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fervées, que pour celles que nous allons marquer; & qui font dire qu'il y a une puiffance fupérieure qui fe mefle fouverainement dans les affaires humaines, qui fe rend maiftreffe des évenemens, & qui fait réüffir les chofes bien fouvent contre noftre attente; com. me il arriva icy, où Sefie fut élû malgré le complot des perfonnes intereffées, & les difpofitions favorables qu'ils avoient données à leurs entreprises.

Cet Eunuque, qui rompit tou tes les mesures qu'avoient prifes Céréseigneurs, fu Aga Mubarek fort confideré en cette Cour-là, comme nous l'avons marqué, auquel l'éducation du fecond fils du Monarque avoit efté commise. Il eftoit, dis-je, le Gouverneur de Hamzeh Mir-za, celuy que les Grands vouloient élever fur le trône, & par consequent il devoit plus qu'aucun autre appuyer leurs fuffrages, puis qu'apparem

ment la grandeur de fon illustre Nourriçon alloit augmenter infiniment fon crédit, & luy préfentoit une fortune la plus éclatante qu'un homme de fa condition pouvoit efperer.

Cependant l'amour de la juftice prevalut dans fon ame; & ce fut avec horreur qu'il entendit la propofition qu'avoit faite le premier Miniftre de preferer le ca det à l'aifné, qui s'augmenta à mefure que les autres du Confeil y prestoient leur confentement. Surquoy il prit une refolution digne de cette ancienne & conf. tante fidelité dont l'on a toûjours vanté les Eunuques. Il crût qu'il y alloit de fon devoir d'empef cher ce defordre autant qu'il pourroit;& qu'encore qu'il n'euft pas droit de parler en cette affemblée, il luy eftoit permis de violer ce droit qui n'eftoit que pure ceremonie pour remettre dans le bon chemin ceux qui vio

de

loient une Loy que la nature fem. bloit avoir établie & que la Religion favorifoit.

Il attendit neanmoins que tout le monde euft parlé, tant parce qu'il devoit cette déference au Seigneurs qui tenoient rang au deffus de luy, que parce qu'il efperoir toujours que quelqu'un d'eux plus éclairé, ou mieux in. tentionné que les autres, propoferoit des fentimens plus legitimes & le delivreroit de l'embaras où une rencontre fi fâcheufe l'al loit engager Mais lors qu'il vit que tous d'une voix ils avoient conclu à l'élection du cadet au prejudice de l'aifné, fur des pretextes qui, quelques fpecieux qu'ils fuffent, paroiffoient affectés, & fur des conjectures trop foibles au fonds pour eftre affez confiderables dans une fi grande affaire; d'un ton de voix qui fans perdre le refpect avoit beaucoup de vigueur, il leur parla en ces

termes:

Cette propofition que vous venez de faire, Princes, Seigneurs des Seigneurs, d'exclure de la Couronne Sefie, fils aifné d'Habas fecond, à qui elle appartient legitimement, & de mettre en fa place le cadet Hamzeh Mir-za, choque trop visiblement la justice & les loix de l'Envoyé éleu, pour croire que vous vous y foyez portez par quelque éblouiffement qui vous ait furpris. l'oferois bien vous affeurer que nul des motifs qui ont efté alleguez n'eft eftimé affez puissant de pas un de vous. Non? le pretexte que vous avez emprunté pour élire Hamzeh Mir-za n'eft pas rai fonnable. Le veritable fujet qui vous y porte, fi vous voulez que je vous le die, encore que vous le fçachiez aussi bien que moy, c'est le defir que vous avez de gouverner la Perfe & longtemps & à voftre gré: C'est pour cela que vous voulez élire un enfant, fous la minorité duquel tout vous fera permis, & vous pourrez exercer une puiffance abfoluë: car ce que l'on al

legue du Prince aifné, que fans doute il eft privé de la vie ou de la veuë, ne peut passer pour autre chofe que pour une pure illufion: Si cela eftoit, n'en aurois-je rien appris, moy qui depuis le départ du Roy de la capitale ay toûjours fceu precifement tout ce qui s'eft paẞé dans le Palais des femmes; qui l'ay toûjours fuivy par tout, & qui ay outre cela la conduite du jeune Prince. Si cet Eunuque qui fut envoyé en pofte il n'y a pas longtemps à Ifpahan euft eu des ordres fecrets contre Sefie Mir-za, dans le deffein de le rendre incapable de fucceder à l'Empire, n'en aurois-je rien découvert ; & le feu Roy n'euft-il pas changé quelque chofe à la condition de fon fecond fils, qu'il euft defigné en ce cas là pour monter fur le trône aprés luy? N'euft-il pas augmenté fon appanage & fon éclat ; me l'euftil celé à moy & à la Lumiere des femmes, à la Duchesse, dis-je, mere du jeune Prince? Et quand il me l'auroit voulu celer, ne m'auroit-il pas

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