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faite, celui qui l'a affermie, et qui ne l'a point créée pour être une chose vaine, mais qui l'a formée afin qu'elle fût habitée: Je suis l'Eternel, et il n'y en a point d'autre. » (Esaïe XLV, 18.) Le prophète se serait-il exprimé de cette manière si Dieu avait créé la terre pour être brûlée et réellement détruite? Non, l'œuvre de régénération que doit accomplir le Messie n'est pas limitée à l'âme de l'homme : elle s'étend aussi à son corps et à la terre qu'il habite.

On a beaucoup écrit sur le LIII® chapitre d'Esaïe, et cependant il est impossible de le passer sous silence dans un livre tel que celui-ci. Les juifs acceptent ce chapitre, ce qui prouve d'une manière frappante quelle part a la volonté dans la croyance et l'incrédulité. L'incrédulité ne vient pas, comme le prétendent les incrédules, de ce qu'on ne parvient pas à trouver des preuves suffisantes, mais de ce qu'on ne les cherche pas. Dans bien des cas, on a un parti pris de ne pas chercher l'évidence, et de la repousser quand elle éclate à nos yeux. Les adversaires des juifs leur présentent ce chapitre, depuis dix-huit siècles, comme une preuve concluante que Jésus de Nazareth a droit au titre de Messie; et cependant les

juifs n'ont pas encore un commentaire autorisé de ce chapitre! Plusieurs explications ont été mises en avant par des juifs; mais aucune n'a paru assez satisfaisante à la généralité pour mériter d'être considérée comme l'opinion reçue sur ce sujet. Ce qui le prouve mieux que tout ce que nous pourrions dire, c'est le silence significatif d'un des plus sensés de leurs auteurs modernes, David Lévi, qui, pour se tirer d'embarras, omet entièrement ce chapitre dans ses « Dissertations sur les prophéties de l'Ancien Testament. » Il divise le livre d'Esaïe en quatorze prophéties distinctes, et dit que « la neuvième prophétie commence au chapitre LI, 1, et finit à la fin du verset 12 du chapitre LII (vol. I, p. 282); et que la dixième prophétie commence au chapitre LIV, 1, et finit au dernier verset du chapitre LV. (Vol. II, p. 1.) Qu'est-ce donc, je vous le demande, que la portion du livre qui commence chapitre LII, 13, et se termine à la fin du chapitre LIII? Ne ferait-elle donc pas partie du livre du prophète Esaïe? Aucun juif n'oserait le dire. Prétendra-t-on que ce n'est pas une prophétie? C'est ce qu'on ne peut admettre, cette portion du livre contenant aussi évidemment que les autres

des prédictions sur des événements à venir. Il est clair que c'est une prophétie que M. Lévi juge plus prudent de laisser de côté.

On ne peut douter que toute l'habileté que peuvent avoir les juifs a été mise en œuvre à l'occasion de ce chapitre. Qu'en est-il résulté ? RIEN. N'y a-t-il pas là, pour un juif sérieux, un juste motif de réfléchir et de se demander: D'où vient cela? On ne peut nier que les anciens commentateurs aient appliqué cette prophétie au Messie, et il est évident que la construction la plus naturelle exige qu'elle soit appliquée à un individu. Il a paru un individu qui s'est annoncé comme étant Celui dont avait parlé Esaïe. Ce personnage aurait-il passé dans ce monde sans laisser aucune trace dans l'histoire? Non, son nom et son histoire sont connus partout où la civilisation a pénétré; il a paru, et « le monde a changé de face. » Cet individu aurait-il été assez habile pour adapter ses actions aux prédictions de ce chapitre? On aurait pu le penser s'il eût été question dans cette prophétie d'actions à accomplir; mais elle ne prédit pas ce que le serviteur de l'Eternel devait faire, mais ce qu'il devait souffrir, les angoisses par lesquelles on

devait le faire passer : des choses qui défient l'habileté du plus adroit imposteur. Je m'adresse ici à mes frères juifs d'un ton sérieux et plein d'affection, et je leur demande s'il est raisonnable d'écarter, sans les avoir examinées à fond, des réclamations appuyées sur de semblables fondements, et si agir ainsi n'est pas laisser voir qu'on a un parti pris de ne pas vouloir être convaincu, ou plutôt que l'on redoute un examen qui amènerait nécessairement la conviction.

Dans ce merveilleux chapitre, qui ressemble plutôt à une histoire de Jésus de Nazareth, écrite après qu'il eut « livré son âme à la mort, » qu'à une prophétie prononcée plusieurs siècles avant sa naissance, nous apprenons quelle est l'œuvre expiatoire du Messie; nous voyons en lui le véri→ table agneau de l'oblation pour le péché, et l'accomplissement de tous les types et de toutes les ombres de la loi. Voilà quelle a été l'œuvre de souffrance et d'humiliation qu'il a dû accomplir, afin de ramener l'homme déchu à l'obéissance qu'il doit à Dieu, avant de pouvoir établir son glorieux règne dans cette province révoltée de l'empire de Dieu.

Dans les chapitres qui suivent, on passe alter

nativement des péchés des Israélites et des châtiments qu'ils leur attirent, à la vengeance que Dieu tire de leurs ennemis, et à la glorieuse consommation finale; le prophète retournant en arrière, selon son habitude, pour exposer avec plus de détails le sujet qu'il avait rapidement esquissé. L'œuvre du Messie se rattache à ces événements par les déclarations qui se lisent chap. LIX, 20; LXI, 1-3, et LXIII, 1-6. Ce dernier passage est une description solennelle et terrible de son second avénement, quand « il viendra du ciel, exerçant la vengeance avec des flammes de feu contre ceux qui ne connaissent point Dieu. »> (2 Thess. I, 7, 8.) Ces derniers chapitres d'Esaïe, comparés avec les passages parallèles qui se trouvent dans d'autres prophètes et dans le Nouveau Testament, fourniraient la matière d'un volume; je me contenterai d'indiquer quelques-uns de ces rapprochements.

La description du peuple juif qui se lit dans le chapitre LIX peut s'appliquer à diverses époques de son histoire, mais elle me paraît avoir un rapport particulier à l'état des juifs après ce retour dans leur pays que nous attendons encore. Elle s'accorde avec ce que dit Zacharie XIII, 8, 9,

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