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fes Princes naturels ; mais les plus voifins de la Perse en reconnoiffent le Roy & luy font tributaires. Un de ces Princes-là avoit une tres-belle fille, le Gouverneur de Kand-dar qui en avoit oüy parler, fouhaitta ardemment de la mettre au nombre de fes femmes, il l'envoya demander, ce Seigneur la luy refufa; cét amant ne fe rebuta point d'abord, il reïtere fa demande ; le pere continuë fon refus; l'autre perfifte à demander, mais inutilement; parce que cette nation des Bolluki ne fe mefle gueres par alliance avec d'autres qu'avec ceux de leur païs. Le Gouverneur diffimula fon dépit, luy témoigna toûjours beaucoup d'amitié ; & l'invita un jour à un celebre festin qu'il faifoit dans la Ville de Kand-dar. Ce Prince qui ne se doutoit de rien y vint à la bonne foy, Mais quand celuy - cy le tint en fes mains, il luy fit couper

la tefte: Les gens qui l'avoient fuivy lors qu'ils apprirent fa mort, touchez d'une fi noire méchanceté, & pleins de rage, fe jetterent fur les gens du Gouverneur. Il y eut un fanglant combat, où trois cens des Perfes demeurerent fur la place, & fept à huit cens

des autres.

Cette affaire fit grand bruit à la Cour, le Roy en témoigna de la colere. Les ennemis de ce Seigneur ne laiffent pas eschaper une occafion fi favorable au deffein qu'ils avoient de le perdre, ils jugerent bien que fa Majefté fou. friroit volontiers qu'on dift quelque chofe contre un homme qui luy donnoit de la fâcherie. Ainfi ils luy perfuaderent aisément de revocquer la permiffion qu'elle avoit donnée à ce Gouverneur de venir à la Cour toutes les fois qu'il luy plairoit. Le pretexte de

cette révocation fut fondé fur ce que c'eftoit une chose qui n'avoit

point accoûtumé de se faire, & qui pouvoit aller à des fuites tresdangereuses. Ils ne creurent pas avoir peu fait d'avoir obtenu ce point. Ils apprehendoient fi ce Seigneur euft pû revenir à la Cour qu'il ne regagnaft par fa prefence les bonnes graces du Prince, ce qui fembloit ne luy eftre pas difficile, veu qu'il avoit eü l'addreffe de faire fi bien le paffionné pour le Roy; que fa Majefté lors que ce Gouverneur eftant preft de partir pour Kand-dar témoignoit un regret extréme de s'éloigner, luy avoit dit: Pour aller à Kanddar tu n'en feras pas moins mon fa. vory,& tu reviedras à ma Cour toutes les fois que tu le trouveras à propos: Surquoy il luy avoit fait expedier ces Lettres de pouvoir venir à la Cour fans attendre un autre nouvel ordre.

Ce Gouverneur receut la revocation de cette grace, & à mef me temps des Lettre de fon frere

& de fes autres amis; qui luy mandoient qu'il eust à bien prendre fes mefures: que fa fortune chanceloit,& qu'il s'en faloit bien peu qu'elle ne tombast tout à fait; que fes ennemis avoient profité merveilleusement des prises qu'il leur donnoit.

A ces nouvelles il choifit un party qu'il creut d'autant plus digne de luy qu'il luy paroiffoit également plein de prudence & de hardieffe; que l'évenement

neantmoins a monftré n'eftre pas moins funefte que temeraire. Il s'affeuroit que dés qu'il verroit le Roy il accommoderoit fes affaires; qu'il rentreroit en fa premiere faveur & diffiperoit la faction de fes ennemis, c'eft pourquoy fans demander un nouvel ordre attendre de commandement; & mefme contre celuy qu'il recevoit qui luy defendoit expreffément de venir, il monte à cheval & en l'espace de neuf jours il ar

ny

rive à Ifpahan luy fixiéme.

On parloit dans cette ville de la diligence de ce voyage comme d'une chose tout à fait extraordinaire & qui n'eftoit jamais arrivée. Car de ces neuf journées il en faut déduire une qu'il demeura à fe reposer, dans un Jardin à quelques cent cinquante lieuës de la Ville; de façon qu'en quelques huict jours il fit le chemin de trois mois de traitte ordinaire qu'il y a d'Ispahan à Kand-dar, c'est à dire, trois cens cinquante lieuës Perfanes qui valent plus que quatre cent cinquante des noftres Françoises.

Il n'entra point dans la ville mais il fe rendit dans un grand Jardin proche de Tokchi qui eft une des portes de la ville; d'où il envoya fuivant la coûtume donner avis au Roy, Que le Gouverneur de Kan-dar fon Esclave attendoit que fa Majeftè luy accordaft la grace de pouvoir luy venir baifer les

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