de leurs troupeaux; Pendant cét intervale de temps les Kalmak n'en avoient rien dit, mais cét année 1667. jugeant que la Perfe eftoit dans une extréme foibleffe fous un jeune Prince pour avoir fujet de declarer la guerre, ils envoyerent demander la reftitution du tribut depuis trente ans que le Monarque des Perfes avoit receu des Turkmans qu'ils pretendoient leurs fujets. Lors que leurs deputez furent arrivez à Efter-abaat qui eft la premiere Ville confiderable dans la Perfe de ce cofté là. Le Gouverneur les retint, & les affura qu'il alloit depefcher à la Cour de Perfe fur le fujet de leur venuë, & qu'il leur en feroit fçavoir la refponse. D'abord fans confulter plus long-temps le Confeil du Roy fut d'advis de refufer hautementune demande fi fort inju rieuse à la grandeur de l'Empire. Cette refolution eftoit fans doute

éclatante, mais elle n'eftoit gueres fage; Les Kalmak indignez lors qu'ils l'eurent fçeu, vinrent vers la fin de la campagne fur la frontiere qui fepare les deux Eftats, & là ils tirerent folemnellement une fléche dans les terres de Perfe, qui eft le signal avec lequel ils declarent la guerre; cydeffous nous verrons ce que le Ciel en avoit ordonné.

Toutes ces guerres dont la Perfe eftoit menacée dans l'eftat languiffant, & dans la foibleffe où elle fe trouvoit, furent caufe que l'on n'écouta point à la Cour les propofitions du Pacha de Bas-ra que l'on appelle vulgairement, mais mal Balzura, Ville à l'embouchure du Golphe Perfique, il y avoit plufieurs années que ce Pacha fe maintenoit dans cette Ville comme Souverain, & ne reconnoiffant point de Maistre, il fçavoit fi bien ménager les deux puiffances,au milieu defquelles il

« PrécédentContinuer »