du Christ, dont toutes les circonstances, et le temps même de leur accomplissement, sont si évidemment marqués, tant de siècles auparavant qu'il ait paru sur la terre. : Vous n'avez qu'à lire à votre loisir mes Commentaires sur les Pseaumes, et ce que j'ai écrit à la suite des Livres de Salomon, dans la Dissertation qui a pour titre Supplenda in Psalmos (1); pour y apprendre que David est un véritable évangéliste, qui a vu manifestement toutes les merveilles de JésusChrist, c'est-à-dire, sa divinité, sa génération éternelle, son sacerdoce, et jusqu'aux moindres circonstances de sa passion et de sa résurrection. La vocation des Gentils et la réprobation des Juifs sont choses si publiques et si authentiques, qu'il faut être aveugle pour ne les voir pas comme les marques infaillibles du Messie actuellement venu au monde. Et quand il s'en faudroit tenir à mon dernier ouvrage, Grotius n'y est-il est-il pas convaincu d'avoir falsifié les prophéties, en disant que ce qui se trouve clairement écrit dans le livre de la Sagesse, sur la passion du Sauveur (2), a été ajouté après coup par les chrétiens comme aussi ce qui est dit dans l'Ecclésiastique, qui regarde manifestement la personne du Fils de Dieu Invocavi Dominum patrem Domini mei (5); j'ai invoqué le Seigneur, père de mon Seigneur; ce que le même Grotius ose encore rejeter comme supposé par les chrétiens, quoiqu'il n'appuie pas ces deux prétendues suppositions de la moindre conjecture; ce qui montre plus clair que : (1) Elle se trouve à la fin du tome 1. — (2) Sap. II. 12, 13, 14, etc. — (3) Eccli. L1, 14. " le jour, un esprit ennemi des prophéties, et qui ne tend qu'à secouer le joug de la vérité (1). Voilà ce que Dieu m'a donné pour vous, sur votre dernière lettre : je vous en fais part, quoique je sache que votre foi n'a pas besoin de cette instruction; mais je ne puis m'empêcher de déplorer avec vous cet esprit d'incrédulité qui se trouve en effet dans les chrétiens, vous exhortant de tout mon cœur à inspirer à tout le monde dans l'occasion, le désir d'apprendre ce qui en effet est pour eux la vie éternelle. Signé J. BENIGNE, évêque de Meaux. A Paris, le premier octobre 1703. DEUXIÈME LETTRE. SUR LA MÊME DIFFICULTÉ. Et sur quelques réflexions dont on la soutient; où il est prouvé que Jésus-Christ a d'abord autorisé sa mission par ses miracles : que la plupart des prophéties n'étoient pas connues durant sa vie; que celle de l'enfantement virginal est de ce nombre; que plusieurs de ses disciples l'ont ignorée, et qu'il ne s'est pas pressé de les instruire sur ce point, non plus que sur beaucoup d'autres ; qu'il étoit du conseil de Dieu, que ce mystère s'accomplit sous le voile du mariage; quelles ont été les dispositions de la divine Providence, pour préparer le monde à un si grand mystère. J'AI, Monsieur, reçu votre lettre du 11 d'octobre, et j'ai vu celle de même date que vous écrivez à M.***, où vous le priez de me proposer une nouvelle difficulté, si toutefois elle est nouvelle car pour moi, : (1) Voyez Dissertat. sur Grotius, n. v. dans la seconde Instruction sur le nouveau Test. de Trévoux, ci-après, tom. iv. je crois y avoir déjà satisfait dans ma lettre précédente, en vous faisant observer que les preuves indicatives de la venue du Messie devoient être distribuées, de sorte qu'elles soient déclarées chacune en son temps; ainsi qu'il ne faut pas trouver étrange, qu'elles ne pussent d'abord être toutes remarquées -par les Juifs. L'on ne doit pas croire pour cela qu'il leur fût permis de tenir leur esprit en suspens sur la mission de Jésus-Christ; puisqu'outre d'autres prophéties plus claires que le soleil qu'ils avoient devant les yeux, le Sauveur leur confirmoit sa venue par tant de miracles, qu'on ne pouvoit lui refuser sa créance sans une manifeste infidélité, comme il dit lui-même en ces termes : Si je n'étois pas venu, si je ne leur avois point parlé, et que je n'eusse pas fait en leur présence des prodiges que nul autre n'a faits avant moi, ils n'auroient