Images de page
PDF
ePub

:

[ocr errors]

moire de la résurrection de Notre-Seigneur. Aussi voyonsnous que ce temps a été marqué par le Saint-Esprit dans les Psaumes : Vous êtes mon roi et mon Dieu, dit David; car c'est à vous, Seigneur, que j'adresserai ma prière, et je vous ferai entendre ma voix dès le matin. Dès le matin jeme présenterai devant vous et vous contemplerai. » Le Seigneur dit encore par un autre prophète : << Ils viendront vers moi de grand matin, disant : Allons, retournons au Seigneur notre Dieu. » Nous sommes encore obligés de prier sur la fin du jour quand le soleil se couche. Car comme Jésus-Christ est le vrai jour et le vrai soleil, c'est alors que nous devons demander qu'il nous éclaire, c'est-à-dire qu'il hâte son avénement pour nous donner la grâce de la lumière éternelle. Or que Jésus-Christ soit le jour, le Saint-Esprit le déclare dans les Psaumes quand il dit « La pierre que les architectes ont rejetée a été faite la principale pierre de l'angle. Elle a été ainsi placée par le Seigneur, et nous le voyons avec étonnement. C'est lui qui est le jour qu'a fait le Seigneur; marchons et nous réjouissons en lui. » Et qu'il soit un soleil, le prophète Malachie le témoigne par ces paroles : « Le soleil de justice se lèvera pour vous qui craignez la majesté du Seigneur, et vous trouverez votre guérison sous ses ailes. » Puis donc que, selon l'Écriture, Jésus-Christ est le vrai jour et le vrai soleil, et que les chrétiens sont dans JésusChrist, il n'y a point d'heure du jour où nous ne devions prier Dieu. Et quand la nuit vient, elle ne nous en doit point empêcher, parce que la nuit même est lumineuse pour les enfants de lumière. En effet, quand peut être sans lumière celui qui porte la lumière dans son cœur? ou quand ne fait-il pas jour et soleil pour celui de qui Jésus-Christ est le soleil et le jour? Ainsi, puisque nous sommes toujours en Jésus-Christ, c'est-à-dire dans la lumière, nous ne devons pas même durant la nuit cesser de prier. C'est ainsi qu'Anne, cette sainte veuve, veillait et priait sans relâche pour attirer sur elle les grâces de

Dieu, comme l'Evangile le témoigne : «Elle ne sortait point du temple, dit l'Évangéliste, servant Dieu nuit et jour par ses jeûnes et par ses prières. » C'est aux Gentils qui n'ont pas encore été éclairés de cette lumière, et aux Juifs qui l'ont perdue et qui marchent dans les ténèbres, à voir ce qu'ils ont à faire : mais pour nous, qui sommes toujours dans la lumière du Seigneur, et qui savons ce que nous avons commencé à être par la grâce que nous avons reçue, ne mettons point de différence entre la nuit et le jour. Croyons toujours marcher dans la lumière; que les ténèbres d'où nous sommes sortis ne nous fassent plus d'obstacle; que la nuit ne fasse point tort à nos prières et ne serve point de prétexte à notre paresse. Ayant été spirituellement renouvelés et régénérés par la miséricorde de Dieu, anticipons dès ici-bas l'état où nous serons un jour. Et comme dans le paradis il n'y aura plus qu'un jour qui ne sera suivi d'aucune nuit, veillons dès à présent durant la nuit comme durant le jour. Là nous prierons Dieu et le remercierons sans cesse; ne cessons donc point ici de le prier et de le remercier. (Saint Cyprien. De l'Oraison dominicale, Traité IVa.)

AD 385

XXII, DE LA CHARITÉ.

SAINT JÉRÔME A ASELLA.

Je ne serais pas sage si je me flattais de pouvoir vous marquer toute la reconnaissance que je vous dois. Car il n'y a que Dieu qui soit à même de vous en donner une récompense proportionnée à vos mérites. Pour moi, je me sens si peu digne de l'amitié que vous me témoignez en Jésus-Christ, que je n'aurais jamais pu croire, ni même souhaiter que vous m'en donnassiez des preuves si manifestes. Quoique je passe dans l'esprit de quelques-uns pour un scélérat et pour un homme plongé dans toutes sortes de crimes (ce qui est encore peu dire d'un pécheur tel que moi), c'est néanmoins en user d'une manière bien chrétienne que de juger favorablement, comme vous faites, de ceux qui sont véritablement méchants. Car il est toujours très-dangereux de « condamner le serviteur d'autrui; » et celui qui par malice empoisonne les bonnes actions des autres, a bien de la peine à obtenir le pardon de sa médisance. Un jour, un jour viendra où nous gémirons, vous et moi, des tourments auxquels plusieurs seront condamnés.

