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avance que sept membres de la première commission et quatre de la seconde l'ont déclarée telle qu'elle était ici proposée, inconstitutionnelle, vrai simulacre de représentation comme celle du gouvernement impérial dont le résultat serait de faire toujours tomber les choix sur les candidats de la minorité... Aussi l'orateur déclare qu'il n'admet à ce projet aucun amendement.

«La loi qui proclame les quatre cinquièmes des électeurs de France inhabiles ✦ à exercer leurs droits constitutionnels, et qui renouvelle chaque année l'outrage de la minorité contre la majorité, n'était pas susceptible d'être amendéc. Il faut la rejeter tout entière cette loi de mensonge. La proposition en a été surprise au Roi; car le Roi qui nous a donné le gouvernement représentatif ne peut pas vouloir le fausser et le détruire.

Et savez-vous, Messieurs, ce qui sera tenté, ce qui arrivera à l'époque très-prochaine où une faction, ayant obtenu la majorité dans cette chambre, disposera, sans encombre et sans partage, des ministères, du trésor, de la force armée ? Croyez-vous qu'aucun droit acquis sera sacré pour ceux qui ont des biens ou au moins de copieuses indemnités à recouvrer et une existence politique à rebâtir? Croyez-vous que ce seront les sages d'entre eux qui gouverneront les autres? Voulussent-ils aujourd'hui seulement la domination, ils seront conduits à vouloir la contre-révolution demain. Un moment arrive où il n'y a plus de halte possible sur le chemin des abimes.

« Mais, il faut le dire aux hommes timides, afin qu'ils n'apprennent pas trop tard à leurs dépens que la peur est une mauvaise conseillère. Si les complots de l'aristocratie sont flagrans, la résistance aussi sera terrible, et le projet de loi lui-même organise cette résistance. Ne voyez-vous pas qu'on ne retranche pas impunément de l'ordre politique les supériorités de fait constatées par les votes des citoyens? Ne voyez-vous pas que l'opinion dès longtemps aigrie, va chaque jour s'aigrissant davantage? Ne voyez-vous pas qu'on tend à opposer les colléges d'arrondissement aux colléges de département, les candidats de la majorité aux élus de la minorité, les hommes nationaux aux hommes du privilége? Deux nations, deux camps, deux bannières, voilà ce que vous donne le projet de loi.

« Arrêtons-nous, Messieurs, quand il en est temps encore. Nous qui ne voulons d'autre charte que la charte, ni d'autre roi que le Roi, arrêtons-nous pour sauver et le Roi et la charte. Gardons, notre loi électorale que le peuple a adoptée avec passion. Mettons nos autres institutions en harmonie avec elle. C'est dans l'organisation des communes, dans l'assimilation des administrations départementales aux formes représentatives que les notabilités personnelles ou héritées, les bonnes renommées et toutes les influences légitimes trouveront leurs places, et c'est là que les suffrages populaires iront les prendre pour les porter à la direction du corps social. Mais malheur à vous, malheur au pays, si, rebelles aux arrêts du destin, vous entreprenez de placer la puissance politique ailleurs qu'où se trouvent la puissance morale et la force matérielle. Adosser le trône à l'aristocratie, c'est com

mencer une révolution, irriter le peuple; c'est trahir à la fois et le peuple

et le trône. »

M. de la Bourdonnaye, succédant au général Foy, après quelques considérations générales sur la loi des élections, qu'il regarde aussi comme la garantie de toutes les autres et du gouvernement représentatif lui-même, expose que l'esprit d'une bonne loi d'élections doit être de donner l'influence des suffrages aux hommes intéressés, non-seulement au maintien de l'ordre, mais à la stabilité du gouvernement, c'est-à-dire, à la conservation des pouvoirs de la société garantie de la liberté publique comme des libertés privées et de l'usage légitime de ces pouvoirs. Après d'autres considérations sur la charte et le principe de la légitimité « qu'elle n'avait pas besoin de consacrer par des dispositions écrites, » M. de Ja Bourdonnaye regrette que les rédacteurs de la charte n'aient pas achevé leur ouvrage, qu'ils ne l'aient pas développé par des lois organiques, soustraites comme elle à la discussion des deux chambres.

