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avait reçu lui-même l'assurance du Sultan et du Ministre des Affaires Etrangères, qu'on pouvait considérait comme clos l'incident Égyptien.

Je dis à M. d'Aunay que le Gouvernement de Sa Majesté avait les mêmes objections, que le Gouvernement Français, à une occupation Turque en Égypte, dans les circonstances présentes. Ce serait un grand malheur. Mais que la mission d'un général Turc en Égypte à l'époque de la crise était une autre affaire. Quoique de prime abord cela ne parut pas probable, plusieurs personnes très compétentes de ce Pays et de l'Egypte m'ont assuré que la présense d'un général Turc, soutenu simplement par l'approbation cordiale de l'Angleterre et de la France aurait eu pour effet d'arrêter, et même, en cas de nécessité, de disperser l'armée Égyptienne. L'abdication du dernier Khédive, un homme d'une grande fermeté de volonté, sous la pression de la force brutale, a été considérée comme un cas particulier.

Le Gouvernement de Sa Majesté avait décidé, par conséquent, à cette époque, de sonder la France sur cette question. Lorsque l'affaire lui a été expliquée, il n'a néanmoins donné aucune instruction pour faire une observation au Gouvernement Turc, et aucune représentation ne lui a été faite.

Depuis lors, l'acuité de la crise s'étant calmée, et le Gouvernement Français nous ayant fait connaître ses objections à la proposition, lord Dufferin avait, en conséquence de ses instructions, pressé le Sultan de ne prendre aucune part à cette affaire, et de se contenter du statu quo en ce qui concerne sa situation actuelle vis-à-vis de l'Égypte, situation que le Gouvernement de Sa Majesté désire maintenir.

M. d'Aunay me demande si le Gouvernement de Sa Majesté consentirait à l'expédition d'instructions identiques aux Représentants Anglais et Français en Égypte, dans le cas où le Sultan devait mettre à exécution l'intention annoncée par Sa Majesté d'envoyer un Commissaire en Égypte, et si nous voudrions suggérer la forme à donner à ces instructions.

Je dis que j'étais convaincu que mes collègues désireraient, si l'incident se produisait, qu'il y eut une parfaite entente entre les deux Pays, et que tout en ne voulant pas agir d'après des circonstances hypothétiques j'examinerai soigneusement, selon le vœu exprimé par M. Barthélemy-Saint-Hilaire, le projet d'une instruction identique à envoyer dans de semblables circonstances, et que je le soumettrais au Gouvernement Français.

Mais je fis remarquer que M. Malet n'était retourné à son

poste que récemment; que le Gouvernement avait grande confiance en son jugement, et qu'il aurait les meilleures occasions de se former une opinion compétente sur la situation après avoir communiqué sur place avec les autorités Égyptiennes et avec ses collègues Français et Anglais. Le Gouvernement de Sa Majesté désirait donc différer sa décision formelle, sur la question, jusqu'à la réception d'un rapport détaillé de M. Malet.

Mais j'ajoutai qu'il pouvait assurer M. Barthélemy-SaintHilaire que, malgré toutes les rumeurs qui pourraient circuler ici, en France, en Turquie, ou en Égypte, notre désir est d'agir en étroite et cordiale coopération avec la France.

N° 188

Le Comte Dufferin au Comte de Granville.

(Par télégraphe.)

Constantinople, 1er octobre 1881 3 P. M.

Le Sultan, après le Conseil des Ministres, a décidé d'envoyer Ali-Fuad-Bey, fils du dernier Grand Vizir, Ali-Pacha, en Égypte.

N° 189

M. Malet au Comte de Granville.

(Par télégraphe.)

Le Caire, 26 septembre 1881.

Le Ministre de la guerre m'informe ce matin que le Décret militaire a été communiqué hier à l'armée, et qu'il a été bien accueilli. Des ordres ont été donnés pour envoyer à Damiette le régiment noir commandé par Abdul-Aal.

N° 190

Le Comte de Granville au Comte de Dufferin.

Mylord,

Foreign-Office, 2 octobre 1881.

J'ai reçu votre télégramme du 1er courant, m'informant que le Sultan s'est finalement décidé à envoyer en Égypte un Com

missaire Turc, et j'ai à prier Votre Excellence de déclarer à la Porte que, la crise en Égypte étant calmée, en apparence, et Votre Seigneurie ayant reçu l'assurance que l'incident pouvait être considéré comme clos, le Gouvernement de Sa Majesté a appris avec surprise et regret la décision prise par le Sultan, et Votre Excellence demandera en quelle qualité et dans quel but Ali-Fuad-Bey est envoyé.

Si on persistait dans cette intention, vous auriez à insister fortement, pour qu'aucune tentative ne soit faite, par le Commissaire Turc, pour intervenir dans l'Administration intérieure du Pays.

J'ai informé le Gouvernement Français du contenu de cette dépêche à Votre Excellence.

Mylord,

N° 191

M. Malet au Comte de Granville.

Le Caire, 21 septembre 1881.

En conformité de la permission que m'a accordée Votre Excellence, je me suis rendu à Constantinople, avant de retourner à mon poste, pour conférer avec lord Dufferin sur les Affaires d'Égypte et de faire connaître à Son Excellence la situation réelle, telle qu'elle existe au Caire. En soumission à une requête faite par le Sultan, lorsque j'ai quitté Constantinople pour prendre mon poste en Égypte, j'ai informé Sa Majesté, par l'Ambassadeur du Gouvernement Anglais, de ma présence et je fus reçu en audience le 13 courant.

