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qu'il a mis en avant pour l'établissement de la Commission de liquidation, nous ne pouvons pas prendre de parti définitif avant d'avoir fait un dernier effort pour nous entendre avec lui et les Puissances qui ont pris dans cette question la même attitude.

Vous m'avez répondu, à la date du 14, que vous aviez, suivant mon désir, fait part de mes scrupules à M. Baring et que vous pensiez avoir réussi à lui faire comprendre nos raisons.

Depuis lors j'ai eu l'occasion de causer du même sujet avec lord Lyons. Lui aussi est d'avis qu'avant de promulguer le projet des contrôleurs, il convient de faire tout ce qui dépendra de nous pour amener l'Autriche-Hongrie à un accord avec nous et le Cabinet de Londres, parce que l'exécution des mesures proposées par le contrôle pourrait rencontrer de sa part, et de la part des Puissances qui ont jusqu'ici marché de concert avec elle en ce qui concerne les finances d'Égypte, des résis tances d'où résulteraient de nouvelles complications.

Je lui écris aujourd'hui même pour lui soumettre un nouveau projet de décret qui me paraît acceptable pour le Cabinet de Vienne. C'est l'ancien projet avec une addition, dont l'effet serait :

1° De permettre à la Commision de liquidation de se rendre compte des besoins du Trésor, en prenant connaissance du budget de l'année pendant laquelle elle exercera ses fonctions;

2o De lui procurer les renseignements complémentaires qu'elle pourrait demander;

3o De lui donner le droit de faire parvenir des observations au Khédive par l'entremise des contrôleurs ;

4o Enfin, de rendre possible pour trois mois la prolongation de ses pouvoirs pour surveiller d'accord avec les contrôleurs la mise en vigueur des dispositions arrêtées par elle.

J'ai l'honneur de vous transmettre pour votre information copie du nouveau projet tel que je l'ai envoyé à lord Lyons et je ne manquerai pas de vous tenir au courant de l'accueil ¡qui lui aura été fait à Londres et à Vienne.

Recevez, etc.

Signé DE FREYCINET.

N° 10

Le Baron de Ring à M. de Freycinet.

Le Caire, le 22 janvier 1880.

Monsieur le Ministre, dans le courant de la semaine qui vient de s'écouler, le Khédive a signé plusieurs décrets importants. Votre Excellence en trouvera le texte dans les trois numéros des 18 et 19, 20 et 21 janvier du Moniteur égyptien.

Le premier de ces décrets, portant la date du 17 janvier, abolit un grand nombre de petites taxes peu productives, mais, en revanche, très vexatoires, et dont la suppression était depuis longtemps réclamée par tous les bons esprits. Le second, daté du 18 janvier, ajoute une surtaxe de 150,000 livres égyptiennes à l'impôt ouchouri, et prépare ainsi le triomphe prochain du grand principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. Comme les possesseurs des terres ouchouri tenaient leurs privilèges d'abus séculaires et non d'un engagement bilatéral pris par l'État, je ne puis qu'applaudir à la mesure qui les rapproche de la condition où se trouve la majorité de leurs concitoyens. Si j'ai un regret à exprimer, c'est uniquement celui qu'on n'ait pas pu diminuer d'autant l'impôt kharadji, payé par les fellahs. Le fâcheux état des finances égyptiennes rendait impossible une péréquation comprise de cette manière.

Le dernier des décrets sur lesquels j'attire l'attention de Votre Excellence règle le budget de l'Égypte pour l'exercice courant. Il arrête à 8,561,622 livres égyptiennes les prévisions de recettes de l'année, et les dépenses du Gouvernement à 3,641,544 livres égyptiennes, somme à laquelle s'ajoute le tribut dû à la Sublime Porte, soit 683,486 livres égyptiennes. L'excédant des recettes sur les dépenses, qui est de 4,238,592 livres égyptiennes, devra, ainsi que le fait observer l'exposé des motifs accompagnant le décret, servir de base aux dispositions qui seront arrêtées pour le règlement de la dette publique.

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No 11

Le Baron de Ring à M. de Freycinet.

Le Caire, le 4 février 1880.

La question qui, pour le moment, prime toutes les autres en Égypte est celle de savoir si les gouvernements parviendront bientôt à se mettre d'accord sur la Commission de liquidation; et je crois, pour ma part, ne pas devoir dissimuler à Votre Excellence que si elle reste plus longtemps en suspens, non seulement la situation des contrôleurs européens sera grave. ment compromise, mais en outre le gouvernement Égyptien perdra toute autorité. Les contrôleurs s'en sont expliqués loyalement; l'état d'incertitude où ils se trouvent ne peut pas durer davantage, sans qu'il en résulte les plus graves inconvénients.

