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III.

Les Juifs

fut contraint d'appeler à l'empereur : ce qui le fit dans la suite conduire à Rome, où il devoit mourir pour l'évangile dans la persécution de Néron (1).

Comme les Juifs avoient été les premiers à châtiés les persécuter Jésus-Christ et son Eglise, ils furent premiers. les premiers punis; et le châtiment commença dans la prise de Jérusalem, où le temple fut mis en cendre sous Vespasien et sous Tite.

Mais malgré cette grande chute, les Juifs se trouvèrent encore en état de se rendre terribles aux Romains par leurs révoltes; et ils continuoient à exciter, autant qu'ils pouvoient, la persécution contre les chrétiens, comme nous l'avons remarqué sur ces paroles de saint Jean : Tu es calomnié par ceux qui se disent Juifs, et ne le sont pas (2). Notre apôtre nous a dit aussi qu'ils devoient être de nouveau humiliés aux pieds de l'Eglise, afin d'accomplir en tous points cet oracle de Daniel, et leur désolation durera jusqu'à la fin (3).

ver,

pour

IV. Pourquoi Dieu qui s'étoit servi des Romains donner Rome persé le premier coup aux Juifs, devoit employer le cuta l'Eglise. même bras pour les abattre; et cela devoit arricomme nous verrons, incontinent après la mort de saint Jean. Cet apôtre vit en esprit ce mémorable événement; et Dieu ne voulut pas qu'il ignorât la suite de ses conseils sur ce peuple, autrefois si chéri. Mais les Romains, exécuteurs. de la vengeance divine, la méritoient plus que

(1) Act. xvII. 12. XXI, XXII, XXIV, XXV.— (2) Apoc. 11. 9111. 9. (3) Dan. 1x. 27.

tous les autres par leurs idolâtrics et leurs cruautés. Rome étoit la mère de l'idolâtrie: elle faisoit adorer ses dieux à toute la terre, et parmi ses dieux, ceux qu'elle faisoit le plus adorer, c'étoit ses empereurs. Elle se faisoit adorer ellemême, et les provinces vaincues lui dressoient des temples de sorte qu'elle étoit en même-temps, pour ainsi parler, idolâtre et idolâtrée, l'esclave et l'objet de l'idolâtrie. Elle se vantoit d'être par son origine une ville sainte, consacrée avec des augures favorables, et bâtie sous des présages heureux. Jupiter, le maître des dieux, avoit choisi sa demeure dans le Capitole, où on le croyoit plus présent que dans l'Olympe même et dans le ciel où il régnoit. Romulus l'avoit dédié à Mars, dont il étoit fils: c'est ce qui l'avoit rendue si guerrière et si victorieuse. Les Dieux qui habitoient en elle, lui avoient donné une destinée sous laquelle tout l'univers devoit fléchir. Son empire devoit être éternel: tous les dieux des autres peuples et des autres villes lui devoient céder; et elle comptoit le Dicu des Juifs parmi les dieux qu'elle avoit vaincus.

Au reste, comme elle croyoit devoir ses victoires à sa religion, elle regardoit comme ennemis de son empire ceux qui ne vouloient pas adorer ses dieux, ses césars et elle-même. La politique s'y mêloit. Rome se persuadoit que les peuples subiroient plus volontiers le joug qu'une ville chérie des dieux leur imposoit; et combattre sa religion, c'étoit attaquer un des fondemens de la domination romaine.

V.

La chute

re avec celle

Telle a été la cause des persécutions que souffrit l'Eglise durant trois cents ans : outre que c'étoit de tout temps une des maximes de Rome, de ne souffrir de religion que celle que son sénat autorisoit (1). Ainsi l'Eglise naissante devint l'objet de son aversion. Rome immoloit à ses dieux le sang des chrétiens dans toute l'étendue de son empire, et s'en enivroit elle-même dans son amphithéâtre, plus que toutes les autres villes. La politique romaine, et la haine insatiable des peuples le vouloit ainsi. `

Il falloit donc que cette ville impie et cruelle, de Rome et par laquelle Dieu avoit épuré les siens, et tant de son empi- de fois exercé sa vengeance sur ses ennemis, la de l'idolà- ressentît elle-même à son tour; et que comme trie, résolues une autre Babylone, elle devînt à tout l'univers scils éternels qu'elle avoit assujetti à ses lois, un spectacle de la justice divine.

dans les con

de Dieu.

