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discours, portant en substance: qu'au mois de mai 1819, au moment même où S. M. venait d'annoncer au parlement la continuation des relations amicales de la Grande-Bretagne avec les autres puissances, le ministre du département des affaires étrangères de France, travaillait à élever, à Buenos-Ayres, un trône destiné au prince de Lucques, neven de Ferdinand VII, à qui on aurait fait épouser une princesse du Brésil, et assuré la banda orientale. Plusieurs grandes puissances européennes, surtout l'Autriche et la Russie ayant, selon quelques rapports, consenti à cet établissement, on n'avait donc à craindre d'opposition que de la part de l'Angleterre, vis-à-vis de laquelle on était convenu de garder le plus profond secret, et dont on représentait la domination aux yeux des habitans de Buenos-Ayres, comme devant y répandre la misère et le germe de tous les malheurs, avec les principes hérétiques de ce gouvernement. Dans cet état de choses, qui serait de la plus fatale conséquence pour le commerce britanniquè, le docteur Lushington, raisonnant sur le principe, que quand des colonies sont devenues assez fortes pour acquérir leur indépendance, il est aux choix des autres gouvernemens de les reconnaître ou non, suivant les vues qu'ils peuvent avoir, exposait vivement l'avantage qu'il y aurait pour l'Augleterre à reconnaître ouvertement l'indépendance de l'Amérique méridionale. « La faiblesse de l'Espagne en étant venue at point de ne pouvoir gouverner ses colonies, dit le docteur, nous ne sommes pas obligés de consulter ses vues et ses intérêts en violation de toute justice et de toute politique, encore moins serions-nous obligés envers un rival ambitieux, de lai laisser, de lui assurer des bénéfices qu'il était en notre pouvoir d'obtenir. Si un prince de la maison de Bourbon était placé sur le trône de Buenos-Ayres, on ne peut douter que des lois commerciales rigides, nuisibles au commerce anglais, ne fussent le premier et l'objet favori de la ́nouvelle dynastie, ce que le gouvernement britannique regretterait -amèrement d'avoir sonffert..... Les Etats-Unis ont donné à l'Angletere un exemple à suivre, en envoyant à Buenos-Ayres des agens pour examiner l'état du pays, et préparer les voies à une

reconnaissance positive, quelque intérêt qu'ils eussent à ménager l'Espagne, pour obtenir les Florides. Ainsi, après avoir vanté les richesses et la population de l'Amérique espagnole, qu'il porte à vingt millions d'habitans, l'honorable orateur a l'espérance « que les ministres consulteront l'intérêt du pays, et se rendront au sentiment qui anime tout esprit généreux et libéral, en consacrant par la reconnaissance de l'indépendance de l'Amérique méridionale, la conquête qu'un brave peuple a déjà faite par la force des armes, » et il demanda qu'il fût présenté à S. M. une adresse, pour qu'on donnât à la chambre copie de toutes les communications officielles reçues par le gouvernement de S. M., relatif à une négociation qui aurait eu lieu entre le gouvernement français et Buenos-Ayres relativement à l'établissement .. d'un prince de la dynastie des Bourbons, dans l'Amérique du sud. A cette demande, lord Castlereagh représenta que les renseignemens parvenus au gouvernement sur cette affaire, n'étaient pas de nature à répondre aux vues qui en faisaient demander la publication; que les documens officiels mentionnés par le docteur Lushington n'étaient en effet autres que des notes ou des lettres envoyées par des officiers de marine, en station dans ces mers, comme ayant été saisies dans les papiers de quelques membres du dernier gouvernement de Buenos-Ayres, maintenant sous le poids d'une accusation capitale. Quant à l'objet spécial de la motion, lord G. dit qu'il est d'un sentiment contraire à l'opinion tout à l'heure exprimée sur l'opportunité de l'occasion pour reconnaître quelqu'un des gouvernemens de l'Amérique sud, d'une autorité purement locale; il espère que la chambre n'exigera point qu'il hasarde une expression précipitée et prématurée de son opinion, sur un point d'une si grande importance, et à l'égard duquel il existe déjà tant de dissentimens dans la chambre, dans le pays, et au dehors, ni qu'il laisse échapper quelques présomptions défavorables au caractère des puissances et hostiles aux relations existantes entre elles et la Grande-Bretagne. « A l'égard de nos relations avec la France, dit S. S., on ne saurait nier qu'il n'y ait dans ce pays des ressentimens très-prompts à s'enflammer, Annuaire hist. pour 1820.

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pour peu qu'on les excite, disposé que l'on est à croire que les intérêts de la France sont en rivalité avec les nôtres...... Pour ma part, je crois avoir eu autant d'occasions d'observer que l'honorable et savant docteur; mais je ne trouve nulle raison d'imputer à la France aucune défiance ou jalousie de nos intérêts ou de notre politique. Il est dit dans un paragraphe de ces papiers que la Russie et l'Autriche avaient témoigné le désir que les Etats insurgés adoptassent plutôt les formes de la monarchie, que les formes républicaines..... J'ai la confiance que l'objet principal des grandes puissances est de rétablir partout la paix; qu'aucune de celles qui font partie de l'alliance dont on a parlé (la Sainte Alliance) n'a manqué à l'honneur. » Lord Castlereagh, termina son discours par exprimer l'espérance que la chambre suspendrait son jugement sur cette affaire, et sa conviction qu'elle ne jugerait pas convenable de poursuivre l'information, ou que si l'on produisait les documens, on les trouverait inutiles et insignifians,

