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funt n'avoit point laiffé de fils pour rendre à fa Majefté un fervice plus particulier & plus ordinaire, il quittoit volontiers fa Charge de General des Moufquetaires, & avec elle le droict de s'affeoir devant fa Majefté dans les affemblées publiques, & qu'il s'eftimeroit plus heureux d'eftre employé à garder la porte du Palais des femmes. Le Roy qui pour les raifons que nous avons dites confervoit encores quelque forte d'affection pour luy, luy accorda fa requefte. Voilà comme il s'est mis à la faveur de cette Porte à l'abry de la tempefte qui le menaçoit, & comme il s'eft delivré des intrigues de la Cour.

Ce Seigneur là eftoit celuy qu'Habas fecond avoit envoyé en Ambassade à Aureng-Zeb Roy des Indes, aprés qu'il fe fut rendu paiffible poffeffeur de cét Empire. Nous avons dit en fon lieu de la maniere qu'il s'en acquita, &

le celebre Monfieur Bernier qui eftoit à la Cour du Mogol, lors que cét Ambaffadeur y parut, en parle affez pour contenter la curiofité du Lecteur dans les ouvrages qu'il vient de donner au public avec un applaudiffement general.

On rappella auffi-toft CheikHali-Kaan de la guerre contre les Yus-Beks,où il eftoit General pour luy donner cette charge de General des Moufquetaires dont il eftoit tres digne, auffi bien que de toutes les autres où il a esté élevé depuis, C'est un homme de cœur & tres excellent Capitaine, l'un des vieux braves qui rendirent le regne du grand Habas fi glorieux & fi triomphant. Son Gouvernement de Chaldée fut à mefme temps donné à l'un de fes fils Soleimaan-Kaan qui eft un Seigneur de merite & de courage, bien digne de fon illuftre pere.

La foudre de la difgrace Royale alla enfuite tomber fur MirzaSadek, lequel nom Sadek chez les Orientaux fignifie juste, & eft le mefme que Sadoc chez les Hebreux, il eftoit frere de MirzaIbrahim, dont il a esté déja parlé, & pire encore que luy, Vazier ou Fermier Royal de Fars qui eft l'ancienne Perfide. Les plaintes de Chiras l'ont enfin graces à Dieu tiré de fon employ ; il y avoit plufieurs années que l'on demandoit au Ciel fa cheute avec des vœux ardens mais on ne l'obtenoit point, on crioit contre fes voleries, il venoit en foule des Requeftes contre luy à la Cour, fes prefens & fes belles Lettres rendoient vains tous ces efforts: Mefme l'un des principaux Subjets de l'Ambaffade des Hollandois en l'an 1666. eftoit pour fe plaindre de ses vexations, & de l'empefchement qu'il donnoit à leur negoce, Tout le monde

croyoit

croyoit que ce coup luy alloit faire tomber la tefte, mais il le para avec l'ayde d'une fœur qu'il auoit dans le Palais des femmes; il en fut quitte pour une rigoureuse reprimende qu'on luy envoya dans une Patente dont les Hollandois furent eux-mesmes les porteurs. Enfin cette année tant de nouvelles plaintes s'éleverent, qu'il n'y eut plus de remede, & les presens n'y purent rien: il en envoya encore pour quelque cent mille écus, mais on les prit fans toutefois l'épargner. Il fut chaffé de fon employ, & tous fes biens confifquez. On croyoit à la Cour qu'ils fe monteroient à plufieurs millions, mais on fut bien étonné de voir que le compte n'alloit qu'à un million qui avoit efté trouvé chez luy, fçavoir dans fes coffres, neuf mille cinq cens Tomans en argent blanc; quatre cens cinquante Tomans en ducats d'or, huit mille

en hardes, meubles, chevaux, étoffes, marchandises , provifions, & autres chofes femblables qui n'étoient pas de fon fervice ordinaire : dans les coffres de fon Sur-Intendant, deux mille Tomans en argent blanc, & deux cens cinquante en ducats d'or, faifant le tout la fomme de noftre monnoye que nous avons dite.

Ce Seigneur prévoyoit dés long-temps ce qui luy étoit arrivé alors, c'eft pourquoy il avoit mis à couvert fes pierreries, ce qu'il avoit de plus precieux, & la plufpart de fon argent comptant: il avoit laiffé feulement cette fomme chez luy pour ébloüir les yeux, & faire à croire à la Cour que c'étoit là tout fon bien; mais perfonne ne se le pût imaginer, & fa Majefté envoya dans toutes les Places du Gouvernement de ce Seigneur, un ordre preffant qu'on eût à chercher ce qui pouvoit estre à luy, & qu'on publiât

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