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sera, au bout d'un temps assez court, renversé; nos monarchies, en ce siècle, ont duré de quinze à dix-huit ans sans révolution. La critique est éveillée, la presse est libre, un pouvoir nominal et personnel, pour durer, devrait être quasi infaillible et d'une force inlassable. Toujours saint Louis et Napoléon. C'est au-dessus des forces humaines. Et tel est le secret de la durée de la République en France.

S'adressant à M. Maurras, M. Maurice Barrès écrivait tout récemment : « Ne pouvant faire que ce qui vous paraît raisonnable soit accepté de tous, pourquoi ne tâchez-vous pas que ce que la majorité accepte devienne raisonnable (1)? » Et ce conseil est le bon sens même. On ne peut détruire la démocratie. Mais la démocratie, si elle continue à être mauvaise, peut fort bien détruire la France. Elle est, d'ailleurs, guérissable. Travaillons donc à la guérir. Il faut donner au peuple-citoyen une éducation civique, une éducation morale. Travaillons donc à la lui donner. Parlons, écrivons, agissons et, surtout, moralisons. Mais apprenons la langue de la République et de la démocratie. Le peuple n'écoute que ceux qui lui parlent ce langage. Parlons donc en républicains et en démo

(1) Lettre du 22 août 1900 publiée dans la Gazette de France du 28 août.

crates. Ne croyons pas qu'il suffise de prendre un jargon, de se servir de quelques formules. Revivifions les formules en nous imprégnant de l'idée républicaine, de l'idée démocratique. Traitons tous nos concitoyens comme des hommes libres, comme nos égaux. Oublions les condescendances aristocratiques et parlons fièrement à des hommes fiers qui nous écoutent debout. Soyons persuadés qu'ils nous valent. Faisons-leur sentir non seulement que nous les aimons, mais aussi que nous les respectons. Ayons le respect du peuple, du paysan, de l'ouvrier. Ils ont leurs défauts, mais aussi de bien grandes qualités. Et, d'abord, ils travaillent, ils peinent avec courage, avec constance, leurs mains calleuses nous doivent être sacrées, et leur étreinte virile nous réconforte après tant de serrements accordés à des mains molles et veules. Puis, ils s'aident les uns les autres, admirables de solidarité et de dévouements mutuels même dans leurs plus graves erreurs sociales. De plus, ils ont le bon sens, la tendance innée à la justice, le premier plus développé chez le paysan, la seconde plus puissante chez l'ouvrier. Même inculte, leur esprit est capable de saisir les vérités de l'ordre élevé pour peu qu'on sache s'y prendre. Les adversaires du catholicisme ont, jusqu'ici, à peu près seuls discouru. Il faut que les

catholiques se fassent entendre au peuple. Qu'ils aient à la fois l'habileté et la justice de ne pas lui demander d'abdiquer d'abord sa puissance et sa liberté civique. Qu'ils lui fassent enfin entendre que, s'ils veulent défendre leur Dieu, conserver à la France sa foi séculaire, ce n'est pas par esprit de réaction, parce qu'ils ne sont ni républicains ni démocrates; que c'est, au contraire, parce qu'ils le sont; qu'ils fassent donc voir que l'idée républicaine, que l'idée démocratique ne peuvent produire des fruits viables, étant donnée la nature humaine, que si elles sont basées sur une morale profonde du désintéressement, de la charité, de la justice, autant dire sur le christianisme, et que donc si nous voulons maintenir le catholicisme dans la France républicaine et démocratique, ce n'est pas pour détruire la démocratie et la République, mais, au contraire, pour les conserver, non pour les étouffer ou les atrophier, mais pour augmenter la richesse, la force, la sève profonde de leur vie.

FIN

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La Chapelle-Montligeon. - Imp. de N.-D. de Montligeon.

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