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INTRODUCTION.

Après

ce qui a été dit dans l'avertissement, nous entrerons sans autre préliminaire, dans le vif du sujet :

Quel était l'état territorial des divers monarchies à la fin de l'année 1843 ?

Quel est celui qu'avait créé le congrès de 1815 ?

Quels changements a subis, pendant les quarante-cinq dernières années, la carte politique tracée au célèbre congrès de Vienne, qui a été, pour le 19° siècle, ce qu'avait été pour l'équilibre européen du 17° siècle, le congrès de Munster?

En 1843, l'empire français et le royaume d'Italie, dont Napoléon Ier portait la double couronne, embrassaient la majeure partie de l'Europe occidentale, et s'étendaient de Hambourg et du Zuiderzee jusqu'à Rome : les Provinces - Unies des Pays-Bas, les villes anséatiques, les anciens électorats de Trèves, de Mayence, et de Cologne, le canton suisse de Genève, la Savoie, le Piémont, la Toscane, Parme, Modène, les provinces italiennes de la maison d'Autriche, les états de l'Église, présentaient, à cette époque, par leur annexion successive, une grande unité, un vaste empire régi par les mêmes lois, gouverné par la même volonté souveraine, protégé par le même sceptre et la même épée. A ces immenses domaines du nouvel empereur d'Occident, du Charlemagne du CUSSY, PRÉCIS HISTORIQUE.

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19e siècle, appartenaient, de plus, les Iles Ioniennes, la Dalmatie, l'ancienne république de Raguse, les villes de Danzig, d'Erfurt, etc.

La Prusse de Frédéric -le-Grand avait perdu à la paix conclue à Tilsit en 1807, une partie de ses provinces occidentales réunies au territoire de Hesse-Cassel, elles avaient formé le royaume de Westphalie;

Le roi de Saxe était reconnu souverain du duché de Varsovie;

Le grand-duché de Berg, le grand-duché de Francfort, créés par l'empereur Napoléon, la principauté de Neufchatel et les états napolitains tenaient leurs souverains de la main de l'empereur, et les grands dignitaires de la couronne impériale, étaient en possession des titres de ducs de Dalmatie, d'Otrante, de Tarente, de Bénévent, d'Istrie, de Padoue, de Frioul, de Reggio, de Trévise, de Parme et Plaisance, de Massa et Carrara, etc. etc.

L'Espagne, dont la couronne avait été placée sur la tête du prince Joseph Napoléon, et qui fut rendue, par le traité de Valency, du 14 Décembre 1813, au roi Ferdinand VII, son légitime possesseur1), l'Espagne avait encore, en droit, sinon de fait, ses riches et vastes colonies de l'Amérique continentale du Sud 2);

Le Portugal comptait parmi ses domaines d'outre-mer le Brésil, où le roi Jean VI se réfugia lorsque les armées françaises pénétrèrent dans la péninsule hispanique 3);

Le roi des Deux-Siciles vivait retiré dans les environs de Palerme, sous la protection des garnisons anglaises et des escadres turques et britanniques: le roi Joachim, beau-frère de l'empereur Napoléon, régnait à Naples;

1) V. Chap. IV.
2) V. Chap. I.
3) V. Chap. VII.

Le Pape qui avait perdu ses états temporels, habitait le château impérial de Fontainebleau ;

Enfin, plusieurs états souverains avaient disparu de la carte politique de l'Europe, notamment Venise, Gènes, Parme, Modène, devenus autant de provinces du royaume d'Italie; l'électorat de Hanovre, celui de Hesse-Cassel, les villes anséatiques, etc.

Mais cette carte de 1813, qu'avait tracée l'épée victorieuse de Napoléon, fut déchirée par la coalition de 1813: tous les monarques de l'Europe s'étant ligués contre un seul, le nombre triompha, et malgré les prodiges de talents stratégiques et d'habileté que le plus grand capitaine des temps modernes développa pendant la campagne de France, en 1843 et en 1844, Napoléon se vit dans la nécessité, pour rendre la paix à la France, de signer l'acte de son abdication : l'année suivante, l'illustre monarque, qui dispensait des couronnes, le législateur, le politique éminent que la Providence semblait avoir choisi pour ramener l'ordre, et rétablir la religion, fut transporté sur un rocher anglais, au milieu des mers, et captif, rendit sa grande âme à Dieu le 5 Mai 1824 !

