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partie) cét Envoyé presenta des Lettres de la part de son Maistre au Roy de Perse qui portoient, qu'ayant appris qu'un nombre de Cofaques fes Sujets avoient quitté leurs terres pour fe fouftraire de fon obeif fance, & qu'ils vouloient fe refugier en Perfe; il prioit fa Majefté de ne les pas recevoir, & de n'ajouter aucune foy à toutes leurs propofitions; que c'eftoient des Rebelles & des Fugitifs qui ne garderoient fidelité à perfonne puis qu'ils ne la gardoient pas à leur Prince naturel; qu'il difpofoit des Troupes pour les reduire à la raifon & les mettre dans le devoir. Mais fi ce Prince exhortoit les Perfes de ne se fier pas à ces Cofaques, ils eftoient affez perfuadez qu'ils ne devoient pas non plus fe fier à luy, parce qu'on a toûjours creu en cette Cour là qu'il eftoit d'intelligence avec ces Volleurs. Et la raifon furquoy cette creance eftoit fondée avoit affez d'apparence. Car comment

eft-il poffible difoient les Politiques que des fugitifs au nombre de cinq à fix mille viennent dans un païs avec quarante Barques & quatre-vingts pieces d'Artillerie, pourveus de toutes fottes de munitions & de guerre & de bouche; & que d'abord ils se jettent à main armée sur nos terres, n'eft-il pas aifé de voir que c'eft le Grand Duc de Mofcovie qui les envoye pour se venger des affrons qu'il se perfuade que fes Ambassadeurs

ont receus?

Si l'Envoyé du Grand Duc de Mofcoviene perfuada pas la Cour de Perse en faveur de fon Maistre l'Envoyé du Pacha de Bas-ra ne la perfuada guere mieux en faveur du fien. Il a efté dit comment ce Pacha avoit fait un accommodement l'an paffé avec les Generaux de l'armée Ottomane, & qu'il avoit envoyé fon gendre à Conftantinople pour en obtenir la ratification; Lors qu'il y fut les

Miniftres de la Porte luy répondirent que le General d'armée avoit traité avec ce Pacha de Bas-ra fans leur ordre, & qu'ils ne vouloient point entendre parler de cét accord, qu'abfolument il falloit que la place fuft remise entre les mains du Grand Seigneur. Surquoy ils offrirent à ce gendre du Pacha,s'il vouloit contribuer à la prise de cette place de l'en faire Gouverneur ou Pacha, & fçeurent fi bien le manier qu'à la fin il y confentit, & promit de les en rendre Maistres. Ces Miniftres enfuite dépefchent aux mesmes Generaux Turcs qui l'année precedente avoient receu ordre d'armer, & leur mandent de retourner affieger Bas-ra font une rude reprimande à celuy de Babylone pour avoir traité fi; mollement cette affaire; que cét accommodement pretendu alloit au dommage & à la honte de l'Empire, qu'il reparaft cette

faute, qu'on l'établiffoit tout de nouveau General, à condition qu'il prendroit la Ville, ou qu'il l'obligeroit à fe rendre. Et quand il l'auroit en fon pouvoir il en conftituaft Gouverneur Hiahia Pacha gendre de celuy qui l'étoit pour lors.

Le Pacha de Bas-ra lors qu'il aprit ces nouvelles demeura fort étonné de la trahifon de fon gendre, & fe mit à chercher les moyens qui pourroient détourner ce terrible orage dont il étoit menacé. C'est pourquoy au printemps voyant les armées Turquefques qui fe preparoient pour venir fondre fur luy au mois de Septembre & d'Octobre ( car les chaleurs en ce climat ne permettent pas de faire la guerre plûtoft) envoye par avance offrir fa place au Roy de Perfe à telles conditions que l'on voudroit, pourveu qu'il y demeurast Maître fa vie durant. Ceux du Con

feil connoiffoient affez l'importance de cette place, ils voyoient les incommoditez que la Perse en recevroit fi elle tomboit une fois entre les mains du Turc, & l'avantage que ce leur feroit d'en eftre les Maiftres. En un autre temps & fous un autre Prince ils euffent embraffé tres-volontiers le party qu'on leur presentoit, mais ils craignirent d'irriter cet efpouventail de l'Univers, la terreur panique de toute la Terre, dans la foibleffe où l'Eftat fe trouvoit alors fous un Prince amolly par ces delices & que fon âge auffi bien que fon humeur rendoit incapable de grandes entreprises. C'est pourquoy l'on ne donna point de réponse pofitive à cét Envoyé de Bas-ra; on le remettoit de jour à autre, on l'affluroit qu'on penseroit à luy, & tout cela pour gagner temps, parce qu'on ne vouloit pas luy dire, nous n'ofons ny ne pouvons rien faire.

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