Mais le grand mystère de Dieu, c'est qu'avec Rome devoit tomber son idolâtrie; ces dieux, soutenus par la puissance romaine, devoient être anéantis, en sorte qu'il ne restât pas le moindre vestige de leur culte, et que la mémoire même en fût abolie. C'étoit en cela que consistoit la victoire de Jésus-Christ : c'est ainsi qu'il devoit mettre ses ennemis à ses pieds (2), comme le Psalmiste l'avoit prédit : c'est-à-dire, qu'il devoit voir non-seulement les Juifs, mais encore les Romains et tous leurs faux dieux détruits, et le monde à ses pieds d'une autre sorte, en se sou

(1) Tit. Liv. libr. XXXIX. Orat. Maecen. ap. Dion. lib. LI. etc.— (») Ps. CIX. 2.

mettant à son évangile, et en recevant ses grâces avec humilité.

Toutes ces merveilles avoient été prédites par

ví. Cette chu

ble les victoires de J.-C.

tes.

les prophètes dès les premiers temps. Moïse nous te, et ensemavoit fait voir l'empire romain, comme dominant dans la Judée, et comme devant périr à la fin (1), prédites par ainsi que les autres empires. Daniel avoit prédit les prophela dispersion et la désolation des Juifs (2). Isaïe avoit vu les persécutions des fidèles, et la conversion de l'univers par leurs souffrances (3). Le même prophète, sous la figure de Jérusalem rétablie, a vu la gloire de l'Eglise : Les rois devenus ses nourriciers, et les reines ses nourrices; leurs yeux baissés devant elle, et leur majesté abaissée à ses pieds (4). Daniel a vu la pierre arrachée de la montagne sans le secours de la main des hommes (5), qui devoit briser un grand empire. Il a vu l'empire du Fils de l'homme, et dans l'empire du Fils de l'homme, celui des saints du Très-Haut (6), empire auquel Dieu n'avoit donné aucunes bornes, ni pour son étendue, ni pour sa durée. Tous les prophètes ont vu comme Daniel la conversion des idolâtres, et le règne éternel de Jésus-Christ sur la gentilité convertie, en même-temps que le peuple juif seroit dispersé : et tout cela pour accomplir l'ancien oracle de Jacob (7), qui faisoit commencer l'empire du messie sur tous les peuples, en même-temps qu'il

(1) Num. XXIV. 24. — (2) Dan. Ix. 26, 27. (3) IS. LIX. 19. (4) Ibid. XLIX. 23. —(5) Dan. 11. 41. —(6) Ibid. v11. 13, 14, 18, 27.

- (7) Gen. XLIX. 10.

VII.

Tout cela

devoit arri

ver.

ne resteroit parmi les Juifs aucune marque de magistrature ni de puissance publique.

:

Comme ce grand ouvrage de la victoire de Jéprédit plus sus-Christ dans la dispersion des Juifs, dans la particulièrepunition de Rome idolâtre, et dans le glorieux ment par S. Jean, dans le établissement de l'Eglise, alloit se déclarer plus temps qu'il que jamais au temps qui devoit suivre saint Jean, c'est aussi ce grand ouvrage que Dieu lui fit connoître et c'est pourquoi nous verrons un ange resplendissant comme le soleil, qui levant la main au ciel, jurera par celui qui vit au siècle des siècles: Que le temps étoit venu, et que Dieu alloit accomplir son grand mystère, qu'il avoit évangélisé et annoncé par les prophètes ses serviteurs (1). Saint Jean, qui étoit plus près de l'accomplissement du mystère, le voit aussi dans tout son ordre. Sa prophétie est comme une histoire, où l'on voit premièrement tomber les Juifs dans le dernier désespoir; mais où l'on voit bien plus au long et bien plus manifestement tomber les Romains, dont la chute devoit aussi être bien plus éclatante. Saint Jean voit toutes ces choses: il voit les grands caractères qui ont marqué le doigt de Dieu; et il pousse sa prophétie jusqu'à la chute de Rome, par laquelle Dieu vouloit donner le dernier coup à l'idolâtrie romaine.

VIII.

Pourquoi Rome mar

quée sous la figure de Babylone.

Il ne pouvoit pas marquer Rome par une figure plus convenable, que par celle de Babylone, superbe et dominante comme elle; comme elle attachée à ses faux dieux, et leur attribuant ses

(1) Apoc. v. 1, 5, 6, 7.

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