En attendant, les dettes de l'Égypte s'augmentent par l'accumulation d'intérêts excessifs, les services souffrent, l'autorité morale du pouvoir est annihilée, une foule d'intérêts infiniment respectables ne reçoivent pas satisfaction. Prenons un exemple: voici les employés et les pensionnaires de l'État qui réclament leurs arriérés. Tout le monde reconnaît la légitimité de leurs droits, et pourtant les gouvernements européens hési tent à répondre catégoriquement à la demande du gouvernement Égyptien qui voudrait être autorisé à consacrer une portion de l'argent provenant de l'emprunt Rothschild à faire vivre ces malheureux.

Signé: N. DE RING.

No 12

Le Baron de Ring à M. de Freycinet.

Le Caire, le 5 février 1880.

Monsieur le Ministre, M. de Blignières vient de m'envoyer la lettre dont Votre Excellence trouvera ci-jointe une copie. Les difficultés au milieu desquelles se débattent les contrôleurs généraux y sont exposées avec une grande netteté. Je ne puis

que m'associer aux conclusions que Votre Excellence y trouvera formulées, conclusions qui du reste ne diffèrent guère de celles que j'énonçais moi-même dans ma dépêche en date d'hier.

Veuillez agréer, etc.

Signé: N. DE RING.

ANNEXE A LA DÉPÊCHE DU BARON DE RING, EN DATE DU 5 FÉVRIER 1880.

M. de Blignières, Contrôleur général français des Finances
égyptiennes au Baron de Ring.

Le Caire, le 5 février 1880.

Monsieur le Baron, depuis le 26 janvier, jour où j'exprimais à M. le Ministre des Affaires Étrangères l'espoir que, par suite d'une entente avec les créanciers, on pourrait peut-être terminer la liquidation financière sans le concours d'une commission, la situation s'est modifiée. Je devais compter à ce moment que le gouverneur du Crédit foncier maintiendrait la proposition qu'il m'avait fait faire, et un arrangement avec le plus important des créanciers de l'Égypte aurait vraisemblablement entraîné l'acceptation par la masse des créanciers des conditions que nous pouvions leur offrir.

L'attitude du Crédit foncier a, au contraire, modifié les dispositions conciliantes qui s'étaient tout d'abord manifestées.

On a vu que le grand syndicat espérait, en se refusant à tout arrangement, arriver, comme les créanciers hypothécaires, au payement intégral non seulement du capital, mais de tous les intérêts de sa créance. Tous les autres créanciers de la Dette flottante, en résistant de la même manière, espèrent arriver au même résultat. Les porteurs de titres de la dette unifiée ont intenté un procès pour faire condamner le Gouvernement au payement du solde des échéances qui restait en souffrance, c'est-àdire d'une somme de 1,683,000 livres et les propriétaires dont les intérêts ont été lésés par la suppression de la Moukabalah demandent de leur côté aux tribunaux que le décret qui l'a supprimée et a rétabli l'impôt foncier à son taux primitif soit considéré comme nul et comme non avenu.

D'autre part, les gouvernements Russe et Grec s'opposent, diton, au payement des arriérés de traitements et de pensions sur

les fonds de l'emprunt Rothschild. Enfin, ces fonds mêmes ne sont pas à notre disposition par suite des difficultés nouvelles soulevées au sujet du payement des impôts.

Le Gouvernement Égyptien n'a ni les ressources nécessaires pour payer tout ce qu'il doit, ni les pouvoirs nécessaires pour imposer à ses créanciers une réduction ou un atermoiement. Les condamnations s'accumulent: celle que prononcera certainement la Cour d'Alexandrie au sujet des fractions de coupons arriérés sera absolument inexécutable. Le droit même de faire des lois d'impôt est en ce moment contesté au Gouvernement par l'action intentée au sujet de la Moukabalah.

Enfin, la Caisse de la Dette proteste contre les mesures provisoires que nous avions prises pour réserver la possibilité de modifier à partir du 1er janvier dernier les conditions dans lesquelles s'effectue le service de la Dette et annonce l'intention de demander aux tribunaux le maintien d'un état de choses qui ne peut durer, mais qu'une loi seule peut régulièrement modifier.

Cette situation ne peut se prolonger sans compromettre l'organisation actuelle et créer d'inextricables embarras. Il est indispensable, ou que nous soyons autorisés à conseiller au Gou vernement de prendre l'initiative d'une solution qu'appuierait l'autorité des Gouvernements Anglais et Français, ou qu'une Commission de liquidation se réunisse à bref délai.

Je vous serai reconnaissant, Monsieur le Baron, de vouloir bien, si vous le jugez à propos, exposer ces considérations au Gouver nement Français.

Veuillez, etc.

Signé: BLIGNIÈRES.

No 13

Note remise à M. de Freycinet par Lord Lyons, le 7 février 1880.

(Traduction.)

Lord Salisbury a examiné la note de M. de Freycinet à Lord Lyons en date du 20 janvier. Il adhère, à une exception près, aux modifications proposées dans le nouveau projet de décret qu'elle renferme. Cette exception est relative à la participation

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