On m'accuse d'être un infâme, un fourbe, un homme artificieux, un menteur, un magicien. Lequel vaut mieux d'imputer faussement tous ces crimes à un innocent et d'ajouter foi à une si noire calomnie, ou de ne le vouloir

pas

croire lors même qu'il en est vraisemblablement coupable? Quelques-uns me baisaient les mains, tandis qu'ils déchiraient ma réputation de la manière la plus cruelle et la plus impitoyable. Ils me témoignaient de bouche qu'ils prenaient part à mes peines, et dans le fond du cœur ils se réjouissaient de mes disgrâces. Mais le Sei

gneur, qui découvrait tout ce qui se passait dans leur âme, se moquait de leur malice et se réservait de me juger un jour avec eux. L'un trouvait à redire à mon allure et à mon rire; l'autre remarquait dans les traits de mon visage je ne sais quoi de choquant; mes manières simples et naturelles paraissaient à d'autres suspectes et affectées. J'ai été de la sorte durant près de trois ans en butte à leurs censures et à leurs calomnies.

Je me suis trouvé plusieurs fois au milieu d'un cercle de vierges. J'ai expliqué souvent à quelques-unes l'Écriture sainte le mieux qu'il m'a été possible. Cette étude nous obligeait d'être souvent ensemble. L'assiduité donnait lieu à la familiarité, et la familiarité faisait naître la confiance. Mais qu'elles disent elles-mêmes si jamais elles ont remarqué dans ma conduite quelque chose d'indigne d'un chrétien. Ai-je jamais reçu un salaire de qui que ce soit? N'ai-je pas toujours rejeté avec mépris les présents, soit grands soit petits, qu'on m'a voulu faire? A-t-on entendu sonner dans mes mains l'argent que j'avais reçu de quelqu'un? A-t-on remarqué quelque parole équivoque dans mes discours? Je pardonne à mes ennemis d'avoir ajouté foi à celui qui m'a calomnié avec tant d'injustice; mais puisque aujourd'hui cet imposteur désayoue tout ce qu'il a inventé contre moi, pourquoi refusent-ils de le croire? C'est le même homme qu., après m'avoir imputé de faux crimes, déclare maintenant que j'en suis innocent. Au reste, ce qu'un homme confesse au milieu des tourments est bien plus croyable que ce qu'il dit en plaisantant. Mais peut-être aime-t-on mieux croire des impostures, parce qu'on trouve plus de plaisir à les entendre et qu'on force même les autres à les débiter.

Avant que je fréquentasse la maison de sainte Paule, tout Rome m'estimait et applaudissait à ma vertu; chacun me jugeait digne du premier trône de l'Eglise. Le pape Damase, d'heureuse mémoire, ne faisait rien sans moi; je passais pour un saint, pour un homme véritablement

humble et d'une érudition profonde. M'a-t-on vu entrer chez quelque femme d'une conduite peu régulière? Me suis-je attaché à celles qui se distinguaient par la magnificence de leurs habits, par l'éclat de leurs pierreries, par la beauté d'un visage fardé, par leurs richesses et leur qualité? N'y avait-il, n'y avait-il dans Rome qu'une femme pénitente et mortifiée qui fût capable de me toucher? Une femme desséchée par des jeûnes continuels, toujours triste, négligée jusqu'à inspirer du dégoût, devenue presque aveugle à force de pleurer, et qui passait les nuits entières en oraison; une femme qui n'avait point d'autres chants que les Psaumes, d'autre entretien que l'Évangile, d'autre plaisir que la continence, d'autre nourriture que le jeûne? N'y avait-il encore une fois qu'une femme de ce caractère qui pût avoir de l'attrait pour moi? Pénétré que j'étais de la sainteté d'une femme si chaste et si vertueuse, à peine ai-je commencé à la voir et à lui donner des marques de respect, d'admiration, d'estime, qu'aussitôt tout mon mérite a disparu, toutes mes vertus se sont évanouies.

O envie, qui commences par te déchirer toi-même ! ô ruses et artifices du démon, qui faites à ceux qui sont purs une guerre continuelle! De toutes les dames romaines, Paule et Mélanie sont les scules qui soient devenues la fable de la ville, elles qui, en abandonnant leurs biens et leurs enfants, ont porté devant tous la croix du Sauveur, comme l'étendard de la piété et de la religion. Si elles allaient au bain, si elles se servaient des parfums les plus exquis, si elles savaient profiter des moyens que leurs richesses et le veuvage leur fournissent de vivre avec plus de liberté, et d'entretenir leur luxe et leur vanité, alors on les traiterait avec vénération, on les appellerait saintes, Mais, dit-on, elles veulent plaire sous le sac et sous la cendre; elles veulent aller en enfer avec tous leurs jeûnes et toutes leurs mortifications; comme si elles ne pouvaient pas se damner avec la foule, en s'atti

« PrécédentContinuer »