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gnift qu'à fon defaut quelqu'au tre prift la parole, ce qui l'euft rendu criminel, puis qu'il luy ap partenoit de parler le premier, & qu'il le venoit de faire lors qu'il avoit opiné fi-fort au defavantage de Sefie Mir-za. Ce premier Miniftre, dis-je, rompit le filence, & commença à dire; que veritablement fur l'affurance infail lible que l'on auroit, que le fils aifné d'Habas II. ne feroit plus en eftat de recevoir la Couronne, l'Affemblée pourroit fans injustice paffer à l'élection du fecond fils: Mais puifque maintenant Aga-Mubarik les affiroit fortement que Sefie Mir-za n'avoit perdu ni la vie ni la veuë, fans déliberer davantage il le falloit élire. C'est pourquoy il luy donnoit de tout fon cœur fa voix & fes vœux, & proteftoit qu'il falloit tout de ce pas luy aller prefenter le Diademe & l'Empire.

Les autres Seigneurs à ces paroles perdirent courage, & n'eu

rent plus la force de foûtenir bien ce qu'ils avoient commencé mal. La condition de ces Seigneurs les rend naturellement timides; tout illuftres & tout Prin. ces qu'ils paroiffent, ils ne font en effet que des esclaves: leur vie, leur liberté, leur honneur, & leurs biens dépendent abfolument du Souverain: ainfi, bien loin qu'aucun d'eux vouluft tenir ferme fur fon premier fentiment, ils fe hafterent à l'envy l'un de l'autre de fe retra&ter; & diffimulans leur mécontentement, ils arrefterent tous d'une voix, qu'attendu que l'aifné fe trouvoit en eftat de recevoir la Couronne qui luy appartenoit par la Loy, il falloit fans delay l'aller tirer du Palais de la grandeur, pour le porter fur le trone. Voilà comme Sefie Mir-za fut élû Monarque des Perfes contre la volonté de ceux-mefmes qui luy donnoient leurs fuffrages.

Le premier Miniftre ajoûta,

qu'aprés l'heureuse élection d'un Roy il falloit fur le champ paffer à une feconde, & nommer une perfonne d'entre les Grands du Royaume, qui allaft en toute diligence à Ipahan pour tirer le Prince du Palais où il eftoit en. fermé, l'installer fur le trône avec les ceremonies accoûtumées, & le faire reconnoiftre Maistre souverain de l'Empire des Perses. Bien que cette nomination ne fuft pas de l'importance de l'élec、 tion du Prince, elle ne laiffa pas de donner quelque peine à ces Seigneurs : ils ne s'aimoient pas

fort fincerement l'un l'autre à la maniere des Courtifans, chacun avoit fes égards particuliers, &. obfervoit fon compagnon: Il falloit cependant que celuy qui feroit choifi fuft tiré de leur compagnie, parce que pour lors il n'y en avoit point à la Cour d'une plus haute qualité, & que ceux qui feroient d'une moindre n'eus

la

fent pû pretendre à cet honneur: Et comme ils jugeoient que perfonne à qui cette charge seroit commife gagneroit apparemment un grand afcendant fur l'efprit du Monarque, puifque dans la joye que luy apporteroit un fi agreable meffager, il luy donneroit une grande part dans son affection, leur pensée eftoit de jetter les yeux fur quelqu'un des moins mal intentionnez, fi l'on ne pouvoit en trouver un tout à fait fincere: car que n'oferoit pas un fourbe avec de fi grands avantages; & quelle impreffion ne feroit-il pas fur une ame, s'il faut dire ainfi, encore toute neuve, & qui dans un bas âge n'auroit aucune experience des choses du monde.

Ainfi chacun de ces Seigneurs en particulier regardoit à nommer celuy de leur compagnie qui feroit le moins méchant, & qui s'il n'avoit pas la volonté de leur

faire du bien, ne l'euft pas non plus de leur faire du mal. Le premicr Miniftre & le Sur - Intendant, qui dans la plume eftoient les feuls qui tenoient affez de rang pour estre commis à cette haute deputation, n'y pouvoient pretendre, parce que dans cette conjoncture leur presence eftoit abfolument neceffaire à la Cour. Celle du premier pour continuer à l'ordinaire les expeditions, faire les dépefches & donner les audiences fur les affaires d'Eftat, outre cela pescher par fa prefence le trouble que pourroit exciter la nouvelle de la mort d'Habas, fi elle venoit par quelque accident à eftre divulguée avant le temps, joint que fi ce Miniftre s'éloignoit, luy qui ne part jamais d'auprés du Prince, on jugeroit auffi toft qu'il n'y auroit plus de Roy. Il n'eftoit pas moins impoffible au Sur-Intendant, &

pour em

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