« De là l'incertitude et la mobilité des systèmes, dit-il; de là le danger continuel de voir détruire par des lois séparées le bienfait de la restauration et de la charte. Les partis se montrent habiles à profiter de cette lacune dan's nos institutions. Ils n'ignorent point comment, à l'aide d'une loi organique, on change facilement la nature des gouvernemens, et ils n'attendent qu'une chambre dévouée pour élever ensuite sur les ruines de la monarchie constitutionnelle, ou le fauteuil modeste d'un nouveau Washington, ou le trône sanglant d'une usurpation militaire. Epouvantée à la vue d'un régicide envoyé comme un principe dans cette enceinte, la véritable opinion publique s'effraie également des principes et des conséquences. Elle a reculé devant une loi d'élections qui, non contente d'avoir envoyé un régicide, fùt capable de lui donner des défenseurs dans cette enceinte.

« Il est nécessaire de la modifier, cette loi, parce que les factions s'agitent pour défendre un mode d'élections qui donne la plus grande influence au dernier degré de la classe des propriétaires; au degré qui est le moins attaché au sol.

« En effet, comment serait-elle attachée au sol, cette portion de la classe électorale qui, ne trouvant pas dans les revenus de ses propriétés de quoi subvenir à ses besoins, et ne demandant point à la culture ses moyens d'exister, abandonne forcément le toit paternel pour chercher des ressources dans une industrie plus ou moins cosmopolite?

Le projet de loi, en restituant à la grande propriété une portion de l'influence que la loi actuelle lui ravit, fait concourir à la nomination des députés appelés à voter l'impôt, ceux qui sont les plus intéressés à le modérer.

Mais il est vicieux en plusieurs points, même comme loi provisoire, en donnant aux colleges d'arrondissement la nomination de tous les candidats: il circonscrit, d'une part, l'action de la grande propriété, et de l'autre, il circonscrit le droit d'élire en lui substituant le seut droit d'exclusion; de manière que, si tous les collèges d'arrondissement s'entendaient pour ne présenter que des hommes dangereux ou incapables, le choix du college de département se réduirait à l'exclusion des candidats les plus factieux: et les plas ineptes.

Nous reconnaissons que la loi ne sera complète et durable que quand la puissance électorale qui repose sur la propriété tout entière, ne sera confiée par elle qu'à un nombre déterminé d'électeurs choisis parmi les plus imposés, dont la liste mobile et accessible à tous ne constitue point un privilége, mais seulement un droit temporaire, puisque ceux qui l'exercent aujourd'hut pourront ne pas l'exercer demain.

< Dailleurs, M. de la Bourdonnaye observant le système politique suivi depuis la restauration, y trouve les racines du mal qui dévore la France, La révolution arrive à grands pas, dit-il, en finissant, et bientôt l'étendard tricolore aura remplacé l'oriflamme.

< Depuis cette loi, un plan d'attaque se suit avec constance contre la dynastie légitime. De grandes ambitions arrêtées dans leurs cours, de grandes espérances déçues, un fanatisme toujours subsistant se sont coalisés; une vaste conspiration s'est formée ; d'abord timide, la conjuration ébranla les fondemens du trône, bientôt elle les détruit. A Lyon, ainsi qu'à Grenoble, terrassée et non pas détruite, elle se relève plus audacieuse que jamais, et menace les vainqueurs. La fidélité est méconnue, elle insulte à la vertu, et se rit de la religion du serment.... Chaque jour vous la voyez renouveler ses tentatives homicides.

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« Retranchée dans la loi des élections comme dans sa dernière forteresse, résolue à vaincre ou à périr, plus la conjuration redouble ses efforts, et plus il nous importe de l'en arracher.

< Ce n'est plus d'une nuance d'opinion qu'il s'agit; la question est : d'éire ou de n'être pas... »

Nous nous sommes étendus sur ces deux discours qui laissaient peu de choses neuves à dire soit aux adversaires, soit aux défenseurs du projet. Nous ne pouvons désormais nous arrêter qu'à ceux que des faits particuliers ou la situation politique des orateurs. recommandent spécialement à l'histoire. Il nous suffit de quelques traits pour caractériser les autres. Ainsi, M. Hernoux (de la Côted'Or) attaque le projet en y signalant plusieurs violations de la charte, les inconvéniens de la candidature, imaginée, dit-il, pour le triomphe de la minorité, c'est-à-dire l'aristocratie.-M. de Castel-Bajac caractérise la loi du 5 février comme « l'instrument de l'opinion qui crée des Louvel;» il demande au ministère « des actes monarchiques, une censure monarchique et des adminis

