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soit le 19, soit plus tard, suivant l'époque de l'arrivée du cuirassé

anglais.

Signé: BARTHÉLEMY-SAINT-HILAIRE.

N° 273

M. Challemel-Lacour à M. Barthélemy-Saint-Hilaire.

Londres, le 17 octobre 1881.

M. Malet a fait savoir au Gouvernement anglais que les Commissaires Turcs ont décidé qu'ils partiront pour Constantinople demain.

Signé CHALLEMEL-LACOUR.

No 274

M. Barthélemy-Saint-Hilaire à M. Sienkiewicz.

Paris, le 17 octobre 1881.

J'ai lu vos dernières dépêches avec grande attention et avec un vif intérêt. La prépondérance incontestable de la France et de l'Angleterre en Égypte tient à des causes d'une force irrésistible. La France a, dans ce pays, comme dans toute cette partie de l'Orient, des traditions séculaires qui lui ont constitué un prestige et une autorité qu'elle ne peut pas laisser s'amoindrir. A la fin du siècle dernier, notre expédition moitié scientifique, moitié militaire, a ressuscité l'Égypte qui, depuis lors, n'a pas cessé d'être l'objet de notre sollicitude et de celle de l'Europe. C'est un officier français qui a organisé l'armée égyptienne sous Méhémet-Ali; en 1840, la France risquait une guerre curopéenne pour soutenir les droits du Vice-Roi. Quinze ans après, clle a entrepris et achevé en quelques années le canal de Suez qui a ouvert une voie nouvelle au commerce de l'univers; et le développement prodigieux du trafic qui y passe déjà prouve combien cette œuvre était utile. Enfin la France a, sur toutes les parties du sol égyptien, une colonie très nombreuse qui a droit de compter sur la protection la plus efficace.

L'Angleterre a, de son côté, une position qui, sans être identique, n'est pas moins considérable. Si sa colonie n'est pas, à beaucoup près, aussi nombreuse, si sa part n'est pas aussi impor

tante dans l'œuvre du canal de Sucz, c'est elle qui en forme presque toute la clientèle, puisque ses bâtiments de toute sorte qui y passent composent à peu près les quatre cinquièmes du trafic total. De plus, le canal qui joint la Méditerranée à la mer Rouge est désormais pour la Grande-Bretagne la voie indispensable qui la met en rapport avec cette incomparable colonie de 250,000,000 de sujets qu'elle possède dans les Indes.

On peut donc dire que la France et l'Angleterre, tout en ayant en Égypte des intérêts de nature fort différente, y ont pourtant des intérêts égaux; et de là vient pour les deux Pays la nécessité impérieuse de s'accorder pour la défense de ces intérêts. Les deux Puissances protectrices de l'Égypte ne sauraient lui manquer sans se manquer essentiellement à elles-mêmes, sans manquer à la civilisation et à l'humanité.

Ces vérités qui doivent éclater à tous les yeux se manifestent depuis quelques années par la restauration inespérée des finances égyptiennes, à laquelle les deux Puissances ont concouru dans une égale proportion. Les contrôleurs généraux anglofrançais ont rétabli le crédit et fait renaître une confiance qui promet à un Pays presque ruiné une prospérité de plus en plus étendue. Pour les créanciers européens de l'Égypte, c'est une fortune qu'ils n'attendaient plus. Ces créanciers sont surtout anglais et français; mais les autres nations avaient pris part aussi aux emprunts de l'ex-Khédive, et par conséquent, ce ne sont pas l'Angleterre et la France seules qui profitent de ces excellents résultats.

Cet exemple de la restauration financière n'est pas le seul que l'on puisse citer, mais il suffit pour démontrer tout ce que peut produire la bonne intelligence de deux nations puissantes et civilisées, si elle s'applique avec la même énergie et la même impartialité à d'autres objets et à d'autres branches de l'administration publique.

Ces considérations supérieures et décisives doivent tracer aux agents de la France et de l'Angleterre la ligne de conduite qu'ils ont à suivre dans leurs rapports mutuels et dans leurs rapports avec le Gouvernement khédivial. Bien comprises et bien appliquées, elles doivent prévenir bien des luttes et adoucir bien des froissements qui peuvent naître dans les affaires et les incidents de chaque jour. Le but auquel doivent tendre les agents des deux Pays, c'est de toujours maintenir la balance égale et de faire à la concorde indispensable tous les sacrifices qu'elle exige. Il faut tâcher que, dans tous les services auxquels participent les Anglais et les Français, la part soit identique autant que pos

sible; et quand, par la nature des choses, elle ne peut pas l'être, il faut au moins que des compensations équitables rétablissent l'équilibre. Il ne doit pas y avoir de rivalités; il ne doit y avoir qu'un concours sympathique et une émulation qui rapprochent les personnes loin de les diviser.