Mais l'opposition ue se contenta point de ces raisons, Un de ses membres les plus distingués, sir James Mackintosh, insista sur l'objet spécial de la motion; il en prit occasion d'accuser la négligence du ministère, et passant de la question de l'indépendance américaine à l'éloge de la nouvelle révolution espagnole, il témoigna le désir de voir triompher la cause de la liberté. M. Canning y répondit, et s'attacha moins dans sa réponse à traiter la question spéciale, qu'à montrer le danger des opinions qui tendaient à renverser ou à louer le renversement de l'ordre encore établi ailleurs, et après des débats qui nous rappellent certaines séances de la session française, le docteur Lushington retira luimême sa motion..

L'un des objets qui, après les lois de finances, a excité plus d'intérêt en Angleterre, est la continuation pour deux ans, de l'alien bill, acte passé dans la 55o année du règne de George III pour la police relative aux étrangers résidens dans l'un des trois royaumes, Lord Castlereagh, en proposant cette mesure (1o jain), s'appliqua surtout à prévenir des objections souvent alléguées contre elle; il exposa que le nombre des étrangers maintenant

en Angleterre, était d'environ vingt-cinq mille, qu'il s'était fort accru depuis 1818, et que très peu d'entre eux y étaient amenés par des intérêts de commerce. « Personne ne respecte plus que moi, dit S. S., l'esprit généreux de la nation, qui fait regarder l'Angleterre comme le sanctuaire du malheur pour les étrangers, et qui les met sous la protection de nos lois, à l'abri des poursuites qu'ils peuvent avoir encourues ailleurs; mais la question est de savoir si, dans l'état actuel de l'Europe, dans les circonstances où se trouve l'Angleterre, elle peut admettre, avec sécurité pour elle-même et sans restriction, ce mélange d'étrangers la plupart inconnus, dans la population, si on peut souffrir qu'ils en fassent un rendez-vous, un foyer de conspiration contre le repos et la sécurité des autres gouvernemens, et compromettent ainsi la paix de ce pays avec les nations étrangères. C'est ce dont le ministère pourrait administrer des preuves...... Il est vrai que les conspirateurs d'aujourd'hui sont en arrière des principes de la révolu→ tion française; mais leurs efforts systématiques sont dirigés avec autant d'obstination que jamais, contre les anciennes institutions. Ces messieurs (gentlemen ) ne dégénèrent pas de leurs prédéces→ seurs; ils ont le même amour de la trahison, le même mépris de toute morale, de tout devoir religieux tout leur est bon pour propager leurs principes, ponr arriver à leur but, même l'assassinat..... D'après les dangers du présent, d'après le droit donné plusieurs fois à la couronne, S. S. aime à croire que la chambre ne refusera point au gouvernement le droit de renvoyer des étrangers qui paraissent disposés à abuser de l'hospitalité qu'ils reçoivent, ou qui ne seraient venus dans ce pays qu'avec le dessein de renverser sa puissance ou de détruire sa constitution.

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Sir R. Wilson répondit à ce discours par une violente attaque sur le système suivi de concert entre toutes les puissances!... « On ne s'attendait pas, dit-il, à voir proposer la continuation de ce bill, pour la quatrième fois, au sein d'une profonde paix. Plusieurs des compatriotes du noble lord ( Castlereagh ) ont été portés à croire que l'alien bill était un de ces arrangemens du congrès de Vienne, dont il lui était impossible de se départir. Il a en

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effet toute l'apparence d'une mesure imaginée pour établir un système uniforme de police, d'après lequel les membres de la sainte alliance, ont voulu ôter tout moyen de refuge à ceux qui leur seraient suspects, ou tomberaient dans leur disgrâce. cette occasion, sir R. Wilson rapporta plusieurs exemples de la rigueur mise dans l'exécution de cette mesure. D'autres orateurs (le procureur général de la couronne et sir J. Mackintosh) examinant la question sous des rapports de droit public, citèrent des exemples favorables à leurs opinions diamétralement opposées.

Chacune des lectures du bill ramena les mêmes argumens pour et contre; à la troisième (10 juillet), sir James Mackintosh proposa des amendemens ou dispositions nouvelles à y insérer. Par la première, le conseil privé aurait été obligé de donner à tout étranger qu'il aurait jugé nécessaire d'expulser de ce pays, un précis des allégations avancées contre lui; de lui accorder un temps raisonnable pour se justifier, et la faculté de faire entendre des conseils et des témoins en sa faveur. La seconde clause exemptait des effets du bill tous les étrangers établis et domiciliés en Angleterre avant le 1er janvier 1814. La troisième et la plus importante portait que le bill ne pourrait être mis en exécution à l'égard des étrangers qui viendraient dans ce pays pour témoigner soit à charge, soit à décharge, dans le procès de la reine.

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Ces propositions combattues par lord Castlereagh, qui regardait surtout la dernière, comme l'insulte la plus grave au ministère de S. M., furent rejetées sans division: et le bill adopté par les communes passa dix jours après aux lords, dans les mêmes termes, malgré la même opposition.

Là finit, quant aux affaires générales, l'intérêt d'une session désormais toute remplie par le procès de la Reine.

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