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SOLEIMAAN.

TROISIE ME DU NOM, deux cens trente-quatrième Roy de Perfe.

ELLE fut la mort d'Habas fecond, de glorieuse memoire, dont la perte peut eftre confidérée comme un châtiment du Ciel fur ce puiffant Empire qu'il a toûjours si sagement gouverné ; & comme le malheur de plufieurs millions d'hommes qui vivoient fous fa domination. Les Perfes ne parA

lent jamais de luy que comme d'un Prince magnanime, duquel le courage & la bonne conduite avoient déja beaucoup contribué au rétabliffement de leur pays, & qu'il euft remis fans doute dans fon ancienne fplendeur, & dans une entiere profperité, fi fa vie euft efté plus longue: En effet ils avoient raifon de fe promettre qu'il rendroit l'une & l'autre inébranlables & univerfelles, puifque fes heroïques vertus luy avoient fait conquerir aux derniers confins de ce Royaume avant l'âge de dix-neuf ans la ville de Kand-dar, & toute la Province qui porte le mefme nom fur un ennemy auffi puiffant que le Roy des Indes, & la luy avoient fait défendre depuis contre toutes fes forces affemblées pour la reprendre. Ce fut auffi par elles qu'il fut craint & refpecté de fes puiffans voifins le grand Duc de Mofcovie, le Mo..

narque des Tartares, l'Empereur des Turcs, & le Roy de l'Inde mefme, qui aprés le mauvais fuccés dont nous venons de parler, n'oza l'attaquer ny rien entreprendre contre luy. Par ces mef mes vertus il travailloit puiffamment, lors mefme qu'il fut furpris de la mort, à estendre confiderablement les limites de fon Eftat entre le Septentrion & l'Orient: Et les grands preparatifs qu'il avoit faits pour cela, donnoient fujet à tout le monde de croire que ce deffein réüffiroit infailliblement. Les Chreftiens, qui avoient le bonheur d'eftre fes fujets, le pleurent aujourd'huy feeretement comme s'il euft efté non pas feulement leur Roy mais leur Pere; car fa justice & fa bonté ne fouffrirent jamais qu'on leur fift aucune violence , ny qu'on les inquietaft pour leur Religion, dont l'exercice leur fuft confervé affez librement

pendant fon Regne, par la connoiffance qu'on avoit par tout que ces deux Royales vertus cftoient immuables en luy: C'eft, ce qui empefcha toûjours la fureur des impies & cruels Mahometans, de troubler le repos de leur vie & de leur fortune. Et c'est ce qui fait auffi que les Eftrangers confervent & conferveront toûjours le regret de fa perte & la memoire de fes rares qualitez, puifque par fon affabilité & fa liberalité il les attiroit dans fa Cour & dans les Villes de fon obeïffance, & employoit à l'achat des precieuses marchandifes qu'ils apportoient une partie de ce qu'il tiroit de fes fujets, payant noblement & de bonne grace ce qu'il defiroit d'avoir.

En finiffant le recit de la vie de ce grand Roy, nous avons fair. entendre que la caufe de fa mort. fut cette fâcheufe maladie deshonnefte à nommer, & encore.

plus deshonneste à avoir, & qui malgré tous les efforts que l'on fait pour la cacher, fe montre jufques fur le front de ceux qui en font malades, & publie hon. teusement la vilaine frequentation qu'ils ont eue avec des femmes impudiques. Nous avons dit auffi que cette mort arriva à une maison de plaifance que ce Roy avoit dans la Province de TeberEftoon à deux lieuës de Damagaan ville ancienne & affez grande, qui eft au quatrième Climat, & dont les Geographies Perfiennes mettent la longitude à 78. degrez 15. minuttes, & la latitude 37. degrez 20. minuttes, à 1z. journées de la Capitale de l'Empire, & à neuf journées de la mer Cafpie. Plufieurs payfans s'eftans venus habituer à l'entour de cette maison de plaifance, il s'y eft formé peu à peu un village que les Perfes ont nommé Kofroëabaad, c'eft à dire, l'habitation

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