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« trateurs monarchiques. » M. Français de Nantes insiste sur la nécessité de gouverner dans le sens de la nation, de s'attacher à la partie forte, et d'abandonner cette partie faible « qui consomme « et ne produit pas, qui obscurcit au lieu d'éclairer, qui ne faisant « rien pour personne croit que tout est fait pour elle; qui vit de << souvenirs et d'orgueil et marche à vide dans le vague des folles espérances et des visions insensées.. » Il réprouve un système « qui soumet les destinées de vingt-huit millions d'hommes à la majorité de dix-huit mille, ou, pour parler avec plus de precision, à neuf mille trois cent quatre-vingt-dix privilégiés qui, << ayant une fois compté leurs voix et senti leurs forces dans les élections, resteront maîtres de tout le terrain, congédieront les << ministres, frapperont sur les bancs de cette chambre tout ce qui « aura suivi leurs bannières, asserviront le trône et le peuple, jusqu'à ce que la puissance royale, se relevant et s'appuyant sur « le peuple, comme elle l'a fait en France depuis Louis-le-Gros, « réduise la turbulence de ces grands vassaux de création nouvelle, « et délivre la patrie de leur oppression. » (16 mai.) M. de Bonald montre la nécessité d'introduire l'aristocratie même dans la chambre des députés, sans quoi la chambre des pairs ne pourrait résister au torrent des idées démocratiques;— surtout le danger du morcellement des fortunes qui vont toujours se divisant, et d'une loi qu'il regarde comme un outrage à la royauté et à l'organisation sociale. M. Dumeylet et ensuite M. le Graverend, exposent les contradictions où les ministres sont tombés, en demandant l'abolition d'une loi qu'ils avaient eux-mêmes proposée et défendue. -M. Josse de Beauvoir dénonce les dangers de la monarchie légitime, qu'on a menacée d'une révolution à l'instar de celle de 1688 en Angleterre, et les intrigues pratiquées aux dernières élections. -M. le marquis de Montcalm, s'attache à prouver que l'élection indirecte est aussi-bien dans le principe de la charte que l'élection directe; que l'aristocratie à créer ne peut être féodale, qu'il n'y en aura même point tant que les droits électoraux ne seront point héréditaires.....; observation à laquelle M. Admirauld répond ensuite que le projet de loi lui paraît d'autant plus dangereux qu'il

se rapproche d'une proposition faite récemment à la chambre des pairs, tendant à autoriser l'érection de majorats roturiers, c'està-dire, à créer une noblesse bourgeoise qui, s'emparant des élections, nous donnerait bientôt les bourgs pouris de l'Angleterre. (Proposition de M. le duc de Lévis.)

(17 mai.) Aux objections de l'opposition, M. le comte Siméon opposait les améliorations et la constitutionnalité reconnues du projet. Aux reproches faits sur le changement d'opinion des anciens défenseurs de la loi de 1817, il répondait que des législateurs qui persévereraient dans des mesures ou des lois dont ils apercevraient les mauvais effets ne seraient pas des hommes conséquens, mais des hommes inconsidérés. A ce qu'on a dit des vues secrètes du ministère, que son devoir est de consulter sans cesse les besoins eréés par les circonstances, de marcher dans la voie du milieu lorsque l'exagération est dans tous les partis; que si les esprits sont si agités, ce n'est pas le projet qu'il faut accuser de cette fermentation dont on se fait un moyen après l'avoir excitée; « c'est la chaleur insolite avec laquelle on le combat, dit le ministre, cé sont les appuis qu'on a cherchés au dehors de la chambre. Le public sans doute a intérêt à nos délibérations, il y est attentif. Mais ses impressions se modèlent sur les nôtres, il serait calme si nous l'étions davantage. »

De tous les discours prononcés dans la discussion générale de cette loi, nul ne reçut plus d'éloges et ne subit plus de critiques, nul n'excita plus d'intérêt que celui de M. Royer-Collard, par le talent de l'orateur, par le rang qu'il avait tenu dans les conseils. da Roj avant et depuis la restauration; par la scission éclatante que lui et ses amis avaient faite avec le ministère, long-temps avant la retraite de M. Decazes, et par l'opposition qu'il avait manifestée dans les deux commissions. Sous tous ces rapports il mérite d'être recommandé à l'attention du lecteur. M. RoyerCollard y tire toutes ses objections contre les nouvelles lois présentées, de l'exposition de sa doctrine sur le gouvernement représentatif. Il faut méditer l'une pour bien entendre les autres.

- La nécessité, ministre de la Providence et maîtresse des peuples et des

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