point de péché; mais maintenant leur incrédulité n'a point d'excuse (1). Ils devoient donc commencer par croire, et demeurer persuadés que le particulier des prophéties se découvriroit en son temps. Par exemple, c'étoit une marque pour connoître le Christ, qu'il devoit convertir les Gentils. Mais encore que notre Seigneur défendît à ses apôtres d'entrer dans la voie des Gentils, et de précher dans les villes de Samarie (2), il ne falloit pas pour cela refuser de croire cette belle marque de sa venue: et au contraire, il falloit croire avec une ferme foi, que tout ce qui étoit prédit de Jésus-Christ, s'accompliroit l'un après l'autre, au temps et par les moyens destinés de Dieu. Jésus-Christ lui-même (1) Joan. xv. 22. 24. .(2) Matth. x. 5. avoit déclaré qu'il donneroit aux Juifs, dans sa résurrection, le signe du prophète Jonas (1). S'ensuitil de là, qu'ils dussent demeurer en suspens jusqu'à ce qu'ils eussent vu l'accomplissement de ses paroles? point du tout; puisqu'ils devoient tenir pour certain que celui qui commandoit à la mer et aux tempêtes, qui guérissoit les aveugles-nés, qui avoit la clef de l'enfer et de la mort, tirant les morts du tombeau quatre jours après leur sépulture, lorsque déjà ils sentoient mauvais, et qui enfin se montroit le maître de toute la nature, étoit assez puissant pour accomplir tout ce qu'il avoit promis. Il étoit prédit bien clairement que le Christ naîtroit à Bethléem plusieurs juifs ne savoient pas que JésusChrist y fût né; Philippe même, un de ses apôtres, semble l'avoir ignoré, lorsque l'indiquant à Nathanaël comme le Messie, il lui dit : Nous avons trouvé Jésus, fils de Joseph de Nazareth (2) : et Nathanaël lui ayant fait l'objection en ces termes : Peutnir quelque chose de bon de Nazareth? Philippe ne lui répond autre chose, sinon : Venez, et voyez, c'est-à-dire, reconnoissez par vous-même les merveilles qui vous convaincront qu'il est le Messie. Ainsi Jésus-Christ même ne se pressoit pas de les éclairer sur ce point. Et quand les pharisiens disoient à Nicodème, un des leurs : Approfondissez les Ecritures, et reconnoissez que le prophète (que nous attendons) ne doit point venir de Galilée (3); nous ne voyons pas que ce pharisien, quoique d'ailleurs affectionné à Jésus-Christ, eût rien à leur répondre, content de savoir en général, que nul ve (1) Matth. x11. 39. 40.—(2) Joan. 1. 45 et 46. — (3) Ibid. vii. 50. 52. homme ne pouvoit faire les prodiges qu'il faisoit, si Dieu n'étoit avec lui (1). Bien plus, Jésus-Christ luimême ne répondoit rien à ceux qui disoient que le Christ devoit sortir de David, et de la ville de Bethléem (2). Rien ne pressoit, et Jésus-Christ ayant par avance montré sa venue par les signes les plus authentiques, qui étoient les œuvres de son Père, c'est-à-dire, par le témoignage le plus éminent et le plus sublime que le ciel eût jamais pu donner à la terre, il avoit suffisamment fondé la foi qu'on devoit avoir à ses paroles, encore qu'on n'entendît pas quelques prophéties particulières car c'étoit assez qu'on vît clairement que les merveilles qu'il opéroit, étoient une preuve certaine et plus que démonstrative de sa mission. : Au surplus, non-seulement l'accomplissement des prophéties, mais encore leur intelligence, avoit son temps: souvent elles s'accomplissoient aux yeux et entre les mains des apôtres mêmes, sans qu'ils s'en aperçussent, comine il est expressément marqué en deux endroits de saint Jean, c'est-à-dire, au chap. III, *. . 22, et au chap. x, y. 16, dans lequel il est marqué que les apôtres n'entendoient pas les prophéties qu'ils accomplissoient eux-mêmes. Quand donc on dira que le signe de l'enfantement de la Vierge étoit un de ceux qui devoient être révélés des derniers, et que le commun du peuple, pour y faire l'attention convenable, avoit besoin d'être averti, comme il le fut par l'évangile de S. Matthieu, il n'y aura rien là d'extraordinaire, ni qui affoiblisse la preuve de la venue du Christ. (1) Joan. 111. 2. - (2) Ibid. v11. 42. |