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pieds. Il penfoit bien par cette action l'emporter par deffus fes ennemis, & regagner le cœur de fa Majefté. Elle eftoit dans le Palais des femmes où les Eunuques furent chargez de luy porter cet te nouvelle. Le Grand Chambellan & l'Intendant de la Princeffe (ces deux Illuftres & Puiffans Eunuques qu'il avoit offenfez lors que par fes artifices & fes faux rapports, il avoit effayé de les mettre mal l'un contre l'autre ) en voulurent estre les depofitaires ; & prenans leur temps pour jouir de cette vangeance qu'ils luy avoient preparée en leurs cœurs, ils annoncent cette arrivée au Roy avec un estonnement fur leurs vifages qui paroiffoit d'autant plus grand qu'il eftoit plus affecté, ils luy dirent, Qu'ils ne fçavoient pas comment on pouvoit interpreter cette action duGouverneur de Kand-dar, que de venir non feulement fans permission, mais contre

la

la défence expreffe de quitter fon Gouvernement jufqu'à nouvel ordre, ne pouvoit eftre qu'un mépris tres-crimi nel de fa Majefté, & une manifefte rebellion, que depuis que l'Empire des Perfes avoit commencé, il ne s'eftoit point encore trouvé de Gouverneur affez hardy pour abandonner fon Gouvernemet, & venir de fon chef & felon fon caprice trouver le Roy. Enfin ils reprefenterent cette action fi noire au Prince, qu'il envoya ordre au Gouverneur de Kand-dar de s'aller rendre entre les mains de Ogourlou kaangrand Portier, & à celui-cy de le mettre au Krondouchaké dans le collier ou carquan; c'est une petite machine de bois qui enferme le col, & qui retient le bras droit à la ceinture du prifonnier; en forte qu'il eft impoffible qu'il s'en ferve: C'eft de cette maniere qu'on s'assure de la perfonne des Grands qu'on eftime criminels.

Celuy-cy fut trois jours reffer

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ré de la forte dans la maison de ce Capitaine de la porte Royale. Dans tout ce temps le pauvre Gouverneur conjuroit le ciel & la terre, demandoit à Dieu & aux hommes qu'il luy fuft permis de voir feulement le Roy, affeurant que d'une fimple parole il fe faifoit fort d'accabler ceux qui avoient entrepris de le ruiner. Ceux-cy avoient la mefme penfée, & redoutoient terriblement que cela ne luy fuft permis. C'eft pourquoy ils firent tous leurs efforts pour l'en empefcher, & ils chercherent tous les moyens qui pouvoient augmenter la colere que fa Majefté avoit conçeuë contre luy Comme ce Gouverneur croioit que c'eftoit un coup d'eftat, qu'il luy fuft permis de baifer les pieds du Roy, fes ennemis jugeoient de la mefme forte, que c'eftoit un coup d'estat pour eux d'empefcher que cét honneur ne luy fuft accordé.

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Le grand Portier cependant gagné par les prieres du Gouverneur le troifiéme jour de fa prifon le conduit avec le carquan de bois dont nous avons parlé devant le grand portail du Palais qui donne fur la place royale, & là le laiffe entre les mains de fes gens & vient dire à sa Majefté, Que le Gouverneur de Kand-dar l'avoit comme forcé par fes prieres de l'emmener à la porte du Roy, que ce pauvre Seigneur eftoit là, attendant la grace d'eftre receu à baifer les pieds de fa Majesté. Les ennemis de ce miferable qui n'eftoient pas en pe tit nombre auprés du Roy commencerent à l'accufer, & prirent davantage de hardieffe lors qu'ils apperceurent qu'elle ne témoi gnoit pas d'averfion pour l'écouter fur cette matiere. Chacun d'eux rapporta ce qu'il fçavoit de plus criminel, mais fur tout fon predeceffeur au gouvernement de Kand-dar, qui le jour prece

dent & celuy-cy avoit fait prefenter trois cens requestes & davantage contre luy par des perfonnes de la Province qui demandoient juftice.

La partie eftoit trop forte,aprés une demie heure de déliberation, le Roy commanda au grand Por tier de luy aller fendre l'eftomac. Ce Seigneur court l'executer, & d'auffi loin qu'il voit la porte il crie Vour,c'est à dire frape,ce ter-, me eft le signal de la mort, à l'instant le plus proche Officier qui l'entendit donne à ce malheureux un coup de pied dans l'eftomac, & le jetre hors du portail dans la place royale, là de fon efpée il luy donne à costé du col deux grands coups, & comme il ne luy avoit point encore abatula tefte, un autre tira fon poignard & luy, en donna au deffous des coftes

dans le petit ventre, il mourut ainfi noyé dans fon fang, dont il verfa une quantité prodigieufe,

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