parce qu'il eftoit fort replet.

Dans le milieu de la Place royale & vis à vis du grand portail du Palais on a planté un grad maft d'une hauteur extraordinaire, à la cime duquel dans les feftes & les réjoüiffances publiques, l'on place une coupe d'or qui doit estre le prix de celuy d'entre les Cavaliers qui à la course a l'adreffe de l'abatre à coups de fléches, on pofa fur la pointe de ce grand maft par ordre de fa Majefté la tefte de ce Seigneur; Les Perfes qui paffoient par là difoient que c'eftoit afin que de fi haut fa langue médifante ne puft plus femer de divorse & de diffen

tion.

Voilà quelle fut la fin de Gemchid-kaan, qui n'eftoit pas digne d'un meilleur fort, il ne fuft regretté de perfonne, ou pour mieux dire, il ne fe trouva perfonne qui ne le chargeaft de maledictios,fon corps fut deux jours

dans la place publique avant que fa Majefté donnaît permiffion de l'inhumer. Il eftoit de belle taille, il avoit un air grand, & le port d'un homme de qualité, fon visage eftoit tres-agreable & tres - engageant à l'abord, un grand courage & une liberalité magnifique accompagnoient ces dehors, & rendoient fa perfonne recommandable; il n'y avoit que ces deux qualitez de fon ame qui fuffent bonnes, les autres avoient autant de noirceur & de venin que celles-cy avoient d'éclat.

Quatre jours aprés cette execution la Patente du Gouvernement de Kand-dar fut envoyée à Mahammed-kouli kaan c'est à dire le Seigneur efclave de Mahammed. Ce Seigneur eftoit depuis treize ans prifonnier relegué à Casbin par Habas fecond, nous l'avons dit en fon lieu, mais nous n'en avons pas rapporté la veritable caufe, pource que nous ne la

fçavions pas alors; La voicy. Habas fecond eftant un jour forty avec les femmes, ce Seigneur fe trouva engagé fans y penfer dans l'efpace qui eft interdit aux hommes, ceux qui ont le foin du Kourouk ou prohibition, l'ayant apperçeu courrurent furluy & le mal-traiterent à coups de bafton. Quelques jours enfuite dés qu'il puft marcher, il s'en va au Palais où le Roy eftoit affis dans l'affemblée publique, & là prenant sa Majefté à partie avec une mine refolue, il luy dit. Si je ne te voyois cette aigrette fur la tefte & la deference que te rendent tous ces Grands, je ne te tiendrois pour rien moins que pour le Roy de Perfe? Par le nom de Dieu as-tu pas bonne grace de courir. ces montagnes avec une bande de femmes tandis que tu fais donner des coups de bafton aux Seigneurs de ton, Royaume. Sa Majefté entendit tout ce difcours fans témoigner beaucoup d'émotion elle fe con

tenta de commander froidement qu'on luy donnast de nouveaux coups de bafton outre ceux dot il fe plaignoit. Ce genereux courage perdant patience; tire fon épée & la jette à terre aux pieds du Roi en luy difant brufquement ces paroles? Qu'on me donne de nouveaux coups de bafton, voila mon efpée pour me punir, vostre Majesté peut faire de moy ce qu'il luy plaira, & me faire chaftier par tels fupplices qu'elle trouvera le plus à fon gré; mais fi un homme de ma qualité eft traité du bafton, que doit donc attendre un pauvre Kefil-Bach (on appelle ainfi les foldats de la milice Perfane). Le Monarque prit plaifir à cette genereuse repartie, il ne le condamna point à la mort, qu'il meritoit felon les loix du Royaume, ny aux bastonades, & il fe contenta de le releguer à Casbin.

Il fut agreablement furpris de la Patente du Gouvernement qui

luy

luy fut envoyée, qui ne luy ren doit pas feulement fa liberté,mais à mesme temps le faisoit entrer dans un des plus importans emplois de cét Eftat. Je ne fçay ce que l'on doit penfer de cette politique, qui va chercher dans les fers un fujet de merite pour l'élever aprés treize ans de prison à un poste tres considerable, & luy commettre une place & une Province qu'on peut dire la clef du Royaume de ce cofté-là. Il faut bien que ce Roy ait une forte asfeurance de la fidelité des fiens car il n'y a pas de doute que fi un Gouverneur de Kand-dar vouloit appeller l'Indien, & luy vendre cette place qu'il en tireroit plufieurs millions, & qu'il obtiendroit les plus hautes charges de fonEmpire,come l'on en a veu un exemple du temps de Sefie pre

mier.

Tandis que ces revolutions se paffoient à la Cour de Perse, Оо