LeTaffe. né à Sorrento au Royaume de Naples le 10. jour d'Avril de l'an 1544. Poëte Italien, mort à Rome l'an 1595. le 27. de Mars. D'autres difent qu'il n'avoit pourtant pas encore 45 ans lorfqu'il mourut. L A conteftation qui s'eftoit émûë en Italie fur la fin de l'autre fiecle & le commencement de celuy-ci en tre les Partifans duren Taffe de l'Ariofte, touchant la preféance au Parnaffe Italien, femble eftre entierement éteinte; & malgré le jugement de Meffieurs de la Crufca & de quelques particuliers de moindre confideration, le Taffe eft aujourd'huy en poffeffion du premier rang fur tous les Poëtes de fa Langue; & ce qui fait le point le plus folide de fa gloire, c'eft qu'il n'y eft point arrivé par la faveur. Les Ouvrages qui luy ont acquis cette principauté font dans le genre Heroïque ou Epique, la Ferufalem délivrée ou le Godefroy fa ferufalem conquise fon Rinaldo ou Renaud, & les fept jour hées de la Creation du Monde; dans le genre Dramatique, la Tragedie de To- LeTaffe. rifmond; dans le Bucolique, la Paftorale d'Aminte; & dans les autres genres, un grand nombre de vers qu'on appelle de petite efpece, & qui confiftent en Chanfons, Sonners, Madrigaux, Epigrammes & autres Rimes, dont le recueil fe divife en neuf parties; fans parler d'un grand nombre de Poëfies en profe qu'il a compofées. Mais ceux qui voudront trouver le Catalogue de rous fes Ouvrages generalement, le verront au moins en cinq endroits differens, fans m'obliger d'en faire ici un fixiéme. Ils le trouveront'; 1. dans le tome des Eloges de Tomafini, qu'on ne peut diftinguer de l'autre qu'en l'appellant de perit papier ou en le dartant de l'an 1630. 2. dans le Theatre de Ghilini.; 3. dans le premier tome des Eloges de Lorenzo Craffos 4. dans la Bibliotheque Napolitaine du Toppi; 5. dans les Additions de M. Teiffier, aux Eloges de M. de Thou, au tome fecond. La Ferufalem délivrée a donné ma tiere de parler & d'écrire à un nombre infini de perfonnes tant en Italie qu'en France, & dans quelques autres parties de l'Europe. La plufpart ont jugé qu'elle Á j ils ont LeTaffe. devoit avoir fon rang parmi les produ ctions de l'efprit humain immediatement aprés l'Iliade & l'Eneïde, quelques-uns ont eftimé mefme que c'eltoit luy faire une espece d'injure de ne luy donner que le troifiéme rang, pretendu qu'il falloit du moins mettre trois fieges égaux fur le Parnaffe pour Homere, Virgile & le Taffe, afin qu'ils puffent prendre leur place fans confequence, & fans donner atteinte aux pretentions que l'un pourroit avoir fur les deux autres. C'est ce qu'il eft aifé de voir dans les écrits de divers Italiens, & particulierement dans un Traité exprés que le Beni d'Eugubio a fait de la comparaifon du Taffe avec Homere & Virgile, & mefme dans les Commentaires qu'il a donnez fur fon Godefroy (1). .: Les fentimens que nos Critiques François en ont eus, n'ont efté. gueres moins magnifiques, quoiqu'ils n'ayent point paru fi éblouis de fon éclat. M. de Balzac n'a point fait difficulté de dire que ce Poëme eft l'ouvrage le plus riche & le plus achevé que l'on euft encore vû depuis le fiecle d'Augufte (2) ; qu'en ce genre excellent d'écrire, Virgile eft caufe que le Taffe n'eft pas le premier; & le Taffe, que Virgile n'eft Le Taffe. pas le feul. Mais on eft revenu un peu de ces hautes idées en ces derniers temps, & M. Rofteau n'a point fait difficulté d'accufer de mauvais gouft ceux qui ont parlé comme le Beni & les autres Italiens, & comme M. de Balzac mefme ( 3 ). Et M. Defpreaux par une licence Poëtique a traité de Sots de qualité tous les Courtifans & les Marquis connoiffeurs qui femblent preferer ou oppofer Le Clinquant du Taffe à tout l'or de Virgile (4). Neanmoins cet Ouvrage du Taffe re laiffera pas de paroître excellent dés qu'on ne nous le prefentera plus auprés de ceux de Virgile & d'Homere. Le Cardinal du Perron dit (s) qu'il eft admirable en foy, mais qu'il y auroit fouhaité un autre difcours, parce que fon Ouvrage a plûtoft l'air d'un tiffu d'Epigrammes que d'un Poëme Epique. Il convient d'ailleurs que le Taffe eftoit un bel efprit, qu'il avoit le genie grand & vafte, & qu'il eftoit capable d'une telle entreprise. Il n'avoit encore que xx11. ans orfqu'il commença ce merveilleux Poëme, & il eftoit pour lors à la Cour de France LeTaffe. en qualité d'Ecuyer ou Gentilhomme du Nonce Loüis d'Efte Cardinal, mais il ne l'acheva qu'aprés fon retour en Italie. Il y a renfermé des beautez qu'on ne fe laffera peut-eftre jamais d'admirer (6). On peut dire qu'elles font confufément répanduës, foit dans la conftrution generale de l'Ouvrage, foit dans le tour de fes expreffions, foit enfin dans l'employ des Episodes qu'il y a fait entrer. M. Godeau écrit (7) qu'il y a exprimé les mouvemens des paffions d'une façon fi merveilleufe, qu'encore qu'il foit toûjours demeuré dans les termes de la Religion Chreftienne, fon Poëme ne laisse pas d'avoir autant d'agrément que s'il cuft employé tous les Dieux & les Deeffes de l'Iliade & de l'Eneïde. On convient qu'il y a des endroits plus brillans que dans Virgile, & plufieurs pretendent que ceux qui contiennent les avantures d'Olinde & de Sophronie, de Tancrede & de Clorinde, de Renaud & de Tancrede, font fans comparaifon ; & que l'Ambaffade d'Argante & d'Aletes, leurs Harangues & les réponses de Godefroy, font des efforts d'efprit prefque inimitables. D'un autre cofté on peut reconnoître |