Les nouvelles de la démonstration militaire, au Caire, le 9 courant, qui avait arraché au Khédive le renvoi du Ministère Riaz, fut le principal sujet de notre conversation. Sa Majesté semble croire qu'il est impossible que les officiers Égyptiens aient agi de la sorte sans y être poussés par une intrigue.

Comme je demandais à Sa Majesté si elle se proposait de faire une démarche en réponse à la demande de secours qu'on disait lui avoir été adresssée par le Khédive, il répondit qu'il n'avait pas encore de détails suffisants sur l'origine et la nature du mouvement pour déterminer ce qui devrait être fait. Il fit observer que les militaires faisaient trois demandes : 1° le renvoi du ministère; 2o une Constitution, et 3° une augmentation de l'armée. Au sujet du premier point, Sa Majesté fit remarquer que la chute des ministres devant l'expression populaire de la

volonté du Pays, n'était pas un événement inusité; que, dans cette circonstance le sentiment public avait évidemment trouvé son porte-voix dans l'armée; que c'était regrettable, mais qu'il ne pensait pas qu'il fallût s'y opposer.

Quant au second point, Sa Majesté dit qu'elle ne pouvait y consentir, il ne lui était pas possible d'accorder une Constitution à une province de ses États et de la refuser aux autres.

Pour le troisième point, il fit observer que la force d'une armée devait dépendre des nécessités d'un Pays; qu'il n'avait pas des informations suffisantes sur l'Égypte pour être à même de dire de prime abord que le contingent actuel de l'armée fût proportionné, quoique son impression à cet égard fût affirmative.

Je dis que, naturellement, la situation en Égypte avait donné lieu au Gouvernement de Sa Majesté de me consulter sur la mesure à prendre en Égypte, dans le cas où l'insubordination militaire devait continuer, et que j'avais exprimé la pensée que le remède était entre les mains de Sa Majesté comme suzerain du Khédive que j'ai exprimé cette opinion, parce qu'elle me semblait être la seule qui fût en harmonie avec la politique gé nérale de l'Angleterre, vis-à-vis de l'Égypte, et qu'elle n'était évidemment pas une politique d'agression; que notre unique objectif est de maintenir le calme et une bonne administration dans le Pays qui était notre grand chemin pour les Indes, que si, par conséquent, une répression armée devait malheureusement devenir nécessaire, il me semblait qu'elle devrait être employée par le pouvoir souverain. J'ajoutai que je n'avais reçu aucune instruction à cet égard de Votre Seigneurie; car avant mon départ d'Angleterre les nouvelles d'Égypte ne laissaient point prévoir l'imminence d'un mouvement militaire, et que j'avais espéré pouvoir atteindre mon poste et faire un rapport sur l'état des affaires avant que des instructions particulières devinssent nécessaires.

Sa Majesté exprima une grande satisfaction relativement aux opinions que j'avais émises. Il ajouta qu'il comprenait parfaitement les intérêts de l'Angleterre et que quelle que soit la mesure qu'il puisse être forcé de prendre il aurait l'assentiment du Gouvernement de Sa Majesté, car son désir est d'agir d'accord avec lui.

Je retournai à Thérapia pour faire connaître à lord Dufferin la substance de ma conversation avec Sa Majesté, et j'ai quitté Constantinople cet après-midi pour Alexandrie.

J'ai, etc.

Signé: EDWARD B. MALET.

N 192

M. Malet au Comte de Granville.

(Extrait.)

Le Caire, 21 septembre 1881.

J'ai l'honneur d'informer Votre Seigneurie qu'à mon arrivée ici, dans la soirée du 18 courant, je reçus un message du Khédive, me demandant d'aller le voir le lendemain matin à 10 heures.

Son Altesse me raconta les événements du 9 courant qui ont déjà été rapportés en détail à Votre Seigneurie par M. Cookson. Il envisageait l'avenir avec découragement, car, disait-il, il ne pouvait plus croire aux protestations de fidélité faites par les officiers de l'armée. Il confirma ce qui m'avait été dit sur ce qu'il ne s'attendait nullement au mouvement. Il en reçut les premières nouvelles par un garçon de ferme, qui vint dans la matinée au Palais lui dire d'une voix tremblante que les troupes arrivaient au Caire de l'Abassieh, à trois milles de distance, pour tuer Son Altesse.

J'avais entendu dire que Son Altesse avait exprimé peu de confiance au pouvoir de Chérif-Pacha de réduire l'armée à l'obéissance, et mon intention avait été de faire comprendre tout particulièrement à Son Altesse l'absolue nécessité de faire croire, à tout hasard, au public, qu'il avait pleine confiance en son nouveau ministère. Son Altesse cependant me prévint en disant que l'unique parti à prendre, pour lui, était de donner plein pouvoir à Chérif-Pacha et de se confier entièrement à lui, car il était son unique planche de salut.

Je dis à Son Altesse qu'à moins que l'armée ne fasse un nouveau mouvement, l'intervention de la Porte était, je crois, abandonnée; qu'il devait songer que si une telle intervention devait avoir lieu, ce serait un malheur pour son Pays et qu'elle pourrait devenir un danger pour lui-même; et je le suppliai de se laisser guider implicitement par Chérif-Pacha, dans ses communications avec la Porte.

Son Altesse s'exprima dans les termes les plus chaleureux sur l'assistance que lui avait prêtée M. Colvin et M. Cookson pendant les terribles incidents du 9 courant.

Je me rendis dans l'après-midi chez Chérif-Pacha, que je ne connaissais pas encore. Pendant la période du ministère de Riaz-Pacha, Son Excellence avait mené une vie retirée, et je ne l'avais pas rencontré.

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