Les deux nations, outre leurs intérêts propres, ont un devoir éminent à remplir envers le peuple égyptien; et pour elles, ce doit être là une obligation sérieuse pour s'unir de plus en plus étroitement. On ne peut se dissimuler que, depuis plus de soixante ans que la civilisation pénètre sous toutes les formes en Égypte, elle y a déposé des germes qui s'accroissent de jour en jour et qui ne peuvent manquer de se développer. Il ne nous serait pas aisé de juger d'ici quelle est au juste la puissance de ces aspirations légitimes ni comment on pourrait les satisfaire. Mais ces aspirations sont trop réelles, et à certains égards trop justifiées pour qu'on puisse les négliger ni surtout songer à les étouffer. Ce qu'est précisément le parti dit national en Égypte, de quels éléments il se compose, quelles sont ses demandes raisonnables, comment peut-on y faire droit? c'est là ce que doivent spécialement nous apprendre nos agents, qui, placés sur les lieux, voient les choses de plus près et sont les seuls à les bien voir. C'est une étude à laquelle vous vous appliquez avec le zèle le plus intelligent, et qui vous mettra à même de nous fournir les lumières qui nous manquent. La réunion des Notables, qui aura lieu dans deux mois, vous offrira une occasion précieuse dont vous saurez faire usage.

Mais quels que soient les progrès qu'a faits l'Égypte depuis un demi-siècle, il est de la dernière évidence que, pour se gouverner elle-même, elle a besoin longtemps encore de la tutelle de la France et de l'Angleterre. Par elle seule, elle ne pourrait surmonter les difficultés de tout genre qui s'opposent à sa régénération et qui ne peuvent pas disparaître au gré de désirs impatients et peu réfléchis. La réforme sera longue et pénible; mais si quelque chose peut en hâter la marche et en garantir le succès, c'est certainement l'intervention de deux peuples fort éclairés dont l'expérience peut tant profiter à un peuple moins avancé. C'est un rôle que la France et l'Angleterre ont assumé déjà en partie et qu'elles sont forcées d'assumer tous les jours. davantage. Plus l'Égypte sera riche, tranquille, régulièrement administrée, plus les deux nations qui lui auront procuré tous ces biens seront engagées à continuer leur œuvre. La prospérité de l'Égypte n'a rien d'incompatible avec la coopération de la France et de l'Angleterre; et c'est dans cette prospérité même

qu'elle pourra trouver plus tard l'indépendance administrative à

laquelle elle vise.

Signé BARTHÉLEMY-SAINT-HILAIRE.

N° 275

L'amiral Cloué, Ministre de la marine et des colonies,
à M. Barthélemy-Saint-Hilaire.

Paris, le 18 octobre 1881.

J'ai l'honneur de vous faire connaître que je viens d'inviter M. le commandant de l'Alma à quitter Alexandrie en même temps que le bâtiment de guerre anglais attendu, et aussitôt après le départ des Commissaires turcs.

En partant d'Alexandrie, l'Alma retournera au Pirée, où elle reprendra sa station.

Signé : CLOUÉ.

N 276

M. Challemel-Lacour à M. Barthélemy-Saint-Hilaire.

Londres, le 18 octobre 1881. Ce n'est que demain et peut-être jeudi que l'Invincible arrivera devant Alexandrie.

M. Malet a déjà reçu l'ordre de l'inviter à se retirer immédiatement. J'ai prévenu lord Tenterden que l'Alma attendrait l'arrivée du navire anglais et se retirerait en même temps que l'Invincible.

Signé CHALLEMEL-LACOUR.

No 277

Sir E. Malet au Comte de Granville.

(Par télégraphe.)

Le Caire, 18 octobre 1881.

Les Envoyés Turcs ont quitté le Caire à 1 h. pour se

rendre à Alexandrie.

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M. Barthélemy-Saint-Hilaire m'a dit, ce soir, qu'il venait de recevoir un télégramme d'Alexandrie, annonçant que les Envoyés Turcs ont réellement quitté l'Égypte.

Il dit que dans ce cas il allait faire envoyer des instructions télégraphiques au capitaine du cuirassé français Alma d'avoir à s'entendre avec le capitaine du cuirassé de Sa Majesté, l'Invincible, de façon à ce que les deux vaisseaux quittent Alexandrie sans délai et simultanément.

J'ai déjà eu l'honneur d'envoyer à Votre Seigneurie la substance de cette dépêche, par télégraphe. J'ai, etc.

N° 280

Signé : LYONS.

Le Comte de Granville à Lord Ampthill.

Mylord,

Foreign-Office, 19 octobre 1981.

L'Ambassadeur allemand m'a fait une visite à Walmer Castle le 2 courant, à son retour d'Allemagne. Nous avons eu une conversation sur les récents événements en Égypte, et sur la décision du Sultan d'envoyer une mission turque au Khédive.

Le comte Münster m'a assuré que la nouvelle d'après laquelle le Sultan ou la Porte en aurait appelé à l'Allemagne pour implorer son conseil ou son appui, est sans aucun fondement. Il croyait, disait-il, qu'il y aurait eu une tentative dans ce sens, mais le Chargé d'Affaires allemand avait reçu pour instruction

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