Par le traité de paix de Paris, signé le 23 Avril 1814, la France se vit enlever toutes ses conquêtes: elle fut réduite aux frontières qu'elle avait en 1792. L'acte final du congrès de Vienne, signé le 9 Juin 1815, confirma cette détermination, que l'on pourrait taxer d'injustice en ce qui concerne, tout au moins, les pays qui y avaient été annexés antérieurement à l'établissement de l'empire en faveur du grand homme que la coalition des souverains de l'Europe s'était proposé de renverser du trône. Le congrès de Vienne rendit à leur ancien souverain les états italiens connus aujourd'hui sous le nom de royaume Lombardo - Vénitien; la Prusse reçut di

verses provinces saxonnes, et un accroissement plus considérable encore de territoire sur le Rhin le royaume de Westphalie et le grand-duché de Berg furent rayés de la liste des états; le prince souverain de Hesse-Cassel, reçut, en prenant possession des anciens domaines de sa maison, le titre d'électeur1); le roi d'Angleterre prit le titre de roi de Hanovre, titre qui n'appartient plus au souverain de la GrandeBretagne depuis que l'application de la loi salique, à l'avénement au trône de la reine Victoria, le 20 Juin 1837, a fait passer la couronne de Hanovre au duc de Cumberland 2; le roi des Deux-Siciles fut remis en possession de ses anciens états de terre ferme ; la Belgique réunie aux Provinces-Unies du Nord (ou ancien royaume de Hollande), forma le royaume des Pays-Bas, érigé en faveur de la branche de Nassau, qui avait donné ses stathouders à l'ancienne république ; les souverains de Saxe-Weimar, des deux Mecklembourg et d'Olden-bourg, reçurent le titre de grand-duc; la Suède conserva le royaume de Norvége, que sous la pression des événements politiques le roi de Danemarck lui avait cédé ; le territoire de l'ancienne république de Gènes fut placé, à titre de duché, sous le sceptre du roi de Sardaigne, qui reprit possession de la Savoie et du Piémont; les duchés et principautés de Parme, de Modène, de Lucques et le grand-duché de Toscane furent rétablis; Genève reprit rang parmi les cantons suisses, ainsi que Neufchatel que, par une anomalie singulière, le congrès conserva, à titre de principauté, au roi de Prusse; le duché de Varsovie, enlevé au roi de Saxe (qui perdit plusieurs de ses provinces allemandes remises à la Prusse), fut érigé en royaume de Pologne au profit de l'empereur de Russie, qui

4) Titre qui, dans la Confédération germanique, n'a plus aucune signification, et qui donne au prince qui en est revêtu le rang des grands ducs souverains, c'est-à-dire les honneurs royaux.

2) Père du roi actuellement régnant George V, monté sur le trône le 18 Novembre 1851.

prit les titres de czar et roi de Pologne; une république de Cracovie fut reconnue, et les provinces polonaises que les trois démembrements des années 1772, 1793 et 1795, avaient fait passer à l'Autriche, à la Prusse et à la Russie, restèrent sans conteste, à ces puissances; l'existence indépendante des villes libres de Hambourg, Brème et Lubeck, fut reconnue, et Francfort, déclarée ville libre, fut désignée pour la tenue des séances de la diète de la Confédération germanique; enfin, les Iles Ioniennes, qui devaient former un état indépendant, furent, par un traité spécial, placées sous le protectorat de la Grande-Bretagne ; protectorat qui n'a plus de raison d'être depuis la création d'un royaume hellénique 1), protecteur naturel de l'état septinsulaire contre les Ottomans de l'Albanie: la Grande-Bretagne conserva, d'ailleurs, l'île de Malte qu'elle s'était engagée, par le traité de paix d'Amiens, de l'année 18022), à restituer à l'ordre souverain des chevaliers de S'. Jean de Jérusalem, qui avaient rendu de si nombreux et de si réels services à tous les états chrétiens, riverains de la Méditerranée. L'aréopage omnipotent réuni à Vienne en 1815, pour rétablir l'équilibre européen et assurer la paix du monde, a donc dressé une nouvelle carte politique de l'Europe, d'une part, en faisant disparaître à jamais, la pléiade de petits états souverains allemands dont Napoléon avait déjà atteint l'existence, par la médiatisation, et en fixant à trente-cinq le nombre des états ayant le droit d'envoyer des représentants à la diète germanique 3), d'autre part, en réunissant aux états souverains les plus puissants du

- 4) V. Chap. IX.

2) Signé le 27 Mars 1802, entre la France, l'Espagne, la Hollande, d'une part, et la Grande-Bretagne, d'autre part.

3) La Confédération germanique renferme 44 millions d'habitants; l'armée de la Confédération, y compris une réserve de 400,000 hommes, est de 525,000 hommes.

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