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mirable révélation lui eût été envoyée par le ministère de l'ange : c'est pourquoi on lui déclare d'abord que le temps est proche (1), et que ce qu'on va lui révéler, arrivera bientôt (2) : ce qui est aussi répété d'une manière très-précise à la fin de la prophétie.

Je ne puis donc consentir au raisonnement de ceux qui en renvoient l'accomplissement à la fin des siècles : car les combats de l'Eglise, et ce qui alloit arriver tant aux Juifs qu'aux Gentils, en punition du mépris de l'Evangile, la chute des idoles et la conversion du monde, et enfin la destinée de Rome et de son empire, étoient de trop grands et tout ensemble de trop prochains objets pour être cachés au prophète de la nouvelle alliance autrement, contre la coutume de tous les prophètes précédens, il eût été transporté au dernier temps, en passant par-dessus tant de merveilles qui alloient paroître, quoique l'Eglise naissante eût tant de besoin d'en être instruite.

VI. Passage de saint Denys

d'Alexandrie. Preuve

Aussi ne faut-il pas douter que l'Eglise persécutée ne fût attentive à ce que ce livre divin lui prédisoit de ses souffrances. Le seul exemple de saint Denys d'Alexandrie nous le fait voir. Eusèbe nous a rapporté une de ses lettres (3), où il paroît qu'il regardoit l'Apocalypse comme un livre plein de secrets divins, où Dieu avoit renfermé une intelligence admirable, mais très-ca- persécutions chée, de ce qui arrivoit tous les jours en parti- choses qui la culier, zabezaçov. regardoient.

Pour en venir à l'application, encore qu'il re

(1) Apoc. 1. 3. — (2) Ibid. xx11. 10. (3) Euseb. VI. 25.

-

que l'ancienne Eglise cherchoit dans l'Apocalypse les

et les autres

connût que le sens de ce divin livre passât la capacité de son esprit, il ne laissoit pas de le rechercher; et une lettre à Hermammon, dont le même Eusèbe nous a rapporté un beau morceau (1), nous fait voir qu'il appliquoit au temps de Valérien, les trois ans et demi de persécution prédits au chap. xIII de l'Apocalypse. Un autre morceau précieux de la même lettre, inséré par le même Eusèbe dans son histoire (2), nous donne lieu de conjecturer que ce saint nous représentoit l'empereur Gallien, comme se renouvelant lui-même, pour avoir lieu de lui adapter l'endroit de l'Apocalypse où la bête nous paroît comme étant la septième et la huitième tout ensemble (3).

Il est vrai qu'il avoue en même-temps qu'il n'y a rien de bien clair dans les conjectures qu'il fait sur l'Apocalypse. Je ne vois pas aussi qu'on soit obligé de s'y arrêter; et je produis ce passage seulement pour faire voir qu'il y avoit dans l'Eglise un esprit de rechercher dans l'Apocalypse ce qui se passoit dans le monde par rapport à l'Eglise chrétienne. Que si nous ne voyons pas beaucoup d'autres exemples d'une pareille recherche durant ces temps-là, le peu d'écrits qu'on en a, pourroit en être la cause, quand il n'y en auroit pas beaucoup d'autres que la suite fera connoître. Mais un événement qui paroît marqué dans quérante et l'Apocalypse avec une entière évidence, doit idolâtre, figurée dans nous faire entendre que cette divine prophétie l'Apocalypse est accomplie dans une de ses parties principales.

VII.

Rome con

sous le nom de Babylone. La chute de

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dition des

sous Alaric.

Cet événement si marqué, c'est la chute de l'an- son empire cienne Rome, et le démembrement de son em- prédite. Trapire sous Alaric; choses marquées dans l'Apoca- Pères. Cette lypse aussi clairement qu'il se puisse dans les chute arrivée chap. xvii et xviii, et manifestement accomplies, lorsqu'après le sac de Rome, son empire fut mis en pièces, et que de maîtresse du monde et de conquérante des nations, elle en devint le jouet et la proie, pour ainsi parler, du premier venu. C'est une tradition constante de tous les siècles, que la Babylone de saint Jean, c'est l'ancienne Rome. Saint Jean lui donne deux caractères qui ne permettent pas de la méconnoître. Car premièrement, c'est la ville aux sept montagnes ; et secondement, c'est la grande ville qui commande à tous les rois de la terre (1). Si elle est aussi représentée sous la figure d'une prostituée, on reconnoît le style ordinaire de l'Ecriture, qui marque l'idolâtrie par la prostitution (2). S'il est dit de cette ville superbe, qu'elle est la mère des impuretés et des abominations de la terre (3); le culte de ses faux dieux, qu'elle tâchoit d'établir avec toute la puissance de son empire, en est la cause. La pourpre dont elle paroît revêtue, étoit la marque de ses empereurs et de ses magistrats. L'or et les pierreries dont elle est couverte, font voir ses richesses immenses (4). Le mot de mystère qu'elle porte écrit sur le front (5), ne marque rien au-delà des mystères impies du paganisme, dont Rome s'étoit rendue la protec· (4) Ibid. 4.

