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lan fut le premier qui le découvrit: & il en prit l'occasion un jour qu'Aga Mubarek l'avoit falué à la rencontre avec des paro. les de compliment ordinaires. Ce grand Chambellan luy repartit froidement : Voila une langue qui me donne le falut à l'oreille, & la mort au cœur. Et là deffus le tirant à quartier ? Quels mauvais offices, luy dit-il, vous ay-je rendus pour vouloir procurer ma mort, me rendant odieux au Prince comme vous faites tous les jours ; ce qui me confolle, c'est que vous ne ferez pas fi heureux dans votre entreprise que vous pensez, Aga Mubarek voyant par là la porte ouverte à l'éclairciffement qu'il defiroit luy repliqua: Ce n'est pas à vous, mais c'eft à moy à me plaindre. Carn'est-ce pas vous qui avez tenu au Roy tels &tels difcours fur mon fujet, qui eftoient capables de me faire perdre la vie fi fa Majesté y euft adjoûté foy,maïs Dieu mercy l'on n'a pas voulu vous croire.

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Ces deux Seigneurs se trouverent bien étonnez d'avoir à se faire tous deux le mefme reproche, ils continuerent à confronter leurs plaintes, & cét examen leur découvrit à la fin que ce n'étoit qu'un Roman, mais un Roman pernicieux, que le General des Efclaves avoit compofé pour les mettre mal ensemble, & pour profiter de leur mef-intelligence. Cependant comme ce noir artifice n'avoit point eu tout fon effet, & qu'il ne leur avoit pas fait beaucoup de mal; ils diffimulerent pour l'heure, & ne s'en plaignirent point; ils se refolurent d'attendre quelqu'autre occafion de fe venger, & ils fe promettoient bien qu'elle ne leur échapperoit pas quand elle fe prefenteroit. Ces Eunuques font fort adroits en ces fourdes pratiques, & il n'y en a point qui fçachent fi bien conduire une vengeance par des chemins couverts, & la fai

re esclater à l'impourveu; Auffi n'ont-ils pas manqué de rendre en fon temps la pareille à ce méchant homme, comme il fera dit en fon lieu ; Car ce font eux,comme on le tient, qui ont le plus contribué à fa disgrace & à fa

mort.

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Dés que le General des Efclaves eut receu fa commiffion pour le gouvernemet de Kand-daar, & pour foûtenir la guerre contre les Indiens, il commença à lever des foldats à 1pahan, aufquels il faifoit faire tous les jours l'exercice, avec autant d'affiduité que s'ils euffent eü l'ennemy à leurs tes; Aprés qu'il en eut levé quatre mille tous braves gens & biens faits; il declara qu'il n'en vouloit point davantage, & que cette re creüe luy fuffifoit ; & il fit fi bien par l'ayde du Generaliffime, que le Roy qu'ils affeuroient toujours que l'armée du Mogol approchoit, luy fit expedier la charge de Ser

daar ou Chef general de Kanddar, & de fes dépendances, & l'établit Gouverneur de la Provin ce & de la Ville du mefme nom, qui eft cette fameuse fortereffe, la clef du Royaume contre les Indiens Elle eft affife fur trois éminences qui fe deffendent l'une l'autre; les Perfes l'eftiment imprenable, & ont accoûtumé de dire en Proverbe ? Qui prendra l'habitation de la feurete, faifant allufion au nom de Kand-daar. qui fignifie cela mesme.

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Avant que ce Seigneur partit, il obtint de fa Majesté qu'il fust permis à fon frere Phereidon-Bek, de faire la charge de General des Efclaves comme Lieutenant, jusques à ce que fon fils auquel le Prince en avoit accordé la furvi vance, fuft en âge de l'exercer; Et non content de cela, il obtint encore un commandement du Roy, par lequel fa Majesté luy permettoit de venir à la Cour quand il

luy plairoit, fans en demander d'autre permiffion. Gemchid-Kaan avec toutes ces graces partit fort contant, s'imaginant s'eftre habillement débarraffé des broüilleries que fa mauvaise conduite luy avoit suscitées à la Cour.

Quelques jours après que ce Seigneur fuft party, on ne parla plus de la guerre, & l'on apprit au contraire qu'il n'y en auroit point. Il couroit un bruit qu'Aureng-Zeb ayant appris qu'Habas eftoit mort, & que celuy qui tenoit le fceptre en fa place,n'eftoit qu'un jeune homme, dédaignoit de fe mesurer avec luy, L'Indien fans doute pour mettre fon honneur à couvert avoit inventé cette rodemontade qui euft efté bon ne du temps des Ruftans qui font les Amadis de Perfe, où l'on ne donnoit des combats que pour la gloire. Aujourd'huy les Monarques ne combattent point d'homme à homme,ny dans un duel parE e iij

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