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PRÉFACE

Les chapitres qui composent ce volume, bien que ne se suivant pas rigoureusement les uns les autres, sont cependant reliés intérieurement les uns aux autres bien plus étroitement qu'il ne peut pa-. raître de l'extérieur à la simple lecture des titres. Ils ont constitué des moments d'une même œuvre, ils ont, j'en suis sûr, une unité d'inspiration et, je le crois, une unité de pensée, mais ils constituent aussi, chacun à sa place, des articulations organiques d'une doctrine sociale qui paraît, si l'on ne se trompe, assez cohérente et assez solide. C'est afin de tracer en bref les grandes lignes de cette doctrine, d'y marquer la place des chapitres qui vont suivre que ces lignes sont écrites.

Chacune des pages de ce livre a été un moment de l'action continue à laquelle, depuis qu'il tient une plume, l'auteur n'a cessé de travailler, et qui consiste à se demander comment il lui est possible d'acclimater sans les altérer ses sentiments et ses

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pensées de catholique parmi les milieux nouveaux créés par les luttes de la pensée et les mouvements politiques et sociaux. On sait assez que c'est à cette euvre que la Quinzaine s'est consacrée. Les amitiés chaudes, les larges et intelligentes sympathies, qui sont venues à cette Revue des côtés les plus divers, et surtout la bienveillance extrême que, cette année même, le grand Pontife Léon XIII a daigné témoigner à son directeur, compensent et au delà toutes les colères que son attitude a pu soulever. Les injures tombent, les injustices deviennent caduques, les cabales sont impuissantes et les jalousies doivent se taire, la vérité de l'idée triomphe et sa fécondité rayonne. Il faut toujours marcher droit sa route avec la même sérénité souriante. La colère a toujours tort, et si la sottise est immortelle, les sots meurent et avec eux leurs sottises.

C'est pour tuer quelques sottises que tous ces chapitres ont paru d'abord dans la Quinzaine sous forme d'articles. Quelques-uns avant d'être écrits avaient été parlés sous forme de conférences en diverses villes, devant divers auditoires. A Bruxelles, devant les Étudiants catholiques appelés à lutter plus tard contre les « libéraux » belges, l'auteur traita de la Crise du libéralisme; à Lyon, devant la Société populaire d'économie sociale, il essaya de définir aux membres de cette Société qui s'exerce

à la solidarité sociale, la genèse, la nature et les fonctions du Sens social; au Congrès sur le droit d'association présidé par M. Lamy, il exposa les principes juridiques du Droit d'association; appelé à Saint-Quentin pour inaugurer devant des ouvriers une série de conférences destinées à combattre le socialisme, il mit en présence la Condition du travailleur dans le socialisme et dans le catholicisme. Devant les séminaristes de Besançon, d'Évreux, de Saint-Sulpice à Paris, il exposa comment le catholicisme n'entre pas nécessairement en conflit avec le désir qu'ont les modernes de conserver leur autonomie spirituelle et on pourra retrouver les principales idées développées en ces conférences au § 5 du chapitre IV sur l'Ordonnance sociale; enfin au collège des Sciences sociales, devant un auditoire composé en majeure partie de non-catholiques, l'auteur rechercha s'il Y avait entre les croyants et les non-croyants quelques points communs par où pourrait commencer à se faire l'Entente morale et de cette conférence sont tirées les principales idées du § 6 du même chapitre.

Ces entretiens forment maintenant les principaux chapitres de ce livre. On y a cependant voulu ajouter quelques autres études pour les mieux relier les uns aux autres et enfin pour leur donner comme une conclusion pratique.

L'ouvrage entier a pris pour titre : La Crise sociale, parce qu'il a été inspiré par l'état social incertain que nous traversons. Pour reprendre une comparaison de Taine, nous assistons à un phénomène historique semblable à ce phénomène biologique qu'on appelle mue : une chenille devient papillon, un têtard devient grenouille. Depuis cent ans en France nous sommes à l'état chrysalidal, nous passons de l'état monarchique à l'état démocratique. Un tel état essentiellement transitoire et anormal ne va pas sans fièvre, sans anémie, sans troubles de toute nature. Nous traversons donc une Crise, nous sommes en Révolution. Les institutions organiques du passé peu à peu s'atrophient et meurent, d'autres travaillent à se former sous la poussée d'une finalité immanente, à travers les tatonnements maladroits d'une vie qui cherche les moyens de vivre. Cet état de malaise, à la fois débile et surexcité, est vivement senti par tous. Tous en souffrent et voudraient au plus tôt le voir cesser. Pour cela les uns, qu'on appelle des conservateurs, sans doute parce qu'ils ont horreur de ce qu'ils n'ont pas vu encore, se cramponnent au passé, ils maudissent la Révolution; les autres, impatients, voudraient aller plus vite encore vers l'avenir, ils détestent le passé et ne peuvent guère supporter le présent même, c'est pour cela qu'ils sont révolu

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