(1) Apoc. XVII. 9, 18.—(2) Ibid. 1, 2.— (3) Ibid. 5.

(5) Ibid. 5.

trice; et la séduction qui vient à son secours, n'est autre chose que les prestiges et les faux miracles, dont le démon se servoit pour autoriser l'idolâtrie (1). Les autres marques de la bête et de la prostituée qu'elle porte, sont visiblement de même nature, et saint Jean nous montre très clairement les persécutions qu'elle a fait. souffrir à l'Eglise, lorsqu'il dit qu'elle est enivrée sang des martyrs de Jésus (2).

du

Avec des traits si marqués, c'est une énigme aisée à déchiffrer, que Rome sous la figure de Babylone. Ces deux villes ont les mêmes caractères; et Tertullien les a expliqués en peu de mots, lorsqu'il a dit qu'elles étoient toutes deux grandes, superbes, dominantes et persécutrices des Saints (3).

Tous les Pères ont tenu le même langage; et c'est parmi les anciens une tradition constante, que saint Jean a représenté Rome conquérante et maîtresse de l'univers par ses victoires, sous le nom de Babylone, pareillement conquérante, et maîtresse, par ses conquêtes, d'un empire si redoutable. C'est donc aussi la chute de Rome et de son empire que cet Apôtre a marquée; et saint Irénée qui a vu les Disciples des apôtres, le déclare en ces termes : Saint Jean, dit-il (4), marque manifestement le démembrement de l'empire qui est aujourd'hui, lorsqu'il a dit que dix rois ravageront Babylone. Il ne va pas imaginer la ruine d'un autre empire: celle qu'il attend,

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(1) Apoc. xi. 11, 12, 13. (2) xvii. 6. (3) Tertul. advers. Jud. 9. et contr. Marc. l. 111. - 4) Iren. l. v. c. 3o. n. 2.

celle qu'il a cru prédite dans l'Apocalypse, est celle de l'empire qui étoit alors, et sous lequel il vivoit, c'est-à-dire, de l'empire romain : et si, dans la discussion qu'il fait des noms que pourra porter l'Antechrist, il s'arrête à celui de Lateinos, comme à celui qui lui paroît le plus vraisemblable; c'est à cause, dit-il, que le dernier empire porte ce nom et que ce sont les Latins qui règnent maintenant (1). Il bornoit donc toutes ses pensées dans la chute de cet empire. Saint Augustin veut que Rome ait été bâtie comme une nouvelle Babylone, fille de l'ancienne, et avec une semblable destinée (2). Paul Orose, disciple de ce grand homme, a fait le parallèle de ces deux villes (3): il a observé qu'elles avoient les mêmes caractères, et qu'après onze cent soixante ans de domination et de gloire, elles avoient été toutes deux pillées dans des circonstances presque semblables. Enfin, c'étoit un langage si établi dans l'Eglise, d'entendre Rome sous le nom de Babylone, que saint Pierre s'en est servi dans sa première Epître, où il dit : L'Eglise qui est dans Babylone vous salue (4). On ne trouve dans aucune autre Babylone, ni la succession apostolique tant vantée parmi les fidèles, ni la mémoire du nom de saint Pierre, dont les Eglises se sont honorées, ni enfin aucun vestige d'Eglise que dans cette Babylone mystique. On ne trouve non plus ailleurs, ni Silvain, qui est Silas; ni saint Marc, dont saint Pierre fait mention (5), comme de

(1) Iren. l. v. c. 3o. n. 2. - (2) Aug. de Civ. Dei. xvIII. 22.→→ (3) Paul Oros. l. 11. 3. VII. 2. --- (4) 1. Petr. v. 12. (5) Ibid. 12.

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