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de choses, furent entièrement détrompées et reconnurent la profondeur de l'abîme qu'on avait ouvert sous leurs pas. Des intrus qui restaient encore, plusieurs firent, à l'exemple de leurs confrères, quoiqu'un peu plus tard et avec moins de mérite, une rétractation solennelle de leur schismatique serment. La plupart des autres ayant abjuré le sacerdoce, les catholiques eurent beaucoup moins à craindre de la jalousie de ces faux pasteurs, qui se montraient presque partout leurs plus ardens ennemis. Mais la fatale journée du 18 fructidor (1) réveilla la rage des impies. Les prêtres catholiques, qui n'avaient pas quitté la France, furent obligés de s'enfermer de nouveau dans leurs réduits. La continuation du ministère offrait les plus grands dangers; mais que pouvaient craindre des hommes dont la vie était un sacrifice journalier? rien ne devait leur être plus doux que de recevoir avec la mort le prix de leurs souffrances. Aussi plusieurs de ceux qui avaient échappé aux premières tempêtes, s'estimèrent-ils heureux de mêler leur sang au sang des justes qui les avaient précédés dans le ciel, et de cueillir la palme du martyre dans (1) Voyez les pièces justificatives, n.o 4.

l'exercice de leurs charitables fonctions. Les moins maltraités des ecclésiastiques qui tombèrent alors au pouvoir des méchans furent déportés aux îles de Rhé et d'Oléron. Quelques uns furent jetés dans la Guiane, d'où ils ne sont jamais revenus. La ville et le diocèse du Mans perdirent de la sorte un certain nombre de prêtres qui rendaient à la province des services importans.

Voilà l'aperçu général de la persécution que le clergé manceau eut à souffrir pendant la révolution Française (1). Nous allons maintenant entrer dans les détails.

On peut assurer que le clergé du Maine a perdu au moins la moitié des prêtres qui refusèrent le serment, soit dans les prisons, soit dans l'exil, soit dans les supplices. C'est de ce dernier genre de martyre que nous allons principalement nous occuper.

Le Mans fut la première ville du diocèse qui eut la douleur de voir couler le sang chrétien sur l'échafaud. Deux ecclésiastiques bien regrettables y payèrent de leur tête leur attachement à la foi, l'un le 9 mai 1793; l'autre le 19 mars de l'année 1794.

(1) Voyez les pièces justificatives, n.o 5.

M. Pierre-Jacques Bodereau, né au Mans et vicaire de la paroisse du Pré de cette ville, où il exerçait avant la révolution les fonctions de son ministère avec le zèle le plus édifiant, s'était réfugié à Coulombiers, dans le canton de Beaumont-sur-Sarthe, pour y attendre le sort qu'il plairait à la divine Providence de lui préparer. Il fut surpris dans son asile, amené au Mans et jeté dans les cachots. Bientôt il est traduit devant une commission révolutionnaire. On avait trouvé dans sa cache quelques vases. sacrés et des ornemens sacerdotaux. C'en fut assez pour fournir aux ennemis de la religion des prétextes spécieux pour les simples et légitimer en quelque sorte la sentence inique qu'on voulait porter contre le ministre de JésusChrist. On l'accusa d'avoir volé ces objets ; comme si un prêtre ne devait pas arracher aux profanations des impies les débris du sanctuaire; comme si l'Eglise ne pouvait chercher à conserver ses trésors; comme si le consommateur de nos augustes mystères devait renoncer, par une lâche complaisance, aux moyens de les célébrer pour la paix des états et le salut des fidèles! Ah! si la Religion a mis au rang de ses martyrs, si elle honore

comme des enfans de Dieu, comme des habitans de la céleste patrie ceux qui autrefois cachaient les saints livres au péril de leur vie, qui aimèrent mieux mourir de la main des idolâtres que de leur livrer ces précieux dépôts de la foi catholique, n'est-il pas digne de tous les éloges le prêtre zélé qui versa jusqu'à la dernière goutte de son sang pour dérober à de sacriléges attentats les vases précieux qu'avait tant de fois sanctifiés la présence réelle d'un Dieu Sauveur ?

Condamné à une mort inévitable, M. Bodereau ne songea plus qu'à se préparer au martyre. Autant il avait édifié par la sainteté de sa vie, autant il se fit admirer par les grands sentimens de religion qu'il manifesta dans ses derniers momens. Il voulut marcher au supplice nu-pieds, comme un criminel. Sa marche fut ferme et modeste il ne trembla que sous le couteau fatal qui lui trancha la tête. Toute la ville fut frappée de stupeur, et le silence éloquent des braves Manceaux ne fut interrompu que par des vociférations commandées. De pieuses femmes envoyèrent leurs ealans recueillir jusque sous l'échafaud le sang du martyr, et plusieurs en ont conservé jus

qu'à ce jour avec une religieuse vénération. M. Bodereau était âgé de quarante ans, lorsqu'il subit son jugement, à quatre heures du soir, le 9 mai 1793, le jour de l'ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui fut aussi celui de sa glorieuse entrée dans le Ciel. Il avait eu l'avantage de pouvoir se confesser dans sa prison à un prêtre du diocèse, nommé Rousseau, vicaire de Montbizot, qui était détenu avec lui pour le refus du serment schismatique. Celui-ci ne fut point mis à mort. Il fut déporté et embarqué sur un des vaisseaux stationnés dans la rade de l'île d'Aix. Ce fut un de ceux qui survécurent aux maux qui en consommèrent les trois quarts. De retour dans le diocèse, il fut repris, déporté de nouveau à l'île de Rhé. Epuisé enfin par tant de souffrances, il a terminé glorieusement sa carrière.

Le second prêtre guillotiné au Mans était attaché à la maison de la Mission de cette ville, et par cela même appartenait au Clergé du diocèse. Né à Salcie, près de Toulon, en Provence, M. Guibaud était entré à Paris dans la congrégation de S. Lazare, établie par le bienfaisant Saint-Vincent de Paul; ses supérieurs l'envoyèrent au